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Cinéma : « Juré n° 2 » : L’approche judiciaire et judicieuse de la culpabilité et de la conscience, au goût de remake d’œuvres françaises

Dans la série des films de procès, Clint Eastwood nous pousse de façon convaincante dans nos retranchements et à la réflexion entre convictions, vérités des faits, morale et société avec une belle brochette d’acteurs et une construction intéressante malgré le poids de l’académisme

Synopsis : « Alors qu’un homme se retrouve juré d’un procès pour meurtre, il découvre qu’il est à l’origine de cet acte criminel. Il se retrouve face à un dilemme moral entre se protéger ou se livrer. »

Alors, complètement invraisemblable, cette histoire ? Avouons que se retrouver juré dans un procès d’homicide avec face à soi l’auteur présumé d’un crime que l’on a commis, c’est une probabilité à laquelle on peut difficilement croire. Mais est-ce bien important hormis pour les esprits hyper-rationalistes ? D’autant que Clint Eastwood se livre ici à un bis repetita. Et oui, en 1962, Georges Lautner réalisait Le Septième juré, avec une pléiade de stars de l’époque (Bernard Blier, Maurice Biraud, Jacques Monod, Francis Blanche, Danièle Delorme) adapté du livre éponyme (1958) de Francis Didelot, un écrivain spécialisé dans le roman policier : un meurtrier, pharmacien de province respecté à Pontarlier (Doubs), est nommé juré à la Cour d’assises pour juger un innocent à sa place. En 2008, un premier remake est diffusé au format téléfilm avec Jean-Pierre Darroussin, sur un scénario et des dialogues de Didier Le Pêcheur.
Dans notre film américain 2024, Justin (Nicholas Holt, acteur britannique sosie de Tom Cruise jeune, ce qui ne gâche rien). marié et bientôt père de famille, va selon la même ironie du sort (juré pour son propre crime), être soumis au dilemme d’un vrai cas de conscience : doit-il se dénoncer pour éviter la prison à perpétuité à un innocent au prix de la destruction de sa propre vie et de celle de sa famille ? À notre connaissance, la production américaine n’assume ni inspiration et encore moins remake des œuvres françaises antérieures. Au contraire même, il paraît que le scénariste Jonathan Abrams a puisé le « pitch » dans une histoire vraie d’un procès américain et en réfléchissant au modalités de sélection d’un jury d’assises (ou équivalent aux États-Unis). Why not.
Reconnaissons quoi qu’il en soit un scénario bien ficelé, plus original que celui des films français où l’histoire est narrée de façon purement chronologique. Juré n°2 nous met le doute dans le tête dès les premières images t et s’évertue à faire en sorte que le spectateur se pose des questions sur les faits du début à la fin du film, usant largement de flash-back. On ne verra pas non plus comme dans Le 7ème juré notre juré anti-héros intervenir au cours du procès allant jusqu’à poser des questions aux témoins ou palabrant avec les magistrats. C’est dans le huis clos du groupe des jurés devant donner leur verdict qu’il interviendra avec néanmoins le même but que dans nos films de référence : semer le doute dans les esprits pour éviter la condamnation de l’innocent, à défaut d’avouer. On apprécie, des personnages principaux ambigus, loin du manichéisme que l’on retrouve souvent outre-atlantique avec « les bons et les méchants ». C’est bien un film dramatique, un tantinet trop académique ce qui le rend old school parfois un peu blasant, mais on est amené à rire de temps à autre, en particulier quand les jurés expliquent le pourquoi de leurs convictions. On peut en pleurer aussi, car Clint Eastwood nous fait toucher du doigt à quoi peut tenir une décision non impartiale à base de multiples biais cognitifs. Les rouages de la justice, en plus de celles des humains, en prennent pour leur grade. À ce titre, le puissant biais de confirmation sera nommément désigné dans le film. Les acteurs sont très bons, mention spéciale à l’australienne Toni Collette qui joue le rôle de la procureure prise aussi dans un dilemme car en plein campagne pour sa réélection et dont on voit la belle assurance s’effriter lentement, ainsi qu’à Kiefer Sutherland dans le rôle de l’un des jurés, policier à la retraite soumis à la déformation professionnelle.

« Juré n°2 » de Clint Eastwood, avec Nicholas Hoult, Toni Collette, Kiefer Sutherland, Zoey Deutch- Durée : 1h56 – Sortie : 30/10/2024

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