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Adoption en 1ère lecture de la proposition de loi de la députée Stéphanie Rist qui valorise les paramédicaux… et hérisse les médecins

Le texte de la députée Renaissance, est passé comme une lettre à la poste les 18 et 19 janvier à l’Assemblée nationale, à l’unanimité. Il donne un accès direct à des soins et à des prescriptions médicales auprès de certains paramédicaux (infirmiers, kinésithérapeutes, orthophonistes…), et signe résolument la fin d’un monopole de prise en charge primaire et de prescription par les médecins

Le projet de loi de Stéphanie Rist vise à améliorer l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, avec des parcours de soins pour les patients moins rigides et mieux coordonnés autour du patient, décloisonnant les professions. Ce projet porté par la députée-médecin avec le groupe Renaissance a débuté dans l’hémicycle hier en soirée pour se terminer ce jour en milieu de journée.
Les objectifs : libérer du temps médical dans une conjoncture de pénurie de médecins et déserts médicaux garanti pour la prochaine décennie (étant donné la durée des études médicales), accorder de la reconnaissance et de l’attractivité aux professionnels de santé, le tout dans l’intérêt des patients.

En pratique, il est question d’autoriser certains auxiliaires de santé, dans certaines conditions bien encadrées, à accueillir directement des patients en consultation (sans passer par la case médecin), et/ou à prescrire directement des soins ou médicaments. Pour les médecins, c’est une attaque directe de leur « art médical » selon les termes de certains d’entre eux qui s’opposent à cette loi. Au-delà de ce sentiment qu’ils doivent rester la seule voie d’accès aux soins sur la base de leur compétence, un autre argument est qu’ils ne demandent pas qu’on leur libère du « temps médical », mais du « temps administratif ». Oui, mais au-delà de cette vision auto-centrée que certains trouveront corporatiste, ce ne peut par définition être suffisant vu la pénurie de médecins diplômés qui va s’accentuer puis durer.

Le 16 janvier, l’Ordre national des infirmiers a publié un communiqué de presse commun avec l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes et des syndicats pour soutenir le projet de loi.

Il rappelle que « 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant, dont plus de 600.000 patients atteints d’une ALD (affection de longue durée) », et considérait que « des solutions peuvent contribuer à soulager un système de santé en tension, en faisant appel à des professionnels formés et responsables qui s’engageront à travailler en coopération étroite avec les médecins, au bénéfice de leurs patients. Les soins de premier recours sont garantis par un ensemble de professionnels, par un ensemble d’instruments diagnostiques et thérapeutiques permettant la prise en charge des patients. Ils doivent être pensés comme un système global allant au-delà de la question du médecin traitant. « 

Passons en revue les articles du projet de loi adoptés entre hier et aujourd’hui.

Article 1er : Revaloriser la profession d’infirmier de pratique avancée (IPA)

Le statut d’IPA est défini dans un loi de 2016 (loi « Touraine ») avec décret d’application en 2018,. Il s’agissait déjà de réduire la charge de travail des médecins en renforçant la formation des infirmiers concernés qui en contrepartie, se voient élargir leurs compétences et prérogatives en termes d’actes bien encadrés.

Il est déjà tard en ce 18 janvier soir à l’Assemblée nationale, quand Stéphanie Rist, rapporteuse de la Commission des affaires sociales publie sur Twitter :

« Non, les infirmiers en pratique avancée ne sont pas des « troufions ». Ils s’agit de professionnels diplômés d’un BAC+5, dont 2 années universitaires et ayant une expérience de terrain. Je tiens à dénoncer avec grande fermeté les propos qui ont pu être tenus concernant la profession IPA (infirmier de pratique avancée)! »

Stéphanie Rist le 18 janvier au soir à l’Assemblée nationale

Cela donne l’ambiance.

Cependant, vers minuit, l’article 1 passe en première lecture (62 voix contre 3) : ouverture de l’accès direct (sans consultation médicale préalable) et la primo-prescription aux IPA dans le cadre d’un exercice coordonné. Les actes seront adressés au médecin, et ainsi, l’exercice de ces professionnels ne se fera pas de façon isolée.

C’est sur l’adoption de ce premier article que s’est terminée la soirée d’hier à l’Assemblée nationale.

Ce matin la séance a repris à l’Assemblée nationale, les votes se sont enchaînés pour les articles suivants du projet de loi « Rist » :

Article 2 : Ouvrir un accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes exerçant dans une structure de soins coordonnés

L’accès direct est voté pour la prise en charge directe de la rééducation des patients pour 5 séances, et l’orientation vers le médecin si besoin. À noter que l’accès des patients atteints d’ALD sera prioritaire.

Article 3 : Ouvrir un accès direct aux orthophonistes exerçant dans une structure de soins coordonnés

Voté également toujours dans un parcours de soins coordonné, non isolé.

Article 4 : Créer une profession d’assistant dentaire de niveau II

C’est un nouveau métier qui vient en appui du chirurgien-dentiste et à vocation de faire plus de prévention. Mme Rist a indiqué que cette mesure était attendue par la profession depuis 10 ans.

Élargissement des compétences des pédicures-podologues

En prescription d’orthèses plantaires (semelles orthopédiques), gradation de risque pied diabétique, prescription de séances de soins de prévention. Des « mesures de bon sens », commente Stéphanie Rist.

Allongement de la durée de renouvellement des ordonnances par le pharmacien

Jusqu’ici limitée à un mois et dans le cadre de traitement chroniques, le pharmacien pourra désormais renouveler les ordonnances concernées pour 3 mois.

L’assistant de régulation médical (ARM) reconnu comme professionnel de santé

Les Assistants de régulation médicale (ARM) ont été reconnus comme professionnels de santé du fait de leurs compétences et de leur participation renforcée dans l’organisation du système de soins. Ils interviennent comme premier contact avec le public dans le cadre d’appels de secours pré-hospitaliers. En pratique, ce sont eux qui décrochent quand on appelle les secours ( numéros de téléphone 15 (SAMU), 112).

Abstention du vote global des socialistes et communistes

Cette abstention, justifiée par un projet considéré comme par assez ambitieux pour lutter contre les déserts médicaux, explique un nombre de votants réduits.

Voilà donc une nouvelle ère qui s’ouvre, où le médecin n’est plus le passage obligé en toute circonstances pour le patient et où il va falloir considérer ce dernier comme le centre de gravité. Le médecin est alors un des professionnels réunis autour du patient, dans le cadre d’une prise en charge coordonnée.
En d’autres termes : de la médecine moderne, avec un travail pluridisciplinaire. De la médecine moderne collaborative comme l’exprimait récemment le compte Twitter de Citizen4Science, qui s’oppose à la médecine « vieux jeu », que certains revendiquent, nostalgiques.

Prochaine étape pour le projet de loi Rist, qui bénéfice d’une procédure accélérée : son examen au Sénat le 14 février prochain.

Image d’en-tête : dessin de presse de LeBecq pour Science infuse – Tous droits réservés

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