Théâtre : « Et à la fin, ils meurent (la sale vérité sur les contes de fées) » de Lou Lubie au théâtre de la Manufacture des Abbesses
Une Chronique Culture d’Alain Girodet
« Il était une fois » : la formule est magique puisqu’elle provoque, instantanément, un sourire, amusé chez les petits, nostalgique chez les grands. Elle annonce, à elle seule, l’irruption d’un univers aussi lointain qu’enchanté, peuplé de princesses aussi belles qu’innocentes et de princes aussi charmants que courageux.
Il était une fois quatre comédiens, deux garçons et deux filles (Pierre-André Ballande, Virgile Daudet, Leïla Moguez, Clara Leduc ou Eugénie Gendron) qui nous la « jouent » bien différemment sur la scène de la Manufacture des Abbesses. Tout d’abord, ils nous rappellent que les contes les plus connus possèdent différentes versions et ils vont les convoquer devant nous, ces versions, pour mieux les confronter : on entend donc du Giambattista Basile, du Charles Perrault, et les frères Grimm, et Andersen, et Disney, et aussi les versions de la tradition populaire (autant qu’on puisse les connaître puisqu’elles furent orales). Ces versions diffèrent énormément les unes des autres. Toutes ne ressemblent pas à ce gâteau de Savoie boursouflé aux relents de patchouli sans grâce qu’on nous assène généralement dans la littérature pour enfants. Dans pas mal de contes, même les plus connus, il y a du sang, des larmes, des cruautés. Comme dans les récits de la mythologie grecque ou égyptienne, on tue, on viole, on découpe en morceaux, on recolle plus ou moins miraculeusement.
C’est uniquement Perrault, et, plus près de nous, Disney, qui nous ont infligé des contes devenus de mièvres et niaises leçons de morale aseptisée, porteurs de valeurs surannées et respectueuses de l’ordre social institué.
D’ailleurs, on nous rappelle les analyses menées jadis par Bruno Bettelheim, dans sa fascinante « Psychanalyse des contes de fées » : les contes sont des apprentissages symboliques et des entreprises d’édification : ainsi Barbe bleue met en garde contre les dangers de l’inceste.
Durant une heure dix, les quatre comédiens, sous la direction très avisée d’Antoine Brin, nous récitent avec vivacité et entrain quelques-uns des contes parmi les plus fameux (Barbe bleue, Cendrillon, Le petit chaperon rouge) ou les moins connus (Le prince enchanté, la pauvre manchote) : avec eux, avec leur humour, leur talent, les contes de fées deviennent des contes défaits. Le parti-pris du spectacle est iconoclaste et réjouissant : ils mettent toute leur énergie et leur enthousiasme à mettre à sac, systématiquement, l’héritage culturel des mythes et légendes de notre patrimoine national ( et international d’ailleurs). Ces quatre excellents comédiens ne font, en définitive, que « régler leurs contes » et l’on s’en réjouit.
Un spectacle qu’il convient de conseiller à tous : aux adultes qui ont su garder leur âme anarchiste, et aux enfants pas sages et si souvent dubitatifs devant les histoires qu’on leur raconte.
Du 19 Mars au 24 Mai 2025 – du mercredi au samedi à 19h – durée : 1h10
Texte : Lou Lubie
Adaptation et Mise en scène : Antoine Brin
Avec : Pierre-André Ballande, Virgile Daudet, Leïla Moguez, Clara Leduc ou Eugénie Gendron
Décor : Sabrina Moguez
Musique : Simon Vantheemsche
Théâtre La Manufacture des Abbesses :- 7 rue Véron 75018 Paris
Photos : @Sabrina Moguez
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