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Santé : La Haute autorité de santé appelle à accélérer le partage de tâches entre les professionnels de santé ; le corporatisme médical toujours plus ciblé

C’est une position publiée par la HAS le 13 mars, qui n’est pas nouvelle et appelle à plus de coopération autour des patients plutôt que des médecins attachés à des privilèges obsolètes, les protocoles de coopération de soignants avec transfert et délégations de tâches montre leur efficacité sans baisse de qualité des soins

La HAS appelle à « changer le logiciel« , et nul doute que cela vise particulièrement les médecins réfractaires aux évolutions. Le fait est que le gouvernement et toutes les instances de santé luttent contre ce que cette corporation arc boutée sur elle-même qui freine le changement dès lors qu’il n’est pas au bénéfice direct de ses intérêts. Historiquement, elle est très soutenue politiquement au Parlement, puissante avec ses syndicats capables de mobilisation par des grèves susceptibles de mettre les soins à l’arrêt au détriment des patients. Pourtant il faudra bien casser des monopoles qui embolisent le système de soins et l’empêche d’évoluer pour préserver en premier lieu l’accès aux soins, et, compte tenu de la pénurie de professionnels de santé, la montée en compétence du personnel paramédical.

La HAS rappelle en préambule de sa communication que cela fait plus de 15 ans qu’elle plaide, conjointement avec l’Observatoire national des professions de santé (ONDPS) pour un « cadre rénové créant les conditions favorables au développement des nouvelles formes de coopération qui améliorent la qualité du système de santé ».  Elle fait l’amer constat que cela n’avance pas suffisamment vite. On sait pourquoi. Les médecins veulent être le passage obligé de toute demande de soins, exigent toute liberté d’installation, plus de revenus en excluant leur indexation sur la performance (qualité des soins, surprescriptions, etc).

Nous avions présenté un rapport alarmant de la Cour des comptes l’an dernier sur les soins en ville, qui rappelaient d’une part que les soins de santé sont financés par l’assurance maladie (donc les contribuables) et les mutuelles santé de façon complémentaire. Elle fustigeait des libertés anormales notamment d’installation et dépassements d’honoraires pour les médecins de ville, dont les études sont également payées par les contribuables. Elle pointait aussi ce dont la HAS parle aujourd’hui à nouveau : le manque d’interdisciplinarité et l’absence de rémunération sur objectifs. Ainsi, l’État finance le système de soins et ses intervenants, il paraît donc normal qu’il ait droit le droit d’agir pour réguler aux fins d’un accès aux soins de qualité pour tous les concitoyens. La Cour des comptes avait par ailleurs évoqué ce besoin d’accélération des réformes, jugeant qu’elle devaient être faites « en profondeur ».

On peut se réjouir du vote de la loi Rist l’an dernier qui a fait s’indigner les médecins car elle s’attaque au monopole de compétences et fait qu’il n’est plus en toutes occasions l’interlocuteur premier des patients. Cette loi fait monter en compétences des auxiliaires médicaux : « super » infirmières en pratique avancée, orthoptistes, masseurs-kinésithérapeutes. L’évolution nécessaire en cette période de déserts médicaux, c’est la mobilisation des acteurs de santé autour du patients, et non avec le patient derrière la file d’attente interminable du médecin, quand cette file d’attente existe… ce qui dépend de l’endroit où l’on habite. L’inégalité d’accès aux soins n’est pas acceptable, pourtant les médecins sont désormais les seuls professionnels de santé qui ne soient pas soumis à des contraintes d’installation.

Bilan positif des protocoles de coopération

La HAS rappelle qu’il existe, en dehors de l’évolution très lente de la législation, des démarches volontaires possibles par les professionnels de santé en créant à leur initiative des coopérations entre eux pour optimiser la prise en charge des patients. Dans ce cadre, les professionnels et auxiliaires de santé regroupés peuvent effectuer des transferts d’activité entre eux et déléguer des actes de soins. Un exemple de délégation : la réalisation de protocoles d’échographies déléguées par le médecin radiologue au manipulateur en électroradiologie médicale. Un bilan est disponible pour les 57 protocoles nationaux agréés par la HAS à fin 2023. Cela a bénéficié en 2022 à 400 000 patients pour un total de 600 millions d’actes. Les professionnels à l’initiative sont satisfaits et surtout, il n’est pas relevé d’augmentation des événements indésirables ce qui tend à montrer que la qualité des soins n’en est pas affectée. La HAS regrette donc que ces protocoles ne soient pas plus nombreux. On manque aussi cruellement d’infirmiers diplômés en pratique avancée, la HAS rapportant 1 718 diplômés fin 2022 (soit en 4 ans) alors qu’on ambitionne d’en avoir 5 700 en 2027. L’objectif sera difficilement atteignable.

« Opérer un puissant changement de logiciel »

C’est l’appel lancé par la HAS : des parcours de soin de qualité accessibles à tous. À l’heure du débat sur la prochaine loi sur l’aide à la fin de vie, rappelons qu’une partie du corps médical qui s’y oppose tente de s’approprier le débat notamment en préférant, dans un faux dilemme, promouvoir les soins palliatifs. Or la HAS fait bien de rappeler dans sa position que le temps d’attente pour un patient cherchant à accéder à un centre de traitement de la douleur peut être de 6 à 8 mois, alors qu’un protocole de coopération en la matière avec décloisonnement des soins de santé entre professionnels pourrait être une solution qu’elle qualifie de « robuste ».

Des prestations médicales non évaluées

La HAS insiste sur cet aspect, comme l’avait fait la Cour des comptes. Le problème n’est pas que quantitatif (manque de personnel soignant), il est aussi qualitatif, les soins doivent être évalués dans une démarche d’amélioration de la qualité. C’est d’autant plus nécessaire que l’on évolue – lentement – vers de nouvelles pratiques de soins et que les qualifications des soignants évoluent. Les médecins ont tendance pour beaucoup à voir cela comme de l’inquisition, mais la santé, encore une fois est un service public, il doit être évalué et, comme le rappelle la HAS cela s’inscrit dans les « processus de développement professionnel continu ».

Le système de santé change, tout ne peut plus se passer « dans l’ombre » du cabinet du médecin, passage obligé, maître à bord de la prise en charge du patient et coordinateur « hiérarchique » des autres soignants. Comme le rappelle la HAS, la France s’engage dans un « virage ambulatoire », la courbe consistant à aller vers les patients et s’organiser autour d’eux. Le médecin devient l’un des maillons au sein d’une équipe multidisciplinaire fédérée autour du patient ou chacun est indispensable.

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