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Réflexions sur le traitement médiatique d’un article du « Midi Libre » sur les vaccins anti-Covid

Le journal « Midi Libre », quotidien régional basé à Montpellier (Occitanie) appartenant au groupe « La Dépêche » a publié samedi 25 juin au matin un article intitulé : « Pfizer, Moderna, Astra Zeneca : les vaccins anti-Covid augmentent les risques cardiovasculaires chez les jeunes », qui a largement circulé dans la sphère anti-vax sur les réseaux sociaux.

Titre, sous-titre et première phrase de l’article initial

Le fléau des titres « putaclic »

Tout d’abord, notons qu’on a ici un schéma classique de titre « choc », déclaratif et sans nuance.
Le conditionnel apparaît dans le sous-titre : « Les vaccins[…] auraient tous des effets ».
Malheureusement, cette technique marketing est largement répandue. Elle fait beaucoup de mal dès qu’il s’agit de science qui s’accommode mal des affirmations péremptoires, en particulier sur des sujets nouveaux ayant trait à un virus nouveau découvert il y a 2 ans.

On peut citer à titre illustratif cet exemple parmi tant d’autres, d’un article du journal « Sud Ouest » qui circule encore abondamment aujourd’hui dans la sphère antivax, pour moquer la science et les scientifiques.

Le titre de cet article est faux. Le Pr Mathieu Molimard, qui a accordé un entretien au journal n’a jamais dit que le vaccin empêchait la transmission, mais la réduisait, et c’est bien ce que l’on découvre si on prend la peine de lire l’article.

Mais on le sait, et les journaux aussi, que beaucoup de personnes s’en tiennent à lire le titre et le sous-titre pour avoir le message. En cela, les médias sont coupables et Citizen4Science le dénonce depuis le début de la crise sanitaire. Outre les informations et messages erronés transmis, cela entraîne des campagnes de diffamation et de dénigrement visant les personnes qui en sont victimes, et contribue en la défiance en la science.

L’article du Midi Libre

L’article rapporte les résultats de trois études parues dans des revues scientifiques prestigieuses.
En lui-même, cet article n’est pas erroné, dans le sens où selon notre analyse, il ne comporte pas d’erreurs objectives
Ainsi nous avons relevé :

  • une erreur typographique fâcheuse, concernant l’échantillon pris en compte
extrait article initial

Il fallait lire – et écrire ! – 15 millions et non 15 000 personnes.
Evidemment, cette erreur – vite corrigée par le journal, le jour-même – fait croire à une incidence importante des myocardites/péricardites avec le vaccin anti-Covid. Cette donnée erronée a été exploitée par les antivax qui ont relayé l’article. Mis à part cela, les résultats de l’étude sont correctement présentés par Midi Libre… mais de façon incomplète.

  • des réserves manquantes sur deux des trois articles

Outre l’étude dans The Lancet, l’article évoque des études parues dans Scientific Reports et JAMA Network. Nous n’allons pas ici rentrer dans l’analyse de fond des objections scientifiques qui n’est pas notre propos ; le traitement médiatique, mais lorsque l’on analyse un article d’étude scientifique, il est important de lire soigneusement la conclusion ainsi que le paragraphe des limitations de l’étude, à la recherche de réserves sur la fiabilité des résultats. Il faut aussi inspecter la page de l’éditeur qui publie l’article.
Ainsi les deux dernières études procurent pêle-mêle tous ces warnings : des conclusions qui indiquent qu’il faut prendre les résultats avec des pincettes, des limitations indiquées. Il s’agit ici donc de réserves émises par les auteurs eux-mêmes. De plus, pour l’un des articles, une note de l’éditeur précise que les résultats de l’étude sont contestés et en discussion.

On peut donc reconnaître que le journaliste qui a rédigé l’article du Midi Libre n’a pas été jusqu’au bout de son analyse en omettant les conclusions complètes des études.

La Rédaction du Midi libre a en tout cas été réactive, tenant compte que tout cela s’est passé principalement durant le week-end dernier avec des responsables pas nécessairement présents.
L’article final précise ainsi une mise à jour en date de lundi :

Note de fin de l’article mis à jour

De fait, l’article a été complété notamment d’analyses de AFP Factuel pour tenir compte des réserves nécessaires sur les résultats des études. Mais, comme le confirme cette note, il n’y a pas d’erreurs objectives selon le journal mais des imprécisions nécessitant compléments, car elles donnent une orientation peu objective à l’article.

Le traitement médiatique de l’article

Signaler sur les réseaux sociaux à journal un problème sur un article, de type titre « putaclic » qui induit le public en erreur, ou des erreurs de fond voire typographiques lourdes de conséquences, c’est légitime.
On peut néanmoins se poser la question de la façon de le faire. Dans le cas présent, après que l’article ait déjà énormément circulé sur les réseaux sociaux par l’action de la sphère antivax, les personnes qui ont repéré l’erreur se sont lancés dans un « harcèlement de meute » sur Twitter, en mode indigné voire menaçant visant le journal Midi Libre.
La « coquille » des 15 000 au lieu de 15 millions n’a pas aidé, présenté comme une erreur objective et grossière, représentative des problèmes de cet article, ce qui n’est pas le cas.

Réactions en chaîne, auto-promotion et surexposition

Tous les jours, on peut lire des dizaines d’articles à titre « putaclic » trompeur, des erreurs typographiques et des traitements journalistiques qui manquent d’objectivité. Alors bien évidemment, le sujet des vaccins est important s’agissant d’un problème de santé publique important. Mais l’emballement qui a suivi une demande légitime de correction, peut paraître disproportionné. Des internautes entraînés par l’effet de clan se sont mis à interpeller en chaîne Midi Libre, avec une inflation de reproches allant parfois jusqu’à l’exigence de suppression de l’article incriminé.

Et surtout, il est fort probable que cette action soutenue et publique pendant plusieurs jours ait donné une visibilité supplémentaire à l’article incriminé.
Il aurait été possible de continuer l’action auprès de la rédaction du Midi Libre en privé, si tel était l’objectif unique. Mais sur les réseaux sociaux, l’auto-promotion est aussi un objectif, l’entraînement de groupe une conséquence qui mène à bien des excès.

Citizen4Science a ainsi réagi sur Twitter

De quoi engager une réflexion sur la façon d’engager des actions sur les réseaux sociaux… mais aussi la façon de les poursuivre et les conclure.

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