Maladies cardiovasculaires : des mécanismes et des symptômes différents selon le sexe
La société de cardiologie allemande décrit des différences majeures entre les hommes et les femmes et appelle à plus de parité dans les études cliniques
Cette position de la société savante de cardiologie, la Deutsche Gesellschaft für Kardiologie, est parue en mai et est fort intéressante. La publication a pour auteur Andrea Baessler, professeur de cardiologie à l’hôpital universitaire de Redensburg. Avec des collègues, elle a recensé et synthétisé de nombreuses différences entre les hommes et les femmes face aux maladies cardiovasculaires.
La génétique en cause
On pouvait s’en douter, une cause essentielle est liée à la génétique, en particulier du fait de taux d’hormones sexuelles différentes entre hommes et femmes, y compris en ce qui concerne leur évolution avec l’âge, particulièrement à la ménopause et à l’andropause.
Evolution des taux d’hormones sexuelles au cours de la vie selon le sexe :
Orange : testostérone chez l’homme
Jaune pointillé : estradiol chez l’homme
Bleu plein : estradiol chez la femme
Bleu pointillé : testostérone chez la femme
Le mode de vie est également en cause, comme par exemple les habitudes alimentaires et l’exercice physique, mais ce n’est pas nécessairement spécifique au sexe. Néanmoins, la consommation d’alcool et de tabac peut avoir des conséquences différentes entre les hommes et les femmes du fait de la génétique aussi, en raison des différences de métabolisme.
Impact sur tous les aspects des pathologies cardiovasculaires
Les différences de symptômes sont importants, car ils déterminent les signes d’alerte et permettent de poser un diagnostic, plus ou moins rapidement s’ils sont pertinents et fiables. Le Pr Baessler et ses collègues expliquent que de multiples aspects sont l’objet de différences entre les deux sexes, comme l’étiologie (les causes de la maladie), la physiopathologie (les mécanismes qui aboutissent à la maladie), la réponse au traitement ou le pronostic.
Exemple de l’hypertension artérielle
Les auteurs expliquent que passé l’âge de 30 ans, les femmes ont une pression artérielle qui augmente plus vite que chez les hommes. Dès lors, bien que le risque d’hypertension artérielle soit similaire entre les hommes et les femmes au début de l’âge adulte soit un risque d’être atteint de 33 % en moyenne, les femmes deviennent en vieillissant plus sujettes à l’hypertension. Passé la ménopause, l’écart entre hommes et femmes grandit encore, voire s’accélère. En outre, les femmes et les hommes ne réagissent pas de façon identique aux traitements antihypertenseurs, avec des conséquences sur l’efficacité mais aussi sur le profil d’effets indésirables des médicaments. Une conséquence de la pression artérielle à la base plus élevée chez les femmes après un certain âge, sont, selon les auteurs, des modifications au niveau cardiaque, à type d’hypertrophie du ventricule et de l’oreillette gauches.
On retrouve aussi des différences de sensibilité à de nombreux hypolipémiants, globalement moins efficaces chez les femmes que chez les hommes.
L’IMC non différencié selon le sexe, à tort
Si on aborde le sujet de l’obésité, on sait qu’un paramètre essentiel pour la définir au-delà du poids corporel est l’indice de masse corporelle (poids rapporté à la surface corporelle). Les auteurs rappellent que l’IMC n’est pas différencié selon le sexe notamment, hors la répartition des graisses est sensiblement différente entre les hommes et les femmes (et selon l’âge). Cette différenciation devrait être prise en compte pour des mesures d’IMC plus pertinentes.
Le document de position de la société savante allemande, très complet, donne d’autres exemples multiples de critères d’évaluation et de pathologies qui diffèrent selon le sexe. Prenons comme exemple frappant le cas de la crise cardiaque.
Des signes d’infarctus du myocarde différents
Nous connaissons tous les signes avant-coureurs typiques communément admis pour la survenue imminente de ce redoutable événement de santé : un sensation d’oppression dans cage thoracique du côté gauche, une douleur au niveau du bras gauche. Les auteurs rapportent que cela concerne en fait surtout les hommes, et que ces signes sont moins typiques chez les femmes. Pour elles, le tableau clinique serait plus souvent un essoufflement, des douleurs dans la partie haute de l’abdomen et dans le dos, des nausées et vomissements, une transpiration excessive. En conséquence, les femmes présenteraient un retard de prise en charge de cette pathologie très dangereuse dont le pronostic est justement lié à la rapidité du diagnostic et de la prise en charge.
Nécessité d’intensifier l’étude des différences avec la recherche clinique
C’est la recommandation des d’Andrea Baessler et ses co-auteurs, et donc de la société allemande de cardiologie. Il est essentiel d’explorer sur tous les plans les différences entre les hommes et les femmes face aux maladies cardiovasculaires, pour mieux en tenir compte. Et cela passe par la recherche clinique, où les femmes sont souvent sous-représentées dans les études.
Image d’en-tête : Illustration Andrea pour Science infuse
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