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Le Conseil scientifique Covid-19 s’éteint le 31 juillet 2022 et publie un dernier rapport intitulé : « Vivre avec les variants »

Il vient d’être publié. 62 pages que nous avons lues, principalement destinées à laisser une vision à moyen terme et des conseils pour la gestion de la pandémie. Notre synthèse.

En 2 ans et 4 mois de vie, le Conseil scientifique (CS) s’est réuni 300 fois. Cela fait quand même, moyenne, plus d’une réunion tous les 3 jours ! C’est dire combien l’activité a été intensive.

Stratégie : ne pas opposer santé publique et innovations

Le CS rappelle que « la stratégie de lutte contre la pandémie a consisté à freiner la circulation du virus tant qu’une immunité populationnelle suffisante contre les formes graves de la maladie ne s’était pas constituée. Cette immunisation de la population a été possible dès mi 2021 grâce aux vaccins et a permis un allègement progressif des mesures de santé publique » ; avec au départ des restrictions fortes allant jusqu’au confinement, et un équilibre difficile entre libertés individuelles et réponse collective adaptée.

Les vaccins anti-Covid sont considérés par le CS comme des « innovations extraordinaires » et un « exploit » relativement au délai très court de mise à disposition.

Il est important pour le CS de ne pas opposer les vaccins et les mesures de santé publique (confinement, gestes barrières, masques,…) car les deux approches « se nourrissent l’une et l’autre ». avec les vaccins protégeant des formes graves, le reste à savoir le risque d’infection et la circulation du virus étant pris en charge par les mesures de santé publique, à proportionner en fonction de la situation sanitaire.

L’impact de la pandémie ne se limite pas à la mortalité

« Morbidité sévère, Covid long, santé mentale, fragilisation du système hospitalier », économie, éducation,… tout est impacté pour des analyses complexes sur de « nombreuses années ».

Néanmoins, notons que la France enregistre un excès de mortalité Covid de 63 pour 100 000/an, mieux que l’Allemagne à 73, le Royaume-Uni à 109, Espagne 111 et Italie 133 (données OMS).

La pandémie n’est pas finie

Le CS raconte l’arrivée du sous-variant Omicron BA.4/BA.5 générant une reprise épidémique très rapide dans toutes les classes d’âge de sa détection en Afrique du Sud en avril-mai 2022 pour devenir majoritaire en Europe occidentale à la mi-juin. Il prédit un pic des hospitalisations dans la deuxième quinzaine de juillet, qui pourrait se rapprocher de celui de juillet 2021 en avril dernier. Il explique aussi les différences locales ou régionales de circulation/remplacement des virus expliquant des modalités de vagues et pics parfois sensiblement différentes de celles vécues en France.
L’échappement immunitaire de BA.4/5 est évoqué. Le cas de la Chine aussi, avec ses « confinements stricts » et la « continuité de la politique de Zéro Covid » désormais « mise à mal par l’arrivée des variants ».
On notera pour la Chine que l’avis du CS : L’efficacité de la politique Zéro Covid menée jusqu’à présent se traduit par une immunité naturelle très faible en population, ainsi qu’une couverture vaccinale insuffisante surtout chez les personnes âgées et des vaccins locaux (Sinovac) moins efficaces que ceux à ARNm. Le CS compare à l’Australie et la Nouvelle Zélande à politique Zéro Covid également mais meilleure couverture vaccinale permettant l’absence d’impact hospitaliser majeur. Le CS évoque le Japon comme « exemple de réussite du port généralisé du masque, du contact tracing et de l’isolement des personnes infectées + « très forte campagne de vaccination ».

Vision moyen-terme automne 2022

Le CS retrace l’historique des variants préoccupants depuis la souche sauvage de Wuhan, et les mécanismes de leur émergence chez l’homme avec notamment des recombinants Delta et Omicron et chez l’animal chez lequel le mécanisme d’émergence de nouveaux variants est toujours présent, on peut s’attendre à en voir apparaître chez l’homme. Forte contagiosité + capacité d’échappement immunitaire sont les conditions pouvant leur permettre de devenir majoritaires.
Pour le CS, le réservoir humain de SARS-CoV2 est désormais suffisant pour une circulation endémique humaine pouvant se traduire par des poussées épidémiques en hiver. Les rappels vaccinaux peuvent permettre « d’espérer une protection croissante contre les formes graves du Covid-19, avec, au final, une diminution progressive de l’impact du virus.

3 scénarios envisagés à court-moyen terme

Scénario 1 : succession de vagues épidémiques liées à l’émergence de sous-variants d’Omicron (comme actuellement)

Scénario 2 : reprise saisonnière de la circulation d’un variant existant ou d’un variant antigéniquement proche d’un variant existant. C’est attendu à l’automne car baisse de l’immunité de la population + circulation accrue en saison froide.

Scénario 3 : émergence d’un variant X à capacité d’échappement immunitaire et suffisamment contagieux pour créer une nouvelle vague épidémique.

Réponse sanitaire

Objectif : vivre avec les sous-variants Omicron et suivants

« Au regard du déroulement de la cinquième vague, une stratégie de type « vivre avec le virus » se dessine de fait dans un nouveau contexte épidémique. La cinquième vague semble avoir préfiguré l’impact de la circulation virale que nos concitoyens semblent prêts à accepter. Cette stratégie constitue un changement notable par rapport aux stratégies retenues depuis le début de l’épidémie. Elle conduit à limiter la circulation virus par des mesures volontaires, comme le respect des gestes barrières, le port du masque, en limitant autant que possible des contraintes collectives telles que le port obligatoire du masque ou la restriction des libertés individuelles (recours au passe sanitaire), tout en minimisant le risque de formes graves et de décès. »
« Cette stratégie tolère la circulation du virus et consent à la survenue d’effets qui ne sont pas négligeables en termes de mortalité et de morbidité, y compris différée, ni répartis de manière homogène au sein de la population. »

3 options de réponse

Approche 1 : centrée sur l’impact hospitalier

Approche 2 : centrée sur une appréciation plus globale de l’impact sanitaire : morbidité, impact fragiles, mortalité, absentéisme, Covid long,…). Des obligations pourraient être mises en place comme le port du masque si les conditions le nécessitent avant saturation à l’hôpital. Le CS préconise cette approche « SI les scénarios de vie réelle le permettent. »

Approche 3 : centrée sur volonté de contrôle de l’épidémie par tous les moyens disponibles tout en gardant les espaces publics ouverts. À la clé port du masque généralisé dans les espaces publics et autres mesures contraignantes. On se rapproche là de l’option Zéro Covid et non Vivre avec le virus.

Le travail dans tous les cas sur la qualité de l’air en intérieur est recommandé par le CS.

Moyens pour la réponse

  1. Surveillance
    Actuellement : accès gratuit au dépistage en autoprescription pour une information précise en temps réel. Mais seuls les tests PCR permettent de connaître le variant concerné.
    « Un accès aux tests multiplex pourrait être facilité afin de bien caractériser les dynamiques de circulation virale, et d’identifier rapidement des situations cliniques pouvant conduire à une recrudescence des formes graves nécessitant un recours à l’hôpital. »
    « Une stratégie de prévention vaccinale combinant les vaccins grippe et COVID-19 devra être promue. »
    Le CS propose aussi un dépistage dans les écoles pour leur permettre de rester ouvertes (dépistage itératif hebdomadaire par prélèvement salivaire) en cas d’apparition de nouveau variant préoccupant.
    Il propos aussi de surveiller les eaux usées.
  2. Vaccination été/automne 2022
    Le CS préconise les rappels vaccinaux des personnes âgées et en particulier une 4e dose y compris les personnes fragiles dès maintenant, et espère un « vaccin muqueux » pouvant mieux agir sur la circulation/transmission que les vaccins actuels. Pour les enfants, le CS rappelle que la France est lanterne rouge en Europe (7 % d’enfants de 5 à 11 vaccinés complètement), et considère urgent de vacciner les enfants à risque tout en rappelant que les formes graves ou sévères sont rares avec les sous-variants Omicron.
    Pour les soignants. le CS remarque qu’il n’y a que 75 médecins et pharmaciens suspendus sur 85 000 et 950 infirmiers sur 240 000, que leur réintégration n’apporteraient ainsi rien. Il s’y oppose et liste les nombreux points négatifs que cela aurait (rejet, charge virale supérieure à celle des vaccinés, question de l’exemplarité, rôle du soignant de respecter les gestes et procédures pour ne pas contaminer les patients,…).
  3. Traitements anti-Covid préventifs et curatifs insuffisamment prescrits
    en particulier Paxlovid « actuellement la principale ressource médicamenteuse pour le traitement précoce des formes pauci-symptomatiques chez les patients à risque de forme grave de COVID-19 ; tout particulièrement ceux âgés de plus de 60 ans ou présentant une ou des comorbidités à haut risque de forme sévère de COVID-19 ». Le CS préconise la délivrance directe sans prescription par les pharmaciens, comme aux Etats-Unis, à court terme. Evusheld est une alternative si contre-indication à Paxlovid. On notera que selon le CS, les anticorps monoclonaux ont été peu prescrits (10 à 20 000 demandes acceptées) en prophylaxie post-exposition et pré-exposition, notamment vu le faible niveau de preuve d’efficacité (Citizen4Science peu après sa naissance avait dénoncé l’autorisation accordée à l’époque dans un communiqué de presse)
  4. Aération et purification de l’air
    nécessaire en raison de la transmission via aérosol, « à envisager dès maintenant » pour le CS.

Covid long

« Les symptômes ainsi répertoriés par l’OMS et le CDC sont polymorphes. Leur multiplicité et leur combinaison variable d’un patient à un autre en compliquent l’évaluation en terme de mécanismes et de cible d’investigation. En dehors de la dysgueusie et de l’anosmie, les symptômes ne sont pas spécifiques et peuvent être à tort sur- ou sous-attribués à l’infection à SARS-CoV-2. » L’OMS parle désormais de « post-Covid condition » soit un « état post-Covid » vu la difficulté d’en faire une entité clinique « maladie ». On parle ici de symptômes persistant plus de 2 mois après l’infection.
La prise en charge doit être organisée, en soins primaires puis orientation vers spécialistes, prise en charge multidisciplinaire. Le CS rappelle qu’il avait préconisé d’investir dans la recherche pour mieux caractériser « cette entité/ces nouvelles entités ».

Santé mentale

C’est un impact « bien établi » de la pandémie. , allant de la dégradation de certains paramètres de santé mentale en population générale, jusqu’à l’augmentation de troubles psychiatriques, tout particulièrement chez les adolescents et les jeunes adultes. » Le CS propose de mieux organiser la prise en charge et qu’elle puisse être moins « hospitalo-centrée ».

Fragilité de l’hôpital

« Après plusieurs vagues épidémiques, l’hôpital sort épuisé, au point de voir certaines de ses missions essentielles mises en péril.  » Il faut une évolution et le CS explique qu’il s’agit d’une « exigence collective » que d’avoir des « soins coordonnés, territorialisés, en capacité d’assurer des permanences des soins efficients », en valorisant une « démarche intégrative » et correspondant aux situations cliniques, dans et hors les périodes de crise sanitaire.

Populations à risque

On trouve les populations défavorisées et précaires, peu vaccinées, avec risque élevé de formes graves et qui on en plus un impact durable des effets de la pandémie d’un point de vue santé mentale et économique. et peu vaccinées et les populations immunodéprimées ainsi que les personnes âgées.

Pour les plus précaires, le CS recommande de faire tous les efforts pour obtenir une couverture vaccinale améliorée (avec rappel). On retiendra 3 « recommandations socle » du CS à savoir
1. « toujours associer les personnes en situation de précarité aux prises de décisions à tous les niveaux (voilà la santé publique comme on l’aime ! ndlr) et aller vers les plus éloignés des systèmes de soins.
2. privilégier les mesures permanentes et durables (maintenues si crises)
3. « ne jamais tout fermer et maintenir le lien humaine avec des services minimum »
Le CS insiste aussi sur les jeunes et en particulier populations étudiantes durement touchées, et préconise une prise en charge spécifique de ces populations.

Pour les immunodéprimés, dont 200 à 400 000 sévèrement immunodéprimés en France, les CS parle d’une situation alarmante : haut risque de décès et 40 % des malades en réanimation pour Covid en mars 2022 selon les associations de patients; une faible efficacité des vaccins et de toute façon une faible couverture vaccinale en particulier chez les transplantés, dialysés chroniques et infectés par le VIH.

Le CS fournit le tableau suivant :

Pour les immunodéprimés, le CS recommande des moyens dévolus à leur prise en charge et notamment le « renforcement des capacités d’hospitalisation de jour dédiées ».

Pour les personnes âgées, le CS propose les mêmes mesures que pour les populations précaires et fragiles, et un soutien logistique fort pour les Ehpad avec un plan vaccinal construit.

Sur le plus long terme

Le CS préconise de « renforcer la performance de la surveillance épidémiologique et des bases de données médicale pour mieux évaluer la tolérance et l’efficacité des vaccins en temps et vie réelle ».

Approche One Health : l’origine zoonotique du SARS-CoV2 fait envisager la possibilité d’une infection « reverse » dans un autre réservoir que l’homme en particulier chez les mammifères mustélidés. Cela a déjà eu avec l’infection de visons en Europe, amenant à une réintroduction du virus chez l’homme. On parle alors de rétro-zoonose. On pourrait mettre en place une « plateforme interministérielle One Health », établir une surveillance conjointe de la santé animale et de la santé humaine, renfoncer les actions One Health entre les ministères concernés, mobiliser les actions institutionnelles portées par le territoires, favoriser la recherche, entre autres.

Prospective : science et politique

Le CS aborde 3 aspects :

  1. Conseils scientifiques au niveau européen : ils ont pris contact entre eux au début de la pandémie, et des contacts informels très réguliers ont eu lieu aussi avec ceux d’autres régions.
  2. Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires
    Sa création signe la cessation du CS, qui tient à dire l’importance de la multidisciplinarité qui doit être maintenue dans ce comité. Ses avis seront rendu au président de l’Assemblée nationale et à celui du Sénat, et le CS insiste sur l’importance de les rendre publics, dans les meilleurs délais.
    Le CS insiste également sur : « indépendance, transparence, agilité, intelligence collective, multidisciplinarité, importance des sciences humaines et sociales, importance des liens avec la recherche au meilleur niveau, pérennité, vision One Health, réponses à des saisines et grande capacités d’autosaisine, publication rapide des avis, relations avec d’autres institutions nationales comme la HAS, HCSP, ANSM et Santé publique France, les organismes de recherche, relations internationales, représentation de la société civile. »
  3. « Conseil de la Science »
    C’est une proposition du CS de le créer en tant que « groupe de scientifiques de haut niveau pour éclairer le Président de la République et la Première ministre sur les avancées de la Science, et ce, indépendamment des crises ». Il s’agit de veiller à ce que les décisions politiques soient fondées sur la science, dans un constat du CS d’un manque de contact suffisant entre les décideurs politiques et le monde scientifique. Il préconise 12 à 15 personnalités issues pour beaucoup des Académies, Collège de France et instituts de recherche, qui seront complètement indépendants dans cette mission.
    « L’objectif serait de présenter à chaque réunion 3 à 4 avancées majeures de la Science qui peuvent modifier profondément la société dans un délai de moyen terme. Ce groupe informel préparera des courtes notes qui ne seront pas forcément publiques, mais l’agenda de ses réunions serait connu. »

    En conclusion, ce rapport se termine par le constat du CS de « l’importance d’une meilleure formation scientifique des jeunes générations de futurs décideurs publics. Cette formation pourrait porter autant sur les connaissances scientifiques que sur les mécanismes de la construction scientifique et leurs contraintes (temporalité, humilité, incertitude…) ».

Image d’en-tête : Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique dans RTL Matin le 30/6/2022

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