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Du pass sanitaire au pass vaccinal

par Fabienne Blum

Jean Castex vient d’annoncer le passage du pass sanitaire au pass vaccinal en raison de 6 millions de Français non vaccinés, jugé comme inadmissible alors que la 5e vague promet de battre son plein pour les Fêtes de fin d’année, et qu’une vague 6, qu’on peut appeler la vague Omicron, est en train de se naître. Le télescopage des vagues 5 et 6, de mauvaise augure, plane le début de l’année 2022 qui sera la 3e année de pandémie. Aurait-on pu éviter cette situation en étant plus réactif sur la nécessité impérieuse de vaccination ?

On parlait déjà d’obligation à la vaccination « de fait » en juillet quand le président a annoncé l’instauration du pass sanitaire. Or il permettait au moyen de tests de continuer à avoir la même vie que les vaccinés. Avec le pass vaccinal, on passe vraiment du côté de l’obligation sauf à vivre dans sa grotte en ermite.

Qu’a-t-on gagné à procéder ainsi , à limiter la contrainte jusqu’au dernier moment au seul pré carré des ultra-réfractaires qui vont bientôt devoir se soumettre ? Certains considéreront cela comme une réussite, d’être ainsi parvenu à imposer le vaccin qu’à un minimum de concitoyens, s’agissant d’un geste considéré comme « violent » dans l’atteinte aux libertés individuelles ; alors autant ne le faire qu’en dernier recours, le plus tard possible, auprès d’une population la plus réduite possible.

Le raisonnement est compréhensible, et puis il y a aussi tous nos concitoyens en état d’isolement des systèmes d’information et de soins qui n’ont pu accéder à la vaccination d’où la légitimité du « Aller vers » qui malheureusement n’a pas fonctionné, mais quel est le prix de cette attention  particulière visant à ne pas contraindre à tout prix ? « À tout prix » est-il raisonnable quand le prix à payer, ce sont des morts dont des familles décimées, des covid longs dont les connaissances et l’issue est incertaine, des soignants à genoux et un virus plus apte à muter ?

Tout d’abord pour ces réfractaires concernés, peut-être vont-ils ressentir l’humiliation d’avoir su résister aux messages de santé publique pour préserver leur « liberté »,  victimes d’une espèce de chasse à l’homme de six mois au bout de laquelle ils vont se retrouver « piqués » quand même, comme trahis dans un jeu couru d’avance. Voilà qui va plaire aux complotistes.

Ensuite, on peut désormais se poser la question de ce qui s’est finalement avéré être une étape intermédiaire longue : le pass sanitaire. Emmanuel Macron avait bien annoncé en juillet qu’il était avant tout un moyen de pousser à la vaccination avant d’envisager l’obligation. Il n’y a donc, en réalité, ni coup de théâtre ni trahison. Mais, alors que l’on s’interrogeait déjà au lendemain de cette allocution sur l’intérêt de l’injonction à l’injection plutôt que l’obligation franche,  on sait le mouvement contestataire d’atteintes aux libertés, d’indignation contre la ségrégation des porteurs ou non de pass, contre la société du contrôle que cela a généré avec les fameuses manifestations du samedi, et toute la reprise politique d’un problème de santé publique qui en a résulté, sans compter le fait de l’obligation décidée uniquement pour les soignants qui pour certains les a stigmatisés, comme a été stigmatisée la population antivax.

Enfin, il y a l’aspect  essentiel de la pandémie hors contrôle. Le gouvernement savait en juillet qu’il fallait aller vers une vaccination massive, des scientifiques avaient prédit qu’on se heurterait à un plafond de verre insuffisant, proposant en mai-juin de jouer la carte des mesures incitatives,  et on a même dû revoir à la hausse les prévisions de part de population vacciné pour espérer l’immunité collective.
Pendant qu’on instaurait le pass sanitaire et les mouvements sociaux et politiques qu’il a généré, le virus continuait d’avancer pour infecter le plus grand nombre, variant en Delta puis Omicron avec à la clé la pandémie des non vaccinés, qui remet aujourd’hui toute la population devant un danger incertain et la promesse de nouvelles mesures sanitaires, et l’hôpital à bout promis à de nouveaux jours noirs.

L’obligation vaccinale motivée strictement pour des raisons de santé publique, pour toute la population éligible, quelle que soit son âge, sa profession, n’aurait-elle pas été moins clivante  et moins coûteuse en troubles sociaux  et en arguments offerts aux antivax ? N’aurait-elle pas permis de moins temporiser et ainsi laisser moins d’espace au virus pour continuer à faire des ravages et à en faire profiter les variants ? Car comme les autres vaccins obligatoires, les vaccins anti-Covid sont sûrs et efficaces, la science l’a démontré il y a un an et l’utilisation dans le monde réel n’a fait que le confirmer toujours plus. Il sera utile de mesurer les conséquences sanitaires et socio-économiques de 6 mois de temporisation  pour aboutir à l’obligation vaccinale, et de mesurer la perception des citoyens sur cette problématique.

Image d’illustration : certificat numérique européen COVID

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