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Peter Higgs, l’un des grands maîtres de la physique des particules, est mort

Il a transformé nos connaissances sur les éléments constitutifs de l’univers

par Harald Fox, Maître de conférences en physique des particules, Université de Lancaster, Royaume-Uni

Peter Higgs (né le 29 mai 1929 à Newcasle upon Tyne, Angleterre, NDLR) , qui a donné son nom à la particule subatomique connue sous le nom de boson de Higgs, est décédé à l’âge de 94 ans. (le 8 avril 2024 à Édimbourg, Écosse, NDLR). Il a toujours été un homme modeste, surtout lorsqu’on sait qu’il était l’un des grands de la physique des particules, le domaine scientifique qui s’intéresse aux éléments constitutifs de la matière.

En 1964, quelques années après avoir quitté Londres pour occuper un poste à l’université d’Édimbourg,, Peter Higgs a lu un article du physicien théoricien américain Philip Anderson. À l’époque, les physiciens n’avaient pas de théorie sur la manière dont les particules subatomiques acquéraient leur masse. (La masse peut être décrite comme la quantité totale de matière dans un objet, tandis que le poids est la force de gravité agissant sur un objet).

L’article d’Anderson a montré que les particules peuvent avoir une masse. Lorsqu’un système physique , tel que deux particules subatomiques différentes, est modifié, les physiciens le décrivent parfois comme présentant une « symétrie brisée ». Cela peut conduire à l’émergence de nouvelles propriétés.

Au cours d’une promenade dans les Highlands écossais, Higgs a eu l’idée de sa vie. Il a compris exactement comment appliquer la brisure de symétrie dont il avait pris connaissance dans l’article d’Anderson à un groupe important de particules appelées bosons de jauge. Cela permettrait d’expliquer comment les éléments constitutifs de la matière acquièrent leur masse.

Deux autres groupes de physiciens ont eu la même idée à peu près au même moment : Robert Brout et François Englert à Bruxelles, et Carl Hagen, Gerald Guralnik et Tom Kibble à l’Imperial College de Londres.

Une réflexion après coup

La principale caractéristique de la contribution de Higgs est que, après coup, il a prédit l’existence d’une nouvelle particule massive issue du processus dont il avait envisagé l’existence dans les Highlands. Cette particule portera plus tard son nom : le boson de Higgs.

Je crois que Higgs a toujours été un peu embarrassé par le fait que ce mécanisme de brisure de symétrie était parfois abrégé en « mécanisme de Higgs ». Il n’hésitait pas à souligner la contribution de tous les autres et préférait l’expression : « mécanisme Anderson-Brout-Englert-Higgs-Hagen-Guralnik-Kibble ».

Au cours des décennies suivantes, l’importance de la contribution de ces scientifiques à notre compréhension de la physique des particules est devenue évidente, notamment parce que la particule nommée en hommage à Peter Higgs s’est avérée si insaisissable. Plusieurs machines, appelées collisionneurs de particules, ont été construites pour sonder les limites de nos connaissances en physique.

Elles ont exploré et testé la théorie la plus largement acceptée pour expliquer comment les particules fondamentales (celles qui ne peuvent être décomposées en d’autres particules) et les forces interagissent : le modèle standard. Et le modèle standard s’est avéré valable dans presque toutes les conditions. Le seul ingrédient manquant, qui n’avait pas encore été découvert par un collisionneur de particules, était la particule massive prédite par Higgs.

La frustration engendrée par le caractère insaisissable du boson de Higgs a incité le physicien Leon Lederman, lauréat du prix Nobel, à lui donner un nouveau surnom : la « Goddamn Particle » (« foutue particule »). Ce surnom est ensuite devenu « particule de Dieu ».

Il a fallu 48 ans et la plus grande machine jamais construite, le Grand collisionneur de hadrons (« Large Hadron Collider« , LHC), pour finalement trouver la preuve que Higgs et ses collègues avaient vu juste. Le Cern, l’organisation qui exploite le LHC, a annoncé que les physiciens avaient presque certainement découvert la particule le 4 juillet 2012.

D’autres expériences ont confirmé qu’il s’agissait bien de la particule prédite par Higgs. Pourtant, au moment de l’annonce du prix Nobel de physique en octobre 2013, Peter Higgs est sorti se promener au lieu de rester près du téléphone.

Il a fallu la plus grossemachine sur Terre, le LHC, pour découvrir le boson de Higgs. Laurent Gillieron/EPA

Une « cinquième force » de la nature

Plus de dix ans se sont écoulés depuis la découverte du boson de Higgs. Il y a une grande différence entre le fait d’avoir une théorie à laquelle (presque) tout le monde croit et le fait d’avoir enfin la preuve qu’il s’agit en fait d’une bonne description de la nature.

En effet, je ne suis pas sûr que nous comprenions encore parfaitement ce que Higgs et ses collègues ont apporté au monde. Il s’agit de la découverte d’une nouvelle interaction entre les particules que nous n’avions pas vue auparavant, appelée couplage de Yukawa. Il s’agit essentiellement d’une « cinquième force » de la nature qui vient compléter la force gravitationnelle, la force électromagnétique, la force nucléaire forte et la force nucléaire faible.

Il reste cependant de nombreuses autres questions à résoudre. Seuls 4 % de l’univers sont constitués de matière visible. Le reste est constitué de matière noire et d’énergie noire, dont nous ne comprenons pas la nature. Il existe même un calcul théorique selon lequel le boson de Higgs est crucial pour la stabilité de l’univers.

Le Conseil du Cern vient d’examiner l’état d’avancement d’une étude de faisabilité concernant la construction d’une machine appelée  » Future Circular Collider », qui succédera au LHC et visera à répondre à de nombreuses questions en suspens sur la nature de l’univers, si elle est approuvée. Pour ma part, je sais où je veux chercher des réponses dans les données du collisionneur : le boson de Higgs.

Texte paru initialement dans The Conversation. Traduit par la Rédaction. La traduction est protégée par les droits d’auteurs. Science infuse autorise la republication si assortie d’un lien vers cette page et la mention que le média Science infuse est l’auteur de la traduction.

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