Prévention de la consommation d’alcool : l’étrange campagne gouvernementale a-t-elle subi la pression de lobbies du vin ?
Le ministère de la Santé et de la Prévention vient de lancer une campagne qui propose des mesures d’accompagnement de la prise d’alcool et non de prévention
Cette campagne a été lancée par Aurélien Rousseau, ministre de la Santé et de la Prévention récemment nommé, sur les réseaux sociaux le 25 septembre.
Il l’annonce en ces termes : « Lancement aujourd’hui de la nouvelle campagne contre la banalisation de la consommation d’alcool chez les jeunes. La santé publique, c’est définir des priorités et choisir des messages. Ils peuvent se discuter bien sûr…pas notre détermination à lutter contre ce fléau de santé publique. »
« Banalisation » vraiment ? pas de prévention de la consommation
Ce qui frappe d’emblée, c’est que les messages présentés ne visent absolument pas à prévenir ou réfréner la consommation d’alcool. Au contraire elle peut apparaître comme tolérer (donc accompagner) la consommation d’alcool pour la rendre acceptable du point de vue sanitaire au moyen de mesures d’accompagnement qualifiées de « C’est la base » (sous-entendu de ce qu’il faut faire en cas d’excès d’alcool) pour contrer ses effets néfastes : donc accepter les excès ?
- Quand on boit de l’alcool, il faut aussi boire de l’eau (car l’alcool déshydrate)
- Penser à « raccompagner tes potes s’ils ont trop bu ». Bien
- « Garder un œil sur tes potes en soirée« . Oui, mais pourquoi ? pour empêcher l’excès d’alcool ? Ce n’est pas exprimé. Pour les raccompagner en cas d’excès ? C’est bien ce que dit le message précédent….
- « Ne pas insister si tes potes ne veulent pas consommer » : cela ne ressemble-t-il pas à un coup dans l’eau ? Qui ne mange pas de pain ? Ceux qui ne consomment pas ne consomment pas. Pas d’impact sur le marché de la boisson….
À la limite, n’est-ce pas une incitation à la consommation excessive d’alcool en fournissant quelques « contre-mesures » , sans jamais toucher au problème de fond, la consommation d’alcool délétère pour la santé ?
On peut sincèrement se le demander ; Le sénateur socialiste Bernard Jomier (récemment réélu), a réagi vivement : il s’agit bien d’une campagne de « jamais-vu », puisque le message n’est pas de restreindre la consommation d’alcool mais de l’accompagner, déclarant : ‘Voici donc la campagne sur l’alcool qui a franchi la censure élyséenne. Les alcooliers peuvent être tranquilles : elle ne contient aucun message de réduction de consommation. »
On voit donc en effet que contrairement à tout principe de campagne de sensibilisation contre un fléau de santé publique, il n’y a aucun message de PRÉVENTON dudit fléau, la consommation d’alcool. Il s’agit plutôt d’expliquer comment « gérer » la surconsommation d’alcool pour que tout se passe bien au final.
Le passif de campagnes récentes censurées par le lobby de l’alcool
Tout d’abord, la campagne mondiale pour un moins de janvier sans alcool (sobre) suite aux excès des fêtes de fin d’année, « Dry January », a été annulée par l’Élysée.
En début d’année, Vin & Société, qui communique pour réduire l’impact de la consommation d’alcool arguant que c’est la surconsommation qui est en cause, a publié un communiqué qui incrimine les campagnes de prévention de la consommation d’alcool du fait qu’elle viserait « les instants de convivialité des concitoyens ». Rappelons que cet organisme représente la filière du vin français, et donc qu’on peut considérer comme un lobby national pour ce créneau viticole.
Juste avant l’annonce de la nouvelle campagne, on avait appris que la version initiale avait été auto-censurée par le ministère de la Santé. Elle était pourtant plus conforme à ce que l’on peut attendre d’une campagne de prévention contre les dégâts de l’alcool sur la santé : « Quant on boit des coups, notre santé prend des coups ». Une vérité sanitaire pourtant implacable, d’autant qu’elle était doublée d’explications très claires : « « Boire de l’alcool multiplie les risques de troubles du rythme cardiaque » ou encore « Boire de l’alcool multiplie les risques d’AVC hémorragiques. »
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