Chronique estivale irlandaise (6/9) : La maison d’Oscar Wilde
À deux pas du Trinity College, où il fit d’ailleurs ses études, s’élève la maison d’Oscar Wilde. Même si, au sens strict du terme, Wilde n’y est pas né, il était beaucoup trop petit, huit mois à peine, pour se souvenir du jour où sa mère déménagea le berceau au 1 Merrion Square en 1855. Le père, William Wilde, possédait une notoriété certaine dans la société dublinoise en tant que chirurgien spécialisé des yeux et des oreilles. Et c’est là, dans cette demeure victorienne (la toute première qui aurait été édifiée sur Merrion Square en 1760) qu’il va désormais accueillir sa patientèle. La mère, Jane, plus connue sous le nom de Speranza, est romancière, poétesse, traductrice et forte tête. Un milieu privilégié donc, bourgeois et cultivé, dans lequel Oscar va s’épanouir.
Ce qui surprend, d’emblée, au cours de la visite de la demeure familiale, c’est la relative exiguïté et la simplicité des lieux. La maison compte quatre niveaux avec la chambre du fils tout au sommet (un hasard ?), les chambres des parents au second, le cabinet de consultation au premier, le salon et la cuisine de plain-pied, et les pièces, si elles sont vastes, sont loin d’être démesurées ; quant au mobilier, il est simple, voire, dans certains cas, absent. Comme si la maison tout entière, dans sa configuration et son aménagement, gardait la trace de la déflagration qui bouleversa l’existence d’Oscar Wilde.
C’est à Londres, où il vivait depuis quelques années, que Wilde fut arrêté, emprisonné, jugé, condamnée, enfermé durant de longues années dans des conditions si déplorables qu’il en contracta une infection à l’oreille droite dont il devait décéder prématurément. Son nom fut proscrit, son épouse obligée de renoncer à le porter, ses œuvres interdites et ses biens vendus à l’encan. Puis, lorsqu’il sortit enfin de prison, Wilde fut exilé avec interdiction formelle de fouler à nouveau le sol anglais. Il mourra à peine quelques années plus tard, seul dans un hôtel parisien (le même que Jim Morrison plus tard, rue des Beaux-arts) souffrant de manière atroce d’une infection que son père, cruelle ironie de l’histoire, aurait pu soigner s’il avait été encore de ce monde.
On en voulait à Oscar Wilde, de façon aussi acharnée, d’avoir été différent, de s’être écarté de la norme, d’avoir pris ses distances avec la conformité : élégant, brillant, talentueux, cynique, dilapidateur de ses biens et amoureux passionné d’un homme dans un univers (ce n’est pas si ancien) condamnant fermement l’homosexualité. La maison d’Oscar Wilde, que l’on peut désormais visiter, met en évidence l’absurdité d’une interdiction qui ne reposait sur rien : ces ères d’intolérance sont certes révolues mais une telle visite nous incite à la vigilance pour que plus jamais on n’incarcère au nom de la morale et de la religion.
Image d’en-tête : photo Oscar Wilde House, Dublin – crédit : Edel
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