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Presse et politiques de mise à jour : ne pas confondre exigences déontologiques et choix éditoriaux

En matière de mise à jour d’articles journalistiques, il est important de distinguer deux types de modifications dont l’un relève de la déontologie, l’autre d’un choix éditorial. Un point sur les exigences et les pratiques.

Certaines professions sont réglementées, comme les professions juridiques, de santé, ou de presse. Il y a des textes de loi qui régissent ces activités, et puis il peut y avoir des règles déontologiques, certaines pouvant être inscrites dans la loi. Pour certaines de ces professions, il existe des instances ordinales qui peuvent infliger des sanctions aux professionnels qui dépendent cet Ordre, en cas d’infraction. Il y a ainsi l’Ordre des médecins, l’Ordre des pharmaciens, l’Ordre des avocats, l’Ordre des… journalistes ? Non pour ce dernier cas.

Les référentiels de déontologie journalistique et le CDJM

Il existe divers codes de déontologie pour les journalistes, internationaux ou nationaux émanant de diverses instances, mais en France, il n’y a pas d’instance ordinale pouvant être saisie et habilitée à sanctionner.
En 2019, Cédric O, secrétaire d’État au numérique, a bien lancé l’idée mais la profession et les syndicats se sont indignés, préférant un autre type d’instance basé sur la confiance plutôt qu’une autorité avec des pouvoirs de sanction.
On pourra lire à ce titre le communiqué du Syndicat national des journalistes : Non à un Conseil de l’Ordre !

C’est dans ce cadre qu’a été créé le CDJM, Conseil de déontologie journalistique et de médiation. Constituant l’une des réponses à la crise de confiance envers les médias, il est indépendant, autorégulé (association loi 1901 à vocation d’intérêt général), tripartite (3 collèges : éditeurs, journalistes, citoyens), Le CDJM peut être saisi et délivre des avis consultatifs ; il travaille aussi sur les règles déontologiques de la profession et bien que de création récente, a déjà mis à disposition des référentiels de bonnes pratiques pour certains aspects de la profession.

Elle se décrit en une phrase ainsi : « Le CDJM est une instance de médiation entre les journalistes, les médias, les agences de presse et les publics sur toutes les questions relatives à la déontologie journalistique.« 

Son référentiel est constitué d’un choix de trois chartes : la déclaration de Munich de 1971 ; la Charte d’éthique mondiale des journalistes de la Fédération internationale des journalistes, adoptée en 2019 à Tunis.

Presse en ligne : l’enjeu des mises à jour d’articles

Avec le développement de la presse numérique, la modification des articles est un sujet d’ampleur.

Il est très facile de modifier un article en ligne pour les journalistes habilités. Contrairement au « papier », cela arrive donc très souvent. Il existe beaucoup de motifs de modification : des erreurs bénignes (typographie) aux erreurs factuelles avec toute la palette possible de niveau de gravité. Il peut y avoir des mises à jour pour améliorer un article, sur la forme ou sur le fond, ou pour apporter des compléments.

Selon l’importance de la structure de presse et son organisation, les mises à jour sont plus ou moins contrôlées. Il peut y avoir des règles établies, plus ou moins respectées, ce qui dépend aussi des droits d’accès : journalistes, éditeurs, les rôles peuvent être nombreux et les droits d’accès variés.

Il est important de bien différencier les « correctifs », qui corrigent des erreurs factuelles (à l’exclusion des erreurs typographiques et autres coquilles), des autres mises à jour, que nous appellerons « Edits ». Oui, c’est de l’anglais.

Nous avons donc, selon la terminologie que nous avons choisi, l’équation suivante :

Mises à jour = Correctifs + Edits

Pourquoi cette distinction est-elle importante ?

Seuls les erreurs factuelles relèvent de la déontologie journalistique

Nous avons interrogé Yan Guegan, vice-président du CDJM, sur les politiques applicables aux mises à jour en lien avec la déontologie. Il nous répond :

« S’il ne s’agit pas d’un correctif, la mise à jour et son signalement ne relèvent pas d’un impératif déontologique, mais d’un choix éditorial du média concerné, qu’il est libre de prendre. »

Le CDJM a publié il y a un an des recommandations es intitulées « Rectifications des erreurs : les bonnes pratiques », consultables et téléchargeables sur le site de l’organisme.

Ces recommandations suggèrent bien évidemment de corriger toute erreur factuelle dont l’éditeur a connaissance.

Concernant la signalement des rectifications, le CDJM distingue 3 types d’erreurs selon la sévérité et des modalités de signalement comme suit pour la presse en ligne :

  • l’erreur bénigne, pour laquelle l’éditeur signalera la rectification s’il « le juge nécessaire »
  • l’erreur significative, à rectifier « rapidement » et à signaler
  • l’erreur grave, à rectifier « en urgence » et à signaler en expliquant « dans quelles conditions l’erreur a été commise, avec présentation de excuses de la rédaction.

Nous avons ainsi un cadre établi pour les correctifs, qui relève donc de la déontologie journalistique.

Pour les edits chaque rédaction est libre de définir sa politique.

Par exemple, notre jeune rédaction a défini une « Politique de correction » basée sur les bonnes pratiques du CDJM :

Quelles sont les pratiques actuelles ?

En vue d’une réflexion éditoriale interne sur le traitement des mises à jour de type « edits », qui ne relèvent pas de la déontologie, nous avons demandé à Yann Guegan s’il avait une idée des pratiques actuelles et s’il existait un « état des lieux » à ce sujet.

« C‘est une très bonne question, à laquelle je n’ai pas de réponses. Je pense que les médias ont beaucoup à faire pour progresser dans ce domaine, et certains le font. » nous a-t-il répondu.

Nos recherches très rapides le confirment, avec par exemple avec la parution très récente soit en janvier cette année, d’une « charte des rectificatifs du « Monde« , dans le but « d’unifier notre politique de correction des erreurs factuelles et d’apporter une plus grande transparence au sujet des mises à jour des articles.

« 20 Minutes » précise en mai 2022 qu’il est signataires de l’IFCN, qui regroupe des sites de fact-checking et dispose d’un code complet pour cette activité. C’est en réalité sa structure »20 minutes Fake Off » qui s’est engagée sur ces standards comprenant des règles pour les corrections. À noter : « 20 Minutes » a créé une indexation qui permet aux internautes de voir chronologiquement tous les correctifs publiés par le service de presse.

À chaque service de presse donc, de mettre en place les politiques déontologiques conformes pour les erreurs factuelles, et de réfléchir aux pratiques qu’elle souhaite mettre en place pour les autres mises à jour.
La transparence est dans tous les cas toujours bienvenue dans la réflexion et en fonction des impératifs, fonctionnements et priorités des rédactions.

Image d’en-tête : Machine à écrire « Hermes Baby » fabriquée par Paillard-Bolex – source Wikipédia

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