La Cour de cassation annule la mise en examen d’Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé, qui était poursuivie pour mise en danger d’autrui
La commission d’instruction de la Cour de Justice de la République abandonne sa procédure ainsi que les auditions de membres du gouvernement qui avaient été tenues dans ce cadre
C’est dans le cadre de la crise sanitaire du Covid-19 qu’était poursuivie Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé depuis 2017 et jusqu’à début 2020, période qui marque le début en France de la pandémie. Elle fut très vite remplacée, dès février 2020, par Olivier Véran à ce poste, L’ancienne ministre mise en examen en septembre 2021 avait déposé un pourvoir en cassation contre l’expertise ordonnée par la commission de la CJR.
La mise en danger de la vie d’autrui
L’article 223-1 du Code pénal stipule : « Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou à un risque immédiat de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité qu’impose une loi ou un règlement est puni d’1 an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende
Saisie à ce titre à l’encontre de Mme Buzyn, la commission d’expertise, constitué de trois magistrats, a ordonné une expertise et procédé à des auditions de membres du gouvernement en exercice. Ces auditions ont été menées par un ou deux des trois membres de la commission.
Voici les réponses de la Cour de cassation sur l’affaire.
Question 1. Une loi ou un règlement imposait-il à l’ancienne ministre de la santé, dans l’exercice de ses fonctions, une obligation particulière de prudence ou de sécurité ?
La réponse est NON.
« Le délit de mise en danger d’autrui ne peut être reproché à une personne que si une loi ou un règlement lui impose une obligation particulière de prudence ou de sécurité. Cette obligation doit être objective, immédiatement perceptible et clairement applicable.
Or, aucun des textes auxquels s’est référé la commission d’instruction pour mettre en examen l’ancienne ministre de la santé ne prévoit d’obligation particulière de prudence ou de sécurité. »
Ceci entraîne la décision d’annulation de la mise en examen de Mme Buzyn.
Question 2. Les auditions de membres du Gouvernement qui n’ont pas été réalisées par la formation collégiale de la commission d’instruction doivent-elles être annulées ?
Réponse : OUI
« La loi organique sur la CJR prévoit que les auditions des membres du Gouvernement doivent être effectuées par la commission d’instruction, composée de ses trois membres. Cette règle est d’ordre public : les parties à la procédure peuvent l’invoquer sans avoir à démontrer que son non-respect leur a causé un tort. »
Ceci entraîne la décision d’annulation des auditions des membres du gouvernement concernées.
Question 3. La commission d’instruction a-t-elle instruit sur des faits dont elle n’était pas saisie ?
Réponse : NON
« Si la commission d’instruction n’est autorisée ni à examiner la période de pandémie dans son ensemble, ni à instruire à l’égard d’autres personnes que les ministres visés par les réquisitions du procureur général près la CJR, les mesures d’information qu’elle a prises n’ont pas outrepassé le champ de sa saisine.
La période des faits reprochés
Afin de mieux apprécier l’efficacité des mesures prises pour lutter contre la Covid, la commission d’instruction, saisie de faits survenus entre 2019 et juillet 2020, était autorisée à s’intéresser aux suites de la pandémie. Elle pouvait interroger des témoins au sujet des vagues successives du virus, du couvre-feu, du reconfinement, de la vaccination etc.
L’expertise menée au regard des faits reprochés
L’expertise menée par la commission d’instruction portait sur la cause du décès de la compagne d’un plaignant et sur un éventuel lien de causalité avec les faits reprochés. Elle présentait une utilité pour rechercher l’existence, le cas échéant, d’une mise en danger de la vie d’autrui.«
Ceci entraîne le rejet d’annulation des auditions de témoin et de l’expertise contestée, que demandait la plaignante.
Conséquences
Avec cette décision, Agnès Buzyn se retrouve avec le statut de « témoin assisté » et reste mise en cause pour « abstention volontaire de combattre un sinistre ».
On se rappelle qu’évincée de son poste de ministre de la santé, elle s’était retrouvée candidate à la mairie de Paris, sans succès. Elle a ensuite rejoint l’OMS (Organisation mondiale de la santé) puis actuellement, est en poste à la Cour des comptes.
Elle avait vivement critiqué sa mise en examen, s’indignant que la France soit le seul pays où des ministres subissent un tel sort en raison de la gestion de la crise du Covid-19. Elle s’est exprimée à plusieurs reprises, dont récemment dans le « Complément d’enquête » sur Didier Raoult que nous avons commenté dans un autre article, expliquant qu’elle avait fait au mieux de ses moyens et alerté sur la gravité de la crise naissante mais qu’elle n’avait pas été écoutée au sein du gouvernement. Le journal Le Monde rapportait en octobre dernier ses propos : « J’ai été , de très loin en Europe, la ministre la plus alerte. Mais tout le monde s’en foutait », évoquant de nombreux SMS envoyés au président Macron et au Premier ministre de l’époque Edouard Philippe.
L’ex-ministre doit être aujourd’hui bien soulagée de cette décision de la Cour de cassation.
Image d’en-tête : Agnès Buzyn en 2018, source Wikipédia
Pour aller plus loin
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