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Les bactéries intestinales alimentent le système immunitaire. Un microbiote diversifié peut protéger des patients atteints de cancer de certaines complications liées au traitement

par Kate Ann Markey, Assistant Professor of Medical Oncology, University of Washington, USA

La transplantation de cellules souches est un traitement prometteur pour les patients atteints de cancers du sang. Les médecins éliminent complètement le système immunitaire du patient en visant sa moelle osseuse par chimiothérapie, radiothérapie ou les deux, avant de la remplacer par le système immunitaire d’un donneur. La moelle osseuse produisant les cellules sanguines et immunitaires, le remplacement complet de la moelle osseuse cancéreuse par des cellules saines pourrait aider l’organisme à rétablir un système immunitaire fonctionnel et à remplacer les cellules sanguines cancéreuses.

Cette procédure n’est pas sans risque. Une des principales complications dont s’inquiètent les hématologues comme moi est la maladie du greffon contre l’hôte, où le système immunitaire du donneur reconnaît le corps du patient comme « étranger » et lance une attaque. Jusqu’à 50 % des patients qui reçoivent une greffe de cellules souches développent la maladie du greffon contre l’hôte.

Une partie inattendue du corps qui pourrait jouer un rôle clé dans la protection des patients greffés contre les complications est toutefois leur bactérie intestinale.

Avec mes collègues Hana Andrlova et Marcel van den Brink, j’étudie comment la composition de votre microbiome, c’est-à-dire les micro-organismes qui vivent dans votre corps, peut affecter l’efficacité des traitements contre le cancer. Si des études antérieures ont montré que les perturbations de la diversité des organismes du microbiome intestinal sont liées à un risque plus élevé de décès après une transplantation, les raisons précises de ce phénomène ne sont pas claires.

Dans notre étude publiée récemment, nous avons découvert que les bactéries intestinales aident le système immunitaire à se rétablir après une transplantation de cellules souches en nourrissant deux types spéciaux de cellules immunitaires qui protègent contre les complications.

Les greffes de cellules souches allogéniques consistent à prélever la moelle osseuse d’un donneur et à l’administrer au patient par voie intraveineuse.

Bactéries intestinales et lymphocytes T

Pour explorer la relation entre les bactéries intestinales et le système immunitaire, nous devions d’abord identifier les types de bactéries présentes dans un microbiome donné. Nous avons donc séquencé tous les gènes bactériens dans les échantillons de selles de 174 patients ayant subi une greffe de cellules souches. Nous avons ensuite prélevé des échantillons de sang de ces mêmes patients pour identifier les types de cellules immunitaires en circulation et leur fonctionnement.

Nous avons appris qu’un microbiome intestinal diversifié après une transplantation est associé à l’expansion d’un type particulier de cellules appelées MAIT, ou lymphocytes T invariants associées aux muqueuses. Les lymphocytes MAIT sont liées à l’amélioration des résultats de la transplantation, notamment à la diminution du risque de maladie du greffon contre l’hôte et à l’allongement de la survie, tant chez la souris que chez l‘homme. Nous avons constaté que plus les patients avaient de cellules MAIT dans leur sang après la transplantation, plus ils survivaient longtemps et moins il y avait de complications. Les patients présentant les taux les plus élevés de lymphocytes MAIT avaient la plus faible incidence de maladie du greffon contre l’hôte.

Le mécanisme précis qui sous-tend les effets protecteurs des lymphocutes MAIT n’est pas clair. Mais les chercheurs savent que ces cellules ont besoin de molécules provenant du processus de production de riboflavine ou vitamine B2, dans l’organisme pour se développer et se multiplier. Il s’avère que ces dérivés de la riboflavine sont produits par les microbes de l’intestin.

Nous avons également constaté que le nombre élevé de lymphocytes MAIT était lié à la présence d’une autre population spéciale de lymphocytes T, les V-delta-2, qui sont également stimulées par les sous-produits bactériens. Des niveaux supérieurs à la moyenne de ces cellules étaient également associés à une meilleure survie et à une diminution de la maladie du greffon contre l’hôte chez les patients transplantés.

Ces résultats suggèrent que l’une des raisons pour lesquelles un microbiote sain et diversifié est lié à de bons résultats chez les receveurs de cellules souches pourrait être que les bactéries intestinales favorisent le développement de cellules immunitaires qui protègent contre les complications de la transplantation, comme la maladie du greffon contre l’hôte.

Protection contre les complications des transplantations

L’étape suivante consistait à déterminer comment ces lymphocytes T spéciales protègent contre les complications liées aux transplantations. Nous avons prélevé des échantillons de sang de cinq patients qui présentaient un nombre élevé de cellules MAIT et V-delta-2. Nous avons ensuite utilisé une technique appelée séquençage de l’ARN sur cellule unique pour analyser des milliers de cellules individuelles et explorer toutes les fonctions potentielles qu’un type de cellule particulier peut avoir dans l’organisme.

Lorsque nous avons comparé les cellules MAIT et V-delta-2 de patients transplantés et de personnes en bonne santé, nos résultats ont été très surprenants. Nous avions d’abord supposé que des gènes liés à la réparation des tissus seraient actifs dans ces lymphocytes T – ce qui expliquerait pourquoi les patients ayant un nombre élevé de ces cellules s’en sortent mieux après un traitement aussi intense et éprouvant pour l’organisme. Au lieu de cela, nous avons constaté que ces cellules exprimaient fortement des gènes impliqués dans les processus inflammatoires et capables d’induire des dommages cellulaires – parfois nécessaires pour combattre les infections lorsque le système immunitaire du patient est encore en train de se rétablir. Cela suggère que les cellules MAIT et V-delta-2 pourraient protéger les patients contre les complications liées à la transplantation d’une manière qui n’était pas connue ou comprise auparavant.

Il est possible que les lymphocytes T activées par le microbiote, comme les lymphocytes MAIT et V-delta-2, contribuent à réduire les complications liées à la transplantation en tuant les cellules infectées ou les cellules impliquées dans la maladie du greffon contre l’hôte. Bien que notre étude ne permette pas de confirmer cette hypothèse, les travaux futurs pourraient aider les scientifiques à mieux comprendre les liens importants entre le microbiote, le système immunitaire et la réussite des greffes de cellules souches pour les patients atteints de cancer.

Image d’en-tête : cellules souches indifférenciées en culture – Source Wikipédia

Article traduit par la Rédaction, paru initialement dans The Conversation

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