Homéopathie et déontologie médicale : des sanctions ordinales et un rappel du cadre légal
Sept ans après une tribune de professionnels de santé dans Le Figaro ayant conduit au déremboursement de l’homéopathie en 2021, les sanctions ordinales contre certains signataires continuent de susciter des débats. Ces sanctions, fondées sur la déontologie médicale, rappellent que l’homéopathie reste encadrée par le Code de la santé publique. La présente analyse justifie la légitimité des sanctions et critique celles qui se trompent de cible en ignorant le cadre légal, avec un parallèle sur les attaques injustifiées du même ordre contre les pharmaciens.
Contexte de la tribune : un succès législatif à saluer
En mars 2018, 124 professionnels de santé principalement des médecins ont publié une tribune dans Le Figaro dénonçant l’homéopathie comme une pratique sans fondement scientifique, appelant à son déremboursement, à l’arrêt de son enseignement universitaire et à la non-reconnaissance des diplômes associés. Cette initiative a marqué un tournant décisif. Elle a conduit à une évaluation par la Haute Autorité de Santé (HAS), qui a conclu en 2019 à l’absence d’efficacité de l’homéopathie au-delà de l’effet placebo, aboutissant à son déremboursement progressif : 30 % en 2019, 15 % en 2020, et 0 % en 2021 [2]. Ce résultat, obtenu grâce à une mobilisation scientifique rigoureuse, doit être salué pour avoir recentré les ressources publiques sur des traitements validés.Cependant, l’utilisation de termes comme « charlatanisme » dans la tribune a provoqué une vive réaction des médecins homéopathes. Environ 60 plaintes ont été déposées auprès de l’Ordre des médecins pour « non-confraternité », arguant que ces propos violaient l’article 56 du Code de déontologie médicale, qui impose des « rapports de bonne confraternité » [3]. Ces plaintes ont donné lieu à des sanctions ordinales, confirmées en appel en 2024 et 2025, soulignant l’importance du respect déontologique, même dans un débat scientifique légitime.
Les sanctions ordinales : une réponse déontologique justifiée
Les sanctions prononcées par l’Ordre des médecins reposent sur une base légale solide. En 2020, la chambre disciplinaire de première instance (CDPI) d’Île-de-France a sanctionné 10 médecins, prononçant 9 blâmes et une suspension d’exercice de trois mois avec sursis. En appel, la chambre disciplinaire nationale a confirmé des avertissements pour plusieurs praticiens, dont un généraliste breton en février 2024 et deux généralistes bordelais à l’été 2025. Ces décisions s’appuient sur l’article 56 du Code de déontologie médicale, qui interdit aux médecins des propos susceptibles de discréditer leurs confrères ou la profession [3].Les ordonnances reprochent aux signataires un ton jugé excessif, notamment l’emploi du terme « charlatans » pour qualifier les homéopathes, perçu comme diffamatoire.
Bien que le débat sur l’efficacité de l’homéopathie soit reconnu comme légitime, l’Ordre a estimé que ces propos contrevenaient à l’éthique professionnelle en attaquant directement l’honneur des confrères. Ces sanctions, bien que légères (avertissements et blâmes), visent à rappeler que la critique publique d’une pratique médicale, même controversée, doit respecter les normes déontologiques.
Certains signataires, comme le président du collectif de médecins NoFakeMed, ont dénoncé ces sanctions comme une atteinte à la liberté d’expression, arguant qu’elles protègent une pratique non validée scientifiquement . Cette critique, illustrée récemment par un thread de NoFakeMed sur X (ex Twitter) daté du 7 septembre 2025, appelle à des recours juridiques et dénonce une « omerta » imposée par la confraternité. Cependant, cette position méconnaît le rôle de l’Ordre, qui ne juge pas le fond du débat, mais la forme des propos. En sanctionnant les signataires, l’Ordre protège l’unité de la profession et la confiance du public dans la médecine, tout en respectant le cadre légal dans lequel l’homéopathie s’inscrit.
Homéopathie : sans fondement scientifique mais cadre légal et académique reconnu
L’homéopathie, bien que critiquée à raison pour son absence de preuves scientifiques d’efficacité au-delà de l’effet placebo, bénéficie d’un statut légal et institutionnel en France. Le Code de la santé publique encadre la production, la prescription et la distribution des médicaments homéopathiques, qui doivent être enregistrés auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et répondre à des normes strictes de qualité et de sécurité. Ces médicaments, bien que dispensés de prouver leur efficacité thérapeutique, sont soumis à un contrôle rigoureux, garantissant leur innocuité. Bien évidemment, cela ne compense pas leur absence d’efficacité démontrée.
Sur le plan académique, l’homéopathie est enseignée dans plusieurs facultés de médecine, comme à Lille, Bordeaux ou Paris, via des diplômes interuniversitaires (DIU) ouverts aux médecins et pharmaciens.
Environ 5 000 médecins se déclarent homéopathes, et l’Ordre autorise la mention « homéopathie » sur leurs plaques professionnelles, bien que ce ne soit pas une spécialité reconnue. Ces formations visent à encadrer une pratique souvent utilisée en complément de la médecine conventionnelle, pour des pathologies bénignes ou dans une approche dite « holistique ».
Environ 77 % des Français ont utilisé des remèdes homéopathiques au moins une fois, et 58 % plusieurs fois, selon un sondage Odoxa de 2019.
Ce cadre légal et académique et l’utilisation des produits homéopathiques montre que l’homéopathie est intégrée dans le système de santé français.
Ainsi, critiquer les praticiens sans tenir compte de son statut légal, académique et de pratique usuelle revient à se tromper de cible. Si l’objectif est de limiter sa place, c’est bien au niveau législatif, via une réforme du Code de la santé publique, que le combat doit être mené, et non par des attaques contre des confrères exerçant dans un cadre légal.
Parallèle avec les pharmaciens : un autre faux combat similaire
Un parallèle peut être établi avec les critiques visant les pharmaciens qui vendent des médicaments homéopathiques. Comme les médecins homéopathes, les pharmaciens opèrent dans un cadre légal strict. Les médicaments homéopathiques sont reconnus comme tels par le Code de la santé publique et leur distribution est réglementée par l’ANSM. Les facultés de pharmacie incluent des enseignements sur l’homéopathie, formant les pharmaciens à conseiller les patients sur leur utilisation, souvent en complément d’autres traitements. Environ 90 % des pharmacies françaises proposent des produits homéopathiques, répondant à une demande significative des patients.
Pourtant, certains militants, souvent actifs sur les réseaux sociaux, dénoncent les pharmaciens comme complices d’une pratique « non scientifique ». Ces critiques ignorent que les pharmaciens respectent leur obligation légale de proposer des médicaments autorisés. Accuser les pharmaciens revient à se tromper de cible, tout comme les attaques contre les médecins homéopathes. Si l’objectif est de remettre en cause l’homéopathie, et c’est un combat justifié, c’est là encore le cadre légal et les programmes académiques qu’il faut réformer, et non les professionnels qui s’y conforment.
Se tromper de cible : une erreur stratégique
La tribune de 2018 a atteint son objectif principal : le déremboursement de l’homéopathie. Cependant, les débats postérieurs, alimentés par certaines analyses médiatiques et des prises de position comme celle de NoFakeMed dans son thread du 7 septembre 2025, se sont égarés en critiquant les sanctions ordinales au lieu de s’attaquer au cadre légal. Ce thread, en dénonçant une « omerta » et en appelant à des recours juridiques, illustre une dérive militante qui persiste à cibler les homéopathes et l’Ordre plutôt que de proposer une réforme législative. Reconnaissons à ces militants de réseaux sociaux qu’il est bien plus facile de jeter la pierre en toute indignation sur les praticiens de l’homéopathie que d’agir loin des projecteurs pour aider à faire avancer les réformes législatives nécessaires.
Faux combats : générateurs d' »idiots utiles » pour les cibles ?
En se concentrant sur les sanctions comme une injustice, ces analyses et prises de position ignorent que l’Ordre ne défend pas l’homéopathie, mais l’éthique professionnelle.
Les signataires, en utilisant un langage provocateur, ont donné aux homéopathes un levier pour se poser en victimes, transformant un débat scientifique en conflit déontologique.
De la même manière, les critiques contre les pharmaciens sur les réseaux sociaux, souvent portées par des militants, polarisent inutilement la discussion. Ces faux combats nuisent à une réflexion constructive sur la régulation de l’homéopathie, donnent des arguments de défense aux cibles. On peut craindre qu’ils entretiennent la confusion du public et peut-être bien la défiance en la science. Encore et toujours, la fin, aussi honorable et nécessaire soit-elle, ne justifie pas les moyens.
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