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Les Big Tech font face à la désinformation concernant les vaccins. Voici ce que recommande un expert en médias sociaux

par Anjana Susarla Omura-Saxena Professor of Responsible AI, Michigan State University

Alors que moins de la moitié de la population des États-Unis est entièrement vaccinée contre le COVID-19 et que la variante delta envahit le pays, le Chirurgien général des États-Unis a publié un avis dans lequel il qualifie la désinformation de menace urgente pour la santé publique. Selon cet avis, les efforts déployés par les entreprises de médias sociaux pour lutter contre la désinformation sont « trop faibles, trop tardifs et continuent à ne pas viser assez haut ». L’avis a été émis plus d’un an après que l’Organisation mondiale de la santé a mis en garde contre une « infodémie » liée au COVID.

Il y a de bonnes raisons de s’inquiéter. Une étude menée au Royaume-Uni et aux États-Unis a révélé que l’exposition à la désinformation en ligne sur les vaccins COVID-19 réduisait le nombre de personnes disant vouloir se faire vacciner et augmentait le nombre de personnes disant ne pas vouloir le faire.

En tant que chercheur étudiant les médias sociaux, je peux recommander des moyens avec lesquels les entreprises de médias sociaux, en collaboration avec les chercheurs, peuvent développer des interventions efficaces contre la désinformation et aider à renforcer la confiance et l’acceptation des vaccins. Le gouvernement pourrait intervenir, mais un projet de loi visant à limiter la désinformation médicale sur les médias sociaux, déposé en juillet, révèle certains des défis à relever – il suscite le mépris parce qu’il laisse à une personne nommée par le pouvoir politique le soin de décider de ce qui constitue de la désinformation.

La menace

Une menace sérieuse dans les environnements en ligne est que les fausses nouvelles se répandent plus rapidement que les nouvelles vérifiées et validées provenant de sources crédibles. Les articles établissant un lien entre les vaccins et la mort font partie des contenus auxquels les gens s’intéressent le plus.

Les algorithmes des plateformes de médias sociaux sont conçus pour favoriser l’engagement. Les moteurs de recommandation de ces plateformes créent un effet « terrier de lapin » en poussant les utilisateurs qui cliquent sur des messages anti-vaccins vers d’autres contenus anti-vaccins. Les personnes et les groupes qui diffusent des informations médicales erronées sont bien organisés pour exploiter les faiblesses des écosystèmes axés sur l’engagement sur les plateformes de médias sociaux.

Les médias sociaux sont manipulés à une échelle industrielle, notamment par une campagne russe de désinformation sur les vaccins COVID-19. Les chercheurs ont constaté que les personnes qui utilisent Facebook comme principale source d’information sur le coronavirus sont moins susceptibles de se faire vacciner que celles qui obtiennent des informations sur le coronavirus à partir d’une autre source.

Si les entreprises de médias sociaux ont activement marqué et supprimé les fausses informations sur le COVID-19 en général, les histoires sur les effets secondaires des vaccins sont plus insidieuses car les théoriciens conspirationnistes ne font peut-être pas un trafic de fausses informations mais s’engagent plutôt à déformer sélectivement les risques de la vaccination. Ces efforts font partie d’un écosystème de désinformation bien développé sur les plateformes de médias sociaux qui s’étend à l’activisme anti-vaccin hors ligne.

La désinformation sur les médias sociaux peut également alimenter les inégalités en matière de vaccination. Jusqu’à présent, on constate d’importantes disparités en termes d’origine ethnique parmi les personnes ayant reçu le vaccin contre le COVID-19. Par exemple, bien que la désinformation liée aux vaccins ne soit pas la seule source de ces différences, la désinformation liée à la santé est très répandue sur le Facebook hispanophone.

Voici deux mesures clés que les sociétés de médias sociaux peuvent prendre pour réduire la désinformation liée aux vaccins.

Bloquer les sources connues de désinformation sur les vaccins

On a vu des hashtags anti-vaccins populaires comme #vaccineskill. Bien qu’il ait été bloqué sur Instagram il y a deux ans, il a été autorisé sur Facebook jusqu’en juillet 2021. En dehors des vaccins, la désinformation sur de multiples aspects de la prévention et du traitement du COVID-19 abonde, notamment sur les avantages pour la santé du port du masque.

Twitter a récemment suspendu la représentante américaine Marjorie Taylor Greene pour quelques jours, en raison d’un post de désinformation sur le COVID. Mais les sociétés de médias sociaux pourraient faire beaucoup plus pour bloquer les diffuseurs de désinformation. Selon certains rapports, la plupart des informations erronées sur les vaccins diffusées sur Facebook et Twitter proviennent d’une douzaine d’utilisateurs toujours actifs sur les médias sociaux, que l’on appelle la douzaine de désinformateurs. L’homme d’affaires et médecin Joseph Mercola et l’éminent militant anti-vaccins Robert F. Kennedy Jr. figurent en tête de liste.

Tout porte à croire que les super-diffuseurs de l’infodémie se livrent à un partage coordonné du contenu, ce qui accroît leur efficacité dans la diffusion de la désinformation et, par conséquent, rend d’autant plus important le fait de les bloquer. Les plateformes de médias sociaux doivent signaler de manière plus agressive les contenus préjudiciables et écarter les personnes connues pour leur trafic en matière de désinformation sur les vaccins.

Parler davantage de la désinformation médicale

Facebook affirme avoir supprimé 18 millions de posts de désinformation sur le coronavirus. Cependant, l’entreprise ne partage pas les données relatives à la désinformation sur ses plateformes. Les chercheurs et les responsables politiques ne savent pas combien de fausses informations sur les vaccins se trouvent sur les plateformes et combien de personnes voient et partagent ces fausses informations.

Un autre défi consiste à faire la distinction entre les différents types d’engagement. Mes propres recherches sur les informations médicales sur YouTube ont révélé différents niveaux d’engagement : les personnes qui regardent simplement les informations qui les intéressent et celles qui commentent et donnent leur avis sur ces informations. La question est de savoir comment la désinformation liée aux vaccins s’inscrit dans les croyances préexistantes des gens et dans quelle mesure leur scepticisme à l’égard des vaccins est accentué par ce à quoi ils sont exposés en ligne.

Les sociétés de médias sociaux peuvent également s’associer à des organisations de santé, des revues médicales et des chercheurs pour identifier de manière plus approfondie et plus crédible les fausses informations médicales.

Les chercheurs qui s’efforcent de comprendre comment la désinformation se propage comptent sur les entreprises de médias sociaux pour mener des recherches sur le comportement des utilisateurs sur leurs plateformes. Par exemple, ce que les chercheurs savent de la désinformation anti-vaccinale sur Facebook provient de l’outil d’analyse de données CrowdTangle de Facebook, qui analyse les informations publiques sur les plateformes.

Les chercheurs ont besoin de plus d’informations de la part des entreprises, notamment sur les moyens de repérer l’activité des robots. Facebook pourrait suivre son propre exemple, lorsqu’il a fourni des données aux chercheurs cherchant à découvrir les campagnes de fakenews russes visant les électeurs afro-américains.

Les données sur les médias sociaux aideront les chercheurs à répondre à des questions clés sur la désinformation médicale, et les réponses à ces questions pourraient à leur tour conduire à de meilleurs moyens de contrer la désinformation.

Traduction : Citizen4Science – lien vers l’article original

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