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Fela Anikulapo-Kuti, Rébellion afrobeat : une expo à ne pas rater à la Cité de la musique de Paris

par Aliyah E., étudiante en Master 1 Histoire et audiovisuel à Paris 1 Panthéon Sorbonne

Lagos, Niger. C’est là bas que nous emmène la nouvelle exposition de la Cité de la musique de Paris pour découvrir la vie et la carrière de Fela Anikulapo-Kuti. Entre musique, photos, cartes et vidéos, tous les supports sont au rendez-vous pour ce voyage.

Fela Kuti est un musicien né en 1938 au Nigeria, connu pour être le père de “l’afrobeat” et surnommé le “Black President” pour son engagement politique. Son succès s’élargit dans les années 1970 et il effectue notamment avec ses groupes Afrika 70 puis Égypte 40 des tournées dans le monde entier.


La musique aussi bien que la politique sont une affaire de famille pour le musicien. Son grand-père paternel est le premier Nigérien a effectué des enregistrements audio sur CD (que le visiteur peut écouter). Son père, Israël Oludotun, est directeur d’école ainsi que présidentdu syndicat des professeurs au Nigéria et sa mère, Funmilayo Ransome-Kuti est une activiste qui se bat toute sa vie pour les droits des femmes au Nigéria.


Dès l’entrée de l’exposition, l’objet phare est mis en avant : la musique. Elle vous suit tout au long du parcours : diffusée à travers de grandes enceintes, peut être écoutée avec un casque ou bien encore dans les vidéos des concerts de Kuti diffusées sur de larges écrans. Cette musique, c’est l’afrobeat, le résultat du mélange des inspirations musicales que Fela a croisées au cours de sa vie : le highlife de Lagos, le jazz qu’il découvre en Angleterre, le funk américain mais aussi la musique yoruba de laquelle il reprend des instruments comme les hochets sekere et les cloches agogo.

Les voyages sont une partie intégrante de la construction artistique et politique de Fela. Il y découvre divers styles musicaux mais en apprenant plus sur les combats politiques internationaux. Son voyage aux États-Unis en 1969 en est le parfait exemple. Il part avec son groupe avec l’espoir de faire une grande tournée qui ne finit par se résumer qu’à un seul spectacle. Mais c’est au cours de ce périple que l’idée d’une “musique africaine” et la réinvention de la musique traditionnelle par Fela Kuti en réponse aux demandes qu’il rencontre : jouer de la musique de chez lui. Son éducation politique se fait aussi dans un sens
à travers ce voyage, notamment avec la rencontre de Sandra Izsadore, proche des Black Panthers, qui l’héberge et lui fait l’autobiographie de Malcom X.

Le résultat de cette politisation se manifeste grandement à travers ses chansons et les paroles de celles-ci notamment avec Why Black Men Dey Suffer (1970) mais surtout Zombie (1976) qui suscite le courroux du gouvernement nigérien et fait du musicien une cible répétée de leurs attaques. Mais Fela ira même plus en loin en publiant un manifeste de son mode de vie et faisant de sa maison un refuge pour artistes et exilés qu’il rebaptise la république de Kalakuta.


L’exposition nous emmène aussi dans l’univers visuel du musicien et de sa musique. Son vestiaire composé de costumes multipliant les imprimés et motifs brodés fait sur mesure par le tailleur Henry Atem est présenté ainsi que les affiches, les coupures de presse que l’artiste diffusait pour sa promotion. Les visiteurs sont invités à regarder Fela Kuti chanter au Shrine dans ses tenues colorées sur grand écran.

Cette identité visuelle de l’afrobeat passe aussi à travers les nombreux vinyles exposés et les pochettes richement illustrées des albums de Kuti, témoignant également le nombre conséquent d’albums du musicien.

Une des points phares de l’exposition est la mise en lumière des danseuses qui accompagnent Fela et qui sont souvent oubliées hormis pour évoquer le fameux mariage du chanteur avec 27 d’entre elles en même temps. Les portraits photographiques de chaque danseuse s’accompagnent d’un petit texte résumant comment elles sont rentrées dans la république de Kalakuta, leur parcours de vie et leur relation avec les musiciens. Ce mur d’histoires montre les relations ambiguës que Fela a eu avec les femmes.
Les visiteurs peuvent aussi écouter une chanson du musicien sur les femmes dans laquelle en valorisation la femme du peuple contre la femme bourgeoise coloniale, il tient un discours misogyne. Cela semble paradoxal quand nous savons les combats féministes engagé de sa mère mais ces derniers ont perduré dans la famille : nous avons le plaisir d’écouter une chanson de sa nièce au message féministe en mémoire à Funmilaya.


Enfin, une place tout particulière est accordée à la réception médiatique de Fela Kuti en France. Coupures de presses et portraits divers en témoignent. Mais c’est notamment l’engagement d’un collectif “Caravane Jericho” qui illustre cet engouement français : le groupe effectue une tournée pour réclamer la libération de prison du musicien.


Finalement, l’exposition convainc les visiteurs grâce à la multiplicité de ses thématiques. Elle permet de retracer la naissance d’un artiste et d’un style musical, découvrir la personnalité ambiguë d’une star internationale tout en témoignant de l’histoire des combats anticoloniaux de la seconde moitié du XIXème siècle. Une expérience à ne pas rater.

du 20 octobre 2022 au 11 juin 2023 – Espace d’exposition – Cité de la musique – Philarmonique de Paris

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