Hausse inquiétante des dérives sectaires : ce que révèle le nouveau rapport de la Miviludes
Avec 4 571 signalements en 2024, le rapport annuel de la Miviludes, publié ce 8 avril 2025, révèle une explosion des dérives sectaires, notamment dans la santé. Si le gouvernement mise sur une nouvelle loi pour contrer le phénomène, il convient de rappeler de très larges critiques sur sa pertinente et son efficacité
Aujourd’hui, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a publié son rapport annuel, révélant une flambée des signalements : 4 571 saisines en 2024, en hausse de 13,7 % par rapport à 2021 et de 111 % depuis 2015. Ce document de 284 pages dresse un constat inquiétant sur l’expansion des dérives sectaires en France, particulièrement dans la santé et le bien-être. Si le gouvernement met en avant une nouvelle loi pour y répondre, des voix comme celle de Citizen4Science s’élèvent pour pointer ses limites.
Santé et bien-être : des secteurs vulnérables
Le rapport indique que 37 % des signalements entre 2022 et 2024 concernent la santé et le bien-être, dépassant légèrement les dérives liées aux cultes et spiritualités (35 %). Des pratiques comme l’urinothérapie – boire son urine, parfois avec des issues fatales – ou la « déprogrammation biologique », qui lie le cancer à des traumatismes psychologiques, sont dans le viseur. La Miviludes s’alarme de voir ces soins non conventionnels (PSNC) s’infiltrer dans les hôpitaux publics, où des séances de Reiki ou de magnétisme sont proposées, parfois comme substituts à la médecine classique.
Les malades du cancer sont particulièrement ciblés. Le rapport mentionne des jeûnes extrêmes ou des stages coûteux mêlant privation alimentaire et efforts physiques, qui conduisent certains à renoncer à leurs traitements. Une convention signée le 8 avril 2025 avec la Ligue contre le cancer et le ministère de l’Intérieur vise à mieux encadrer les soins de support et à former les soignants.
Une judiciarisation croissante
En 2024, 45 signalements ont été transmis au parquet, contre 20 en 2021, pour des délits tels que l’exercice illégal de la médecine ou des escroqueries. Le ministre délégué François-Noël Buffet a lié cette hausse à la crise sanitaire, qui a favorisé l’émergence de « gourous 2.0 » sur les réseaux sociaux, ciblant notamment les jeunes et les personnes isolées.
Un cadre légal répressif renforcé, mais contestable et contesté
Le gouvernement met en avant une loi adoptée en 2024, introduisant un délit de « sujétion psychologique » et renforçant les moyens de la Miviludes, dont les effectifs passeront de 8 à 19 agents. Cependant, cette réponse pour sa partie législative a été largement critiquée par des professionnels du droit et de nombreux parlementaires. Dans ces colonnes, notre article du 14 février 2024 dénonce une mesure « oppressante » et inutile, les lois existantes, comme celles sur l’exercice illégal de la médecine, étant déjà suffisantes. L’association déplore le contenu de l’article 4, rejeté au Parlement puis adopté aux forceps, dont la formulation hasardeuse ouvre la voie à la censure de la liberté d’expression sans résoudre le problème de fond, donnant du grain à moudre aux détracteurs de l’inquiétant phénomène sociétal.
Un défi sociétal imparfaitement adressé ?
Le rapport de la Miviludes souligne que nul n’est à l’abri des dérives sectaires, qu’elles viennent de grands réseaux ou d’acteurs locaux. Si elle appelle à une vigilance collective, on peut regretter que l’accent soit mis sur une répression par ajout de couches législatives inutiles plutôt que sur la prévention, via l’éducation scientifique ou la régulation des plateformes numériques, principaux vecteurs de ces dérives. Sans une approche plus ciblée, le phénomène pourrait s’aggraver
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