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Les données COVID sont complexes et changeantes ; s’attendre à ce que le public se les approprient avec l’allègement des restrictions est optimiste.

par Manuel Leon Urrutia, Senior Teaching Fellow, Department of Electronics and Computer Science, University of Southampton

Tout au long de la pandémie, les décisions de santé publique ont été fondées sur l’interprétation des données par le gouvernement. Avec la levée des restrictions COVID en Angleterre le lundi 19 juillet, cette responsabilité incombera désormais principalement au grand public, et aux médias qui le tiennent informé.

Le succès de ce passage de la responsabilité du gouvernement à la responsabilité du public sera un facteur fondamental dans la façon dont le Royaume-Uni tracera sa voie pour sortir de la pandémie. Il s’agit essentiellement d’une question de littératie des données, c’est-à-dire de la capacité du public à comprendre et à prendre des décisions éclairées : sur le port du masque, l’isolement et le travail à domicile, cela sur la base des données COVID auxquelles il est exposé.

En tant qu’expert de la littératie des données, j’ai vu les données jouer un rôle central dans la détermination du degré de liberté de la société depuis mars 2020. Le jargon statistique de niche et les visualisations de données sont désormais largement répandus dans le domaine public, et les sites de données spécialisés tels que la carte COVID-19 de Johns Hopkins et la page sur les coronavirus du Worldometer connaissent une forte augmentation du trafic.

Mais les Anglais sont-ils vraiment prêts à digérer par eux-mêmes le déluge de données COVID ? Une étude a déjà suggéré que la fin de la période de confinement amènerait le public à prendre le COVID-19 moins au sérieux. Si l’on ajoute à cela le fait que les données COVID sont complexes et sujettes à des changements constants au fur et à mesure que de nouvelles variantes apparaissent et se répandent, il n’est pas certain que le grand public soit prêt, après le 19 juillet, à prendre des décisions éclairées, basées sur les données.

Indigestion de données

Il est tentant de se réjouir de l’accès croissant du public aux données et de sa familiarité avec des termes comme « aplatissement de la courbe ». Après tout, une société mieux informée est une société qui réussit, et la mise à disposition du public d’informations fondées sur des données semble contribuer à l’idée qu’ensemble, nous pouvons vaincre le COVID.

Mais une visibilité accrue des données ne doit pas nécessairement être interprétée comme une meilleure connaissance des données. Par exemple, au début de la pandémie, on a constaté que la représentation des décès dus au COVID sous forme de graphiques logarithmiques était source de confusion pour le public. Les graphiques logarithmiques contrôlent les données qui croissent de manière exponentielle en utilisant une échelle qui augmente d’un facteur dix sur l’axe vertical (y). Cela a conduit certaines personnes à sous-estimer radicalement l’augmentation spectaculaire des cas de COVID.

Un graphe logarithmique (à droite) aplatit les courbes exponentielles, ce qui peut tromper le public

La grande quantité de données dont nous disposons aujourd’hui ne garantit même pas le consensus. En fait, au lieu de résoudre le problème, ce déluge de données peut contribuer à la polarisation du discours public. Une étude a récemment révélé que les sceptiques du COVID utilisent des techniques de présentation de données traditionnelles pour diffuser leurs opinions controversées, révélant ainsi que plus de données n’entraîne pas nécessairement une meilleure compréhension. Bien que les données soient censées être objectives et empiriques, elles ont pris une teinte politique et subjective au cours de la pandémie.

Ces exemples montrent que la littératie des données doit accompagner la disponibilité des données dans les semaines et les mois à venir. Seul un public familiarisé avec les données peut prendre des décisions qui garantissent la sécurité de tous. Et c’est aux journalistes et aux éducateurs qu’il incombe de doter le public de cette compétence.

Donner du sens à l’information

Les journalistes sont des intermédiaires essentiels entre la communauté scientifique et le grand public. Le journalisme de données en particulier, un sous-ensemble relativement restreint du journalisme avant la pandémie, a été essentiel pour communiquer la manière dont les scientifiques qui informent les gouvernements ont pris leurs décisions.

Pourtant, les journalistes spécialisés dans les données ne sont pas toujours aussi compétents en la matière que la communauté scientifique. Les tentatives des journalistes de présenter des comptes rendus précis de la situation du COVID ne sont pas toujours couronnées de succès. Les pays touchés précocement par la pandémie, comme l’Italie, ont également été les premiers à révéler les limites du journalisme de données, et ont depuis fourni des rapports précieux sur les leçons qu’ils ont tirées. En 2019, il n’y avait que 20 journalistes de données dans toute l’Italie.

C’est là que les éducateurs interviennent. La pandémie n’a fait que renforcer les arguments présentés par les universitaires en faveur de l’intégration de la culture des données dans les programmes scolaires à tous les niveaux, y compris le primaire. Cela pourrait aider les citoyens à naviguer dans notre monde axé sur les données, en les protégeant de la désinformation nuisible et des erreurs journalistiques.

En fait, la littéracie des données figure déjà dans de nombreuses feuilles de route de l’enseignement supérieur au Royaume-Uni, mais je dirais qu’il s’agit d’une compétence dont toute la population devrait être dotée dès le plus jeune âge. Les idées fausses sur l’efficacité des vaccins et la gravité du coronavirus reposent souvent sur des données mal présentées, fausses ou mal interprétées. Les « fake news » que ces idées fausses génèrent se propageraient moins férocement dans un monde où les citoyens maîtrisent les données.

Pour lutter contre la désinformation découlant du déluge de données actuel, la Commission européenne a financé des projets tels que MediaFutures et YourDataStories. Media Futures vise à remodeler la façon dont les médias utilisent les données, tandis que YourDataStories vise à développer des outils pour rapprocher les fournisseurs d’informations basées sur les données des journalistes, en mettant l’accent sur les données ouvertes. La Commission finance également l’éducation à la littératie des données dans toute l’UE, ce qui montre à quel point les autorités publiques prennent désormais au sérieux la littératie des données.

La littératie des données est la clé pour exploiter la valeur des données afin de prendre des décisions intelligentes et sûres. Les fournisseurs et les consommateurs d’informations COVID ont la responsabilité partagée de donner un sens au déluge de données, alors que le gouvernement britannique réduit ses dépenses et assouplit ses restrictions. Mais comme les connaissances en matière de données font encore défaut, même parmi les journalistes spécialisés dans ce domaine, il faut maintenant s’efforcer d’éduquer le public sur la meilleure façon de lire les données.

Traduction : Citizen4Science – lien vers l’article original

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