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Loi lanceurs d’alerte : revers au Sénat

Les sénateurs ont amputé sur le fond le projet de loi de Sylvain Wasermann qui avait été adopté à l’Assemblée nationale

C’est catastrophique pour l’évolution de la loi sur la protection des lanceurs d’alerte.
Citizen4Science, qui en fait partie depuis le début de sa jeune existence avec des alertes multiples sur la désinformation scientifique et médicale et le harcèlement des porteurs de la parole scientifique, action de fond portée devant le Sénat, prend l’affaire très à cœur. L’an dernier, l’association avait encouragé le public et ses membres à répondre à la consultation publique concernant la transposition de la directive européenne en la matière, insistant notamment sur l’importance d’inclure et de reconnaître le rôle de lanceurs d’alerte des association constituées, en plus des personnes physiques

Le député Sylvain Wasermann (partie Démocrate) a publié un projet de loi constituant une vraie avancée, même si nous espérions quelques améliorations – il a finalement été adopté en l’état et à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 17 novembre, ce qui était de bonne augure pour la suite de son parcours.

Régression majeure au Sénat

Contre toute attente, les sénateurs ont supprimé des éléments majeurs du champ d’application du projet de loi, à tel point que se trouve amputé le statut des lanceurs d’alerte pré-existant à ce projet, avec pour conséquence la fragilisation du statut. Un comble.

Ainsi le champ d’application a été réduit considérablement, supprimant notamment la notion de « menace ou préjudice pour l’intérêt général », limitant la portée à des délits juridiquement caractérisés : délits, crimes, réglement, loi, viol d’engagement international de la France.

Pourtant, la menace ou le préjudice pour l’intérêt général faisait partie du champ actuel (loi Sapin 2), mais la rapporteuse Catherine di Folco a trouvé la notion trop flou, préférant circonscrire le rôle du lanceur d’alerte aux violations de la réglementation en vigueur.

Certains l’ont déjà fait remarquer, le dernier scandale en date jugé très récemment, l’affaire de la Dépakine qui a condamné Sanofi, n’aurait peut-être pas eu lieu sans des lanceurs d’alerte dont des associations… qui ne rentrent pas dans la définition de lanceurs d’alertes du projet de loi amputé par le Sénat.

Alerter n’est pas faire la police

C’est une remise en cause complète de la notion d’alerte. Un lanceur d’alerte n’est pas là pour jouer le rôle du juge ou du policier qui mesurent ou constatent des écarts aux règles existantes. Alerter ouvrent un champ bien plus large, celui de pouvoir dénoncer des abus, y compris ceux qui ne sont pas l’objet de réglementation, et ainsi justement de pouvoir déclencher des réflexions sur l’adéquation des réglementations, aussi !

Associations exclues

Dans sa coupe, le Sénat a exclu le statut de « facilitateur » donné aux associations, besoin pour lequel Citizen4Sicience a sensibilisé notamment lors de la phase de consultation publique. Dans notre initiative de protection des porteurs de la parole scientifique, nombre des adhérents de l’association sont des scientifiques lanceurs d’alerte, dont l’association facilite le travail et qu’elle protège, tout en menant des actions d’alerte en son nom propre.
Pourquoi exclure ce rôle essentiel ?
Selon la rapporteuse, Mme Di Falco, il y a risque de détournement par des structures peu scrupuleuses qui peuvent chercher à « déstabiliser les administrations ou les entreprises françaises ». L’argument paraît fallacieux si ce n’est complotiste. On peut craindre au contraire que les citoyens maintenus isolés par le texte de loi tronqué se découragent, obligés de faire front seuls, même s’ils font partie d’association lanceuses d’alerte.

Recul du droit et de la démocratie

Cette régression du droit et des avancées sont très inquiétantes. Brider l’expression via la protection des lanceurs d’alerte pour en limiter au maximum la portée, c’est brider la démocratie et agir contre l’intérêt général. Il est très décevant de voir le Sénat, institution essentielle, se positionner comme frein à une démocratie participative qui protège ceux qui alertent et permettent de faire avancer, justement, les règles.
On a vu dans la crise sanitaire, par exemple, la bâillon posé par certains individus et groupes sur ceux qui expriment les données de la science. Il est fort regrettable, et ironique, que le Sénat se pose à sont tour comme poseur de bâillon sur un projet qui condamne les bâillons afin de protéger ceux, personnes physiques ou morales, prennent des risques pour faire avancer la société.

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