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Décès d’un adolescent suite à vaccination contre le papillomavirus : la mise hors de cause du produit injecté n’exclut pas des effets indésirables liés à l’intervention

Cet événement tragique du 19 octobre a suscité des articles de presse générant réactions indignées d’internautes sur les réseaux sociaux sur base d’incompréhension de notions de base de pharmacovigilance.

L’évaluation des médicaments est une discipline particulièrement complexe, pas vraiment d’emblée à la portée du grand public. Néanmoins, à la faveur de la crise sanitaire, de nombreux internautes se sentent habilités à jouer la spécialistes de pharmacovigilance, le domaine qui consiste à surveiller et analyser les risques liés aux médicaments et à leur utilisation. L’expert en la matière en est tout naturellement le pharmacien, professionnel de santé que l’on retrouve dans les services de pharmacovigilance de l’industrie pharmaceutique et au sein des autorités sanitaires.

Pour beaucoup, le terme de « pharmacovigilance » était inconnu avant 2020. Mais la pandémie de Covid-19 est passée par là, et le sujet des vaccins contre le Covid a créé de nombreuses polémiques quant à leurs effets indésirables. En particulier, des personnes réticentes à la vaccination contre le Covid-19 ou à la vaccination en général (les fameux « antivax ») ont exploité le filon de cette méconnaissance du domaine par le grand public, laissant penser que les vaccins commercialisés pour lutter contre la pandémie de SARS-CoV2 étaient dangereux du fait de leurs effets indésirables. Cela a concouru à entretenir la défiance vaccinale, qui est historiquement très ancrée en France.

S’il faut savoir que tout médicament peut générer des effets indésirables, c’est particulièrement le cas des vaccins de part leur mode d’action qui consiste à stimuler le système immunitaire via une attaque virale réelle et atténuée ou encore simulée.

Les « antivax » ont exploité plusieurs pistes pour faire croire à la nocivité des vaccins : parmi les principales, ils ont joué sur le nombre absolu d’événements indésirables survenus post-vaccination. L’OMS estime que près de 70 % de la population mondiale a reçu au moins une dose de vaccin anti-Covid. Certains ont reçu un ou plusieurs rappels, ce qui fait 13 milliards de doses de vaccin injectés. Cela a généré énormément d’événements indésirables dont une partie, principalement les plus graves objets de signalement par les patients et les professionnels de santé et les laboratoires pharmaceutiques, ont été répertoriés dans des bases de pharmacovigilance publiques. Un effet loupe qui ne peut qu’effrayer si l’on explique pas ce contexte et qu’on ne relativise pas les chiffres.

Ensuite, on a semé la confusion en ne différenciant pas événement indésirable et effet indésirable. Un événement indésirable est un événement non souhaité survenant post-vaccination, qu’il soit lié à l’événement vaccination ou non. Un effet indésirable implique quant à lui qu’une relation ait été établie entre l’événement post-vaccination et l’acte de vaccination. Or les bases de données de pharmacovigilance exploitées par les « antivax » rapportent les événements signalés de façon « brute », sans analyse d’une éventuelle causalité.
La clé ici est le fait que 2 événements qui se succèdent dans le temps n’implique pas nécessairement que le dernier a été causé par le premier.
Notre éditeur l’association Citizen4Science a beaucoup travaillé à la sensibilisation du public en 2021 avec notamment cette affiche sur l’illusion de corrélation :

Le malaise est « le principal effet indésirable de toute forme de vaccination »

Revenons maintenant au cas du collégien décédé le mois dernier. Le jeune garçon âgé de 12 ans était scolarisé en classe de 5e au collège de Saint-Herblain dans la banlieue de Nantes. Ce jour-là il reçoit à l’école le vaccin contre le papillomavirus, puis fait un malaise qui entraîne une chute avec traumatisme crânien. Il est pris en charge rapidement par le SAMU mais il succombera quelques jours plus tard au CHU de Nantes du fait de la dégradation de son état en lien direct avec la gravité du traumatisme crânien.

Une enquête pour homicide involontaire est ouverte, la presse couvre largement l’événement, évoquant à juste titre que l’accident a eu lieu suite à l’acte de vaccination scolaire.

L’Agence régionale de santé (ARS) qui a fait son enquête de pharmacovigilance publie rapidement un communiqué qui met hors de cause le produit vaccinal injecté.
Des internautes amateurs de science, érigés en combattants des « antivax », fustigent alors les médias qui ont décrit la succession des événements qu selon eux,i insinue à tort un lien causal entre la vaccination et le décès du garçon, allant jusqu’à parler de désinformation pure et simple.

Pourtant, ce n’est pas le cas et le compte de veille des réseaux sociaux de l’association Citizen4Science, sollicité à ce sujet, a réagi :

Pour les novices en matière de pharmacovigilance baignés de lutte contre le clan d’en-face « antivax » , on ne voit qu’un bout de la lorgnette à savoir le vaccin lui-même. C’est le problème des réseaux sociaux et de son caractère réducteur dans le cadre d’oppositions entre clans radicalisés et gonflés d’assurance et dénués de connaissances suffisantes (source du fameux effet Dunning-Kruger). Il est difficile pour les clans en opposition de prendre du recul. Il faut pour cela revenir à la notion d’événement. La vaccination est une intervention médicale : un produit vaccinal que l’on injecte, la préparation de ce produit, les conditions d’administration, l’état psychologique du receveur du vaccin, l’environnement, tout ce contexte contribue à un événement multifactoriel : l’acte de vaccination. Ici, on peut se poser une question pertinente pour savoir si le décès du jeune garçon est un événement ou un effet indésirable : s’il n’avait pas reçu le vaccin, serait-il décédé ? » La réponse est bien évidemment, et cruellement : non. C’est un constat terrible mais c’est ainsi, il existe un lien de causalité entre la vaccination et le décès, mais pas entre le produit et le vaccin.

Capture d’intervention du compte de veille de l’association Citizen4Science le 31 octobre sur le réseau X (ex Twitter)

Dès lors, personne n’a désinformé dans la presse. Ce décès est bien lié à l’intervention de vaccination. Le ministre Aurélien Rousseau l’a d’ailleurs rappelé à l’Assemblée nationale après le drame : évoquant le malaise qu’a subi le jeune homme décédé, il rappelle que c’est « le principal effet indésirable de toute forme de vaccination« . Toute intervention à base de piqûre est concernée, on pense par exemple aux prises de sang, qui génère des malaises régulièrement.

Et que l’on ne vienne pas dire que les médias doivent éviter de parler de sujets dérangeants afin de ne pas « faire le jeu » de telle ou telle idéologie. Comptons peut-être plutôt sur une information factuelle, expliquée avec pédagogie plutôt qu’un appel à peine voilé à la censure sur un cas tragique qui dérange.

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