BiologieGénétiqueMédicamentsPharmacologie

Trois façons d’utiliser l’ARN dans la prochaine génération de traitements médicaux

Par Oliver Rogoyski, Chercheur postdoc en biologie de l’ARN et biochimie, University of Surrey

Vous avez peut-être entendu le terme « ARN » récemment grâce au développement des vaccins ARNm de Pfizer et Moderna, qui protègent contre la COVID-19. Mais les utilisations médicales potentielles des molécules d’ARN vont bien au-delà des vaccins.

L’ARN, ou acide ribonucléique, fait partie des molécules les plus importantes pour la vie sur la planète. L’ARN est présent dans toutes les cellules de l’organisme et joue un rôle important dans la circulation des informations génétiques.

L’ARN « messager » (ARNm) copie et transporte les instructions génétiques de l’ADN vers les usines de fabrication de protéines des cellules (ribosomes), qui peuvent ensuite créer les composants biologiques et les mécanismes dont elles ont besoin pour fonctionner. Par exemple, les protéines d’actine donnent aux cellules leur forme et leur structure et sont essentielles à la contraction musculaire.

L’ARN aide également d’autres biomolécules à se trouver entre elles, et contribue à réunir d’autres protéines et ARN. Ces fonctions sont cruciales pour gérer les nombreux niveaux de régulation des gènes, qui sont eux-mêmes importants pour le bon fonctionnement de l’organisme.

Le large éventail de capacités de l’ARN, ainsi que sa séquence moléculaire simple qui peut être facilement lue par les chercheurs, en ont fait un outil extrêmement utile pour le développement de technologies biomédicales récentes, notamment l’édition génomique CRISPR.

Voici trois autres domaines dans lesquels l’ARN fait l’objet de recherches.

Vaccins

Les vaccins à ARNm utilisés pour se protéger contre le SRAS-CoV-2 (le virus à l’origine de la COVID-19) sont les premiers de leur genre à être autorisés pour une utilisation chez l’homme à grande échelle.

Mais des études et des essais cliniques sur les vaccins à ARN pour d’autres virus, et même des cancers, sont en cours depuis une décennie. Ces types de vaccins introduisent une séquence d’ARN spécifique dans l’organisme, ce qui amène les ribosomes de l’organisme à créer une protéine virale spécifique et inoffensive. En retour, cela entraîne le système immunitaire à réagir de manière à produire une forte protection contre ce virus la prochaine fois qu’il le rencontrera.

Cela est différent des vaccins classiques, qui nécessitent soit une forme inoffensive et inactive d’un virus, soit de petites protéines ou des fragments de protéines fabriqués par un virus, dans le but d’entraîner le système immunitaire. Il est également facile et rapide de concevoir et de synthétiser une séquence d’ARN qui fournit des instructions à l’organisme.

Mais l’un des principaux obstacles à la fabrication de médicaments efficaces à base d’ARN est la relative instabilité des molécules. Celles-ci se dégradent rapidement lorsqu’elles sont exposées à certains enzymes et produits chimiques courants, et doivent donc être conservées à des températures très basses, dans certains cas inférieures à – 70 ℃, comme c’est le cas pour le vaccin de Pfizer.

Technologies de diagnostic

L’ARN joue également un rôle croissant dans le domaine du diagnostic. Les recherches sur les biopsies liquides (qui ne nécessitent qu’un échantillon de fluides corporels humains, comme le sang) ont montré qu’en mesurant les niveaux de certains ARN, de nombreuses maladies peuvent être diagnostiquées à un stade plus précoce, notamment les cancers, les maladies neurodégénératives et les maladies cardiovasculaires.

Outre le fait qu’ils facilitent la collecte d’échantillons et la rendent moins invasive, les biomarqueurs à base d’ARN présentent des avantages supplémentaires par rapport aux biopsies de tissus et à d’autres méthodes de collecte plus invasives – telles que les biopsies de peau, d’organes ou d’os – car ils sont moins douloureux et comportent moins de risques.

Il est également possible d’évaluer simultanément des combinaisons de biomarqueurs ARN, ce qui permet non seulement de renforcer la confiance dans le diagnostic, mais aussi de prédire la progression et le pronostic de la maladie. Des études à grande échelle visant à tester l’adéquation clinique de ces types d’outils de diagnostic sont toutefois encore nécessaires.

Développement de médicaments

L’ARN est également utilisé pour contribuer au développement de nouveaux médicaments.

Les médicaments qui ciblent l’ARN peuvent être identifiés, et dans certains cas personnalisés, car les chercheurs peuvent échantillonner les interactions et les séquences d’ARN liées à de nombreuses maladies différentes à partir de bases de données facilement accessibles. Jusqu’à présent, les médicaments qui ciblent l’ARN ont été très prometteurs dans le traitement de maladies très rares, pour lesquelles il n’existait pas de traitement efficace, comme la maladie de Huntington.

On conçoit également des médicaments capables de cibler l’ARN et de modifier ou d’inhiber la fonction de certains gènes ou la production de protéines, y compris celles responsables de nombreuses maladies et symptômes. Plusieurs de ces médicaments ont été utilisés avec succès pour traiter des virus, des maladies neurodégénératives et même dans le cadre de la médecine personnalisée (traitements conçus spécifiquement pour le patient).

Les médicaments d’interférence ARN constituent un autre domaine de recherche. Ces médicaments réduisent au silence un gène spécifique pour traiter une maladie. Des recherches sur ces types de médicaments sont actuellement en cours pour de nombreuses maladies, notamment l’amylose (une maladie rare causée par une accumulation de protéines dans l’organisme), les porphyries hépatiques aiguës (un trouble métabolique rare) et plusieurs cancers (dont le cancer du poumon).

Plus récemment, il a été démontré que certains groupes d’ARN et de protéines modifient la sensibilité de maladies (en particulier de cancers) aux traitements. Cela a permis de rendre certains cancers moins résistants aux traitements conventionnels. Cela pourrait potentiellement fournir une nouvelle association thérapeutique précieuse pour les maladies difficiles à traiter.

Les investissements dans les thérapies à base d’ARN ont été nombreux et les progrès ont été rapides au cours de la dernière décennie. Grâce à de nouveaux essais cliniques (testant la sécurité et l’efficacité), à l’amélioration des méthodes de fabrication à faible coût et à l’amélioration de leur stabilité, nous pouvons espérer voir bientôt les résultats de ce travail, et disposer d’une toute nouvelle génération de médicaments à utiliser, plus spécialisés et plus efficaces.

Traduit par Citizen4Science, article paru le 11/4/2021 dans The Conversation : lien

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Résoudre : *
12 × 3 =