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Courrier des lecteurs et autres tribunes : de la responsabilité des rédactions

Se retrancher derrière le fait que c’est un tiers qui écrit affranchit-elle une rédaction de toute responsabilité ?

Nous évoquons aujourd’hui ce sujet à l’occasion d’un courrier de lecteur publié par le Quotidien de la Réunion. Le voici tel que publié par le journal :

Extrait de la page 2 du Quotidien de la Réunion du 27 mai 2022, rubrique Courrier des lecteurs

Ce texte est signé par un médecin local poursuivi par l’Ordre pour ses propos antivax. Elle défend une étude de mauvaise qualité scientifique promue par une figure antivax américaine.

Il s’agit clairement de désinformation sur la dangerosité avancée des vaccins à ARNm à base d’une étude que le médecin affirme à tort sérieuse.

Pour en savoir plus sur le Dr Bougeon :

Un air d’article journalistique…

Cette copie d’écran de son courrier publié a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux – elle ne montre pas qu’il s’agit d’un courrier de lecteur, à dessein par ceux qui ont diffusé cela (des antivax et autres complotistes) mais ce qui a permis cette propagation virale c’est surtout que la mise en page est « fignolée », donnant l’impression d’un article de presse : gros titre, ajout d’une photo d’illustration, vraisemblablement par la rédaction du journal.

On dézoome :

Réaction d’un journaliste du Quotidien

Celle-ci est louable, elle vise à (ré)informer le public qu’il ne s’agit pas d’un article journalistique mais d’un courrier de lecteur :

Ce n’est pas la première que des courriers de lecteur contiennent de la désinformation et sont publiés par des journaux, parfois mis en page façon article journalistique. Citizen4Science le relève de temps en temps? comme ici.

Publier des courriers de lecteurs ou des tribunes est un acte éditorial

Sur le réseau social, Le Quotidien de la Réunion a réagi à la discussion sur le courrier du médecin antivax qu’elle a publié :

Le journal invoque la liberté d’expression pour publier des courriers de lecteurs, et se retranche derrière le fait que le contenu n’engage pas la rédaction.

Publier des intervenants externes, courriers de lecteurs ou tribunes, est louable en effet, au titre de la liberté d’expression, mais si le contenu n’engage pas la rédaction, le fait de publier tel ou contributeur est bien un choix éditorial. Sauf à ce que le journal publie systématiquement tout courrier ou tribune reçu, hypothèse que nous mettons a priori de côté.

À ce titre, tribune ou courrier ne fait pas de différence – rappelons à titre d’exemple que dans l’entre-deux-tours des récentes élections présidentielles, le quotidien Libération, très engagé politiquement dans ce cadre, a fait le choix éditorial de publier de très nombreuses tribunes pour soutenir le vote pour le président sortant. Quand on regarde les couvertures incitatives du quotidien pendant cette période, à type d’injonction à ce vote ainsi que ses très nombreux articles et éditos du même type, il est facile de penser que ces tribunes entrent pleinement dans un choix éditorial, très cohérent qu’il s’agisse de rédacteurs internes ou externes au journal.

Par ailleurs, et problème de fond : peut-on publier de la désinformation au titre de la liberté d’expression et sous prétexte qu’on n’et pas responsable du contenu ? Il y a peut-être là un problème d’éthique journalistique.

Et puis, de la désinformation n’est pas une opinion. La science non plus !

La sélection… et la mise en forme

Au-delà du fait de publier ou non des courriers de lecteurs, il y a la façon de le faire. Mettre un gros titre et ajouter des photos d’illustration peut tromper le public. Les rédactions devraient peut-être toujours songer au fait qu’aujourd’hui, tout circule sur les réseaux sociaux. La présentation d’un contenu a un fort impact sur l’opinion du lecteur, tout journaliste et toute rédaction ne peuvent l’ignorer.

Au final, une réflexion est à engager et des principes à mettre en place pour le traitement des contributions externes pour éviter les dérives et de se retrouver complice de la désinformation.

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