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Science, influence et bienveillance sur les RS : le rôle des plateformes et des usagers

La Rédaction

L’une des dernières vidéos YouTube de l’IHU Marseille diffusée sur YouTube est effarante : son Chargé de communication, récemment étudiant en lobbying politique, s’imagine présenter des indicateurs de bonne « communication scientifique » alors qu’il énumère les performances d’un community manager sur les réseaux sociaux, passant en revue ses 4 outils de prédilection :

  • YouTube
  • Twitter
  • les « preprint » (articles scientifiques, non validés par des pairs, téléchargeables sur
  • le site internet de l’IHU, qui constitue l’outil agrégateur des précédents

Quel résultat notre orateur livre-t-il avec grande fierté ? des nombres de vues, des nombres de like, des nombres de partage et des nombres de téléchargements. Les contenus qui apparaissent sur les diapositives présentées ne sont même pas évoqués. Et c’est normal, la science, qui a été bien maltraitée, n’est pas le sujet de cette « communication scientifique ».

Cette présentation est finalement à la gloire du populisme scientifique sur lequel l’institut hospitalo-universitaire a surfé à la faveur de la crise sanitaire, afin d’accéder directement au grand public et déverser pseudoscience, désinformation et vanter des potions magiques.
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Il est légitime de blâmer les fauteurs de troubles, mais il convient aussi de s’interroger ceux qui ont laissé faire (les tutelles), ainsi que ceux ont permis de le faire : les plateformes

Actuellement ,on parle beaucoup de modération et d’algorithmes défaillants pour lutter contre les contenus inadéquats (haine, désinformation), mais il s’agit là de mesures réactives et non de fond ou mesures préventives. Une question utile serait de s’interroger sur la façon dont ces acteurs pourraient favoriser la production de qualité  plutôt que l’audience générée. Le problème est épineux car le modèle économique des plateforme est basé sur l’audience, comme beaucoup de médias, mais aussi sur l’engagement d’audience dans une dynamique auto-entretenue par les contributeurs, de telle sorte que ce sont les influenceurs qui sont valorisés sans valorisation de la qualité des publications.

On observe très bien ce phénomène pour les contenus scientifiques sur les réseaux sociaux, qui sont naturellement pénalisés : la science n’est le plus souvent pas émotionnelle ni spectaculaire, elle progresse à son rythme et non selon ce que le public souhaiterait (on a bien ressenti cette frustration pendant la pandémie) .Pour bien communiquer la science dans le fond et dans l’esprit, il convient de faire dans la nuance, la pédagogie et la répétition, avec humilité. Voilà qui ne répond pas vraiment au cahier des charges des contenus populaires.

C’est ainsi que pour briller dans la crise sanitaire, le Pr Raoult a sacrifié la science pour en faire un simulacre vendeur auprès du public, mis en scène dans un spectacle autoproduit dont il est le héros conquérant puis, au fil du temps, la victime tout aussi héroïque dans un scénario complotiste.

Sa petite entreprise persiste encore même si elle semble capoter enfin, soutenue par sa garde rapprochée et des soutiens sur les réseaux sociaux toujours prêts à insulter, menacer de plainte et harceler ceux qu’ils prennent pour des ennemis.

Et les usagers des réseaux sociaux ?

Nous avons été nombreux sur ces réseaux, scientifiques ou citoyens « lambda », à lutter contre le développement de cette sinistre aventure qui a propagé la désinformation et le déni de science, a tué physiquement, et a installé durablement la défiance en la science et leurs porteurs.

Au bout de 18 mois, on voit cependant que les travers combattus ont parfois déteint sur certains combattants du camp du « bien » :

arguments d’autorité, auto-positionnement trompeur en tant qu’expert du domaine X sur une expertise dans le domaine Y, relais sans fin de la désinformation en mode indigné, adhésion à des thèses complotistes, étalage public de procédures judiciaires, propos chargés de haine, harcèlement de meute, déni de citoyenneté ou remise en cause de la liberté d’association (voir notre communiqué de presse n°9).


Comment expliquer ce paradoxe ? Peut-être un peu de mimétisme, après tout ce temps, et sans doute beaucoup d’effet pervers via cet encouragement des plateformes qui récompensent ces comportements peu reluisants mais qui génèrent de la notoriété.


Comment parer à l’effet d’entraînement et à la généralisation des dérives comportementales qui n’épargnent, finalement, aucun groupe d’intervenants ?

Une piste pourrait être, parmi d’autres, de compléter les règles d’accès aux plateformes, qui listent souvent ce qu’il est interdit de faire, par une charte de bonne conduite, orientée sur des engagements positifs comme la bienveillance, ou encore un algorithme permettant de valoriser les contenus de qualité sur la forme et/ou le fond, qui seraient alors récompensés. De tels dispositifs permettraient ainsi de contrer les seuls enjeux d’audience en faisant réfléchir les influenceurs et leurs suiveurs à la valeur ajouté de leurs publications.

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