Cinéma : « Leave the World Behind » : dans la série postapocalyptique, une réussite dans la veine de ‘Don’t Look Up’ mais plus intimiste et suggestif
‘Le Monde après nous‘ (titre français) est une bonne surprise sur Netflix, réunissant le trio Julia Roberts, Ethan Hawke et Mahershala Ali pour une réflexion sur notre société en mode dystopique
‘Don’t Look up‘, avec Leonardo diCaprio, Jennifer Lawrence et Meryl Streep, également sur Netflix et nous avait marqué dans le même genre : la base est un déni de réalité d’apocalypse imminente et satire du monde politique et médiatique. Le film était plein d’humour et un peu déjanté, évoluant au cœur de la ville grouillante. L’approche est ici beaucoup plus dramatique dans un huis-clos proche de la nature. Le film est particulièrement intrigant navigant entre thriller et fantastique
Aux commandes, on trouve le réalisateur Sam Esmail connu particulièrement pour la série télévisée ‘Mr. Robot’ avec Rami Malek (2015). Il s’agit de l’adaptation d’un roman de Rumaan Alam. Un couple new-yorkais et ses 2 enfants adolescents viennent passer des vacances dans une grande villa de luxe de Long Island louée sur Airbnb. Le lendemain soir, un couple constitué d’un père et de sa fille vient sonner à la porte, s’annonçant comme les propriétaires de la maison. Ils expliquent, confus, être dans la panade car tombés en panne en raison d’un problème de réseau et d’électricité général dans le secteur. Déroutés, les deux familles vont se retrouver réunies pour vivre ce black-out.
L’oppression suggestive plutôt que la débauche visuelle
Tout est suggéré dans ce film, il se trame des choses graves dont on ne connaît la nature ni l’ampleur. C’est la technologie qui trinque : des problèmes de réseau, des télévisions où l’image disparaît et qui grésillent, un paquebot qui fonce sur une plage à touristes, des avions dans les airs à la dérive jusqu’au crash, des voitures sans conducteurs et des animaux sauvages au comportement étrange. Et puis la nature qui s’emballe avec un tableau de catastrophes naturelles type climatiques. Des bruits anormaux : explosions, crashs, pluies diluviennes, martelages assourdissants, des maisons saccagées, une lumières crépusculaires évoquant la fin du monde.
Il sera question de pirates informatiques à la manœuvre pour une opération de grande ampleur apte à mettre un pays entier ou bien plus à l’arrêt.
Certains se verront rappelés à la mémoire et à la nostalgie des films fantastiques et d’horreur à l’ancienne, où on ne voit ni les monstres ni les instigateurs de la catastrophe. Chacun imaginera le pire, et cela marche. Les technologies cinématographiques modernes ont tendance à un peu balayer cette approche au profit d’une inflation d’effets spéciaux voyeurs censés être plus forts en émotions. Pas sûr. L’inventivité, le travail sur la psychologie et les ambiances visuelles et sonores peuvent avoir des effets puissants sur les spectateurs, et fait travailler l’imagination et évoquer pour chacun sa sensibilité, l’invisible voire l’indicible. Dans ‘Leave the World Behind‘, c’est réussi.
Une réussite du film dans ce cadre est le suspens vraiment haletant particulièrement au moment où des invités non prévus débarquent. On se posera intensément la question de savoir leurs motivations et le scénario laisse suggérer différentes pistes, un peu à la Hitchcok avec des indices parfois visuels, qui nous tiennent en haleine. Un bel hommage au genre thriller classique et vintage.
Huis-clos socialisant et psychologique
Finalement, ce film se concentre sur ses personnages et leur appréhension des événements, tout en dressant leur portrait individuel. On a tout d’abord deux couples d’origine socio-culturelle différentes : des bobos new-yorkais blancs face à un père afro-américain et sa fille. Deux familles aisées comme trait commun mais des oppositions culturelles … que l’on ressent dans l’inquiétude voire l’affrontement entre certains protagonistes. Certains vont faire le chemin l’un vers l’autre et finalement se découvrir de vraies similitudes et des moments de communion.
Les acteurs sont tous à la hauteur mais c’est Julia Roberts et Mahershala Ali qui mènent vraiment la danse, ce sont leurs personnages qui sont les plus mis en avant et ils nous offrent des scènes et répliques savoureuses.
On verra dans les événements (le black-out technologique) et les tableaux des personnages dressés une belle critique de la société. Par exemple, Julia Roberts semble un peu misanthrope, c’est ce qui les a amenés à fuir la ville pour une luxueuse villa en pleine nature ; sa fille adolescente voue un culte à la série américaine ‘Friends‘, tout au long du film elle est obsédée par la crainte de ne jamais en connaître l’issue. Elle semble ainsi fuir la réalité d’un monde pas très beau en se réfugiant dans cette fiction. En même temps, elle est proche de la nature et la plus sensible aux signes que selon elle, les animaux sont venus leur donner d’une catastrophe à venir. Affronter le monde et sa triste réalité ou s’enfermer avec ses héros préférés ? La jeune fille, quand son frère le lui fait remarquer ironiquement un comportement puéril, explique son choix avec lucidité.
La nature humaine, les relations entre les hommes et les groupes culturels, l’emprise de la technologie, notre relation avec la nature aussi, voilà des sujets (non exhaustifs) traités par ce film différent, à voir à plus d’un titre.
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