En 2024, la moitié des médecins ont bénéficié d’avantages offerts par l’industrie, selon l’Ordre
Le rapport 2023-2024 du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) fraîchement publié révèle qu’un médecin sur deux a perçu des avantages de l’industrie pharmaceutique en 2024, dans un contexte d’encadrement renforcé. Transparence accrue mais défis persistants pour garantir l’indépendance.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) a publié son rapport d’évaluation 2023-2024 sur le dispositif « Encadrement des avantages », qui régule les relations entre professionnels de santé et industrie pharmaceutique. Ce document, basé sur quatre ans d’application de la loi anti-cadeaux, montre qu’environ 50 % des médecins ont bénéficié d’avantages en 2024, tout en soulignant des progrès en matière de transparence et des ajustements nécessaires pour renforcer l’éthique médicale.
Un cadre déontologique strict
Instauré par l’ordonnance n° 2017-49 du 19 janvier 2017, le dispositif interdit aux médecins de recevoir des avantages illicites de l’industrie (pharmaceutique, dispositifs médicaux, etc.). Les conventions, comme les contrats de recherche ou les invitations à des congrès, doivent être soumises à l’Ordre via l’application IDAHE V2 pour contrôle déontologique. En 2023-2024, la commission Relations médecins-industrie a examiné environ 63 000 conventions, majoritairement pour des montants inférieurs à 2 000 euros, qui bénéficient d’une procédure simplifiée. Les avantages sont déclarés sur le site Transparence Santé, garantissant une traçabilité publique.
Quels avantages et quelles règles ?
Les « avantages » incluent toute forme de bénéfice direct ou indirect offert par l’industrie aux médecins, comme des rémunérations pour des prestations (conférences, expertises, participation à des études cliniques pour tester des médicaments), des prises en charge de frais de déplacement ou d’hébergement pour des congrès, ou encore des invitations à des formations. Selon la loi anti-cadeaux, tout avantage d’une valeur supérieure à 10 euros doit être déclaré sur le site Transparence Santé. Pour les conventions, une distinction clé est faite selon leur montant : celles inférieures à 2 000 euros relèvent d’une simple déclaration à l’Ordre, tandis que celles dépassant ce seuil nécessitent une autorisation préalable, soumise à un contrôle approfondi pour vérifier leur conformité déontologique. Cette limite, instaurée pour alléger la charge administrative des petites conventions, a permis de fluidifier le processus tout en maintenant une vigilance sur les engagements financiers plus importants, comme le précise le rapport 2023-2024 du Cnom.
La moitié des médecins concernés
En 2024, un médecin sur deux (sur la base de 234 000 médecins en activité en France) a bénéficié d’avantages, qu’il s’agisse de financements pour des formations, des congrès ou des activités de recherche. Cette proportion, bien que significative, reflète une meilleure intégration des règles par les industriels, avec une diminution des avantages non conformes, comme les hospitalités excessives. L’utilisation accrue de l’application IDAHE V2 a facilité le traitement des dossiers, et le site Transparence Santé enregistre une hausse des déclarations, renforçant la visibilité des liens d’intérêts.
Une relation essentielle, mais sous tension
Les relations entre médecins et industrie pharmaceutique sont indispensables à l’innovation médicale : sans la participation des médecins-chercheurs aux essais cliniques et aux tests des médicaments développés par l’industrie, aucun traitement novateur ne pourrait voir le jour. Pourtant, ces collaborations ont été mises à rude épreuve, notamment pendant la crise du Covid-19, où des médecins-chercheurs ont été ciblés et harcelés pour leurs liens présumés ou réels avec l’industrie pharmaceutique. Ces attaques, souvent relayées sur les réseaux sociaux, ont alimenté une méfiance envers la recherche médicale, malgré son rôle crucial dans le développement de vaccins et de traitements. Le rapport 2023-2024 du Cnom, en renforçant la transparence, cherche à rétablir la confiance tout en protégeant l’intégrité de ces collaborations essentielles.
Des faiblesses persistantes
Malgré les avancées, des lacunes subsistent. Certains dossiers soumis manquent de précisions sur les finalités ou les montants des conventions, et les petites entreprises peinent à respecter les délais de déclaration. La Cour des comptes, dans un rapport parallèle, a pointé un contrôle insuffisamment rigoureux pour les conventions à forts montants. Le Cnom propose de renforcer les sanctions en cas de non-conformité et de simplifier les démarches pour les conventions de faible enjeu, afin de réduire la charge administrative.
Vers une indépendance renforcée
L’indépendance des médecins reste un enjeu central. Le rapport met l’accent sur la nécessité de formations continues indépendantes de l’industrie, un point également soulevé par la Cour des comptes. Le Cnom recommande la création d’un label unique pour certifier la qualité et l’indépendance des formations hors développement professionnel continu (DPC), afin de garantir que les connaissances des médecins ne soient pas influencées par des intérêts commerciaux.
Conclusion
Le rapport 2023-2024 du Cnom témoigne d’une consolidation du dispositif d’encadrement des avantages, avec une transparence accrue et une large implication des médecins dans des relations encadrées avec l’industrie. Cependant, des efforts restent nécessaires pour combler les lacunes et garantir une indépendance totale. En proposant des sanctions renforcées et un label pour les formations, l’Ordre s’engage à protéger l’éthique médicale et la confiance dans le système de santé.
Illustration d’en-tête : Andrea pour Science infused
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