‘Bouvard et Pécuchet’ au théâtre Poche Montparnasse
Tandis que l’un, Bouvard, est aussi longiligne que chauve, l’autre, Pécuchet est trapu est court sur pattes, mais tous les deux portent le col amidonné et la lavallière de soie stupide, ainsi qu’une paire de guêtres plus affligeantes qu’élégantes. Ils se sont rencontrés par hasard, au bout du boulevard Bourdon, à Paris, et se sont reconnus sans se connaître tant ils étaient, à l’évidence, fait de la même pâte humaine d’aimable niaiserie. Ils sont employés aux écritures, copistes, médiocres reproducteurs des vomissures maniaques d’un univers sans goût ni grâce.
Comme Bouvard hérite, d’une vieil oncle lointain, une coquette somme d’argent, les nouveaux amis vont cesser de travailler, quitter Paris et acquérir une ferme dans la Normandie profonde. Après avoir, sans grand succès, tâté de l’agriculture, ils vont s’enfermer pour lire à peu près tout ce qui constitue le savoir fondamental du bourgeois moyen du XIXe siècle. Mais leur incurable bêtise est si ancrée en eux qu’ils vont, à chaque lecture, déformer, détourner, malmener tout ce que leur cerveau aura ingurgité. Ils deviennent des puits de fausse science, des chantres de la connaissance superficielle, des héros du savoir fastidieux et inutile.
Ainsi Flaubert avait-il conçu un roman aussi monstrueux que tortueux sur les pérégrinations absurdes de deux imbéciles notoires, représentatifs, dans l’esprit du vieil ermite anarchiste de Croisset, de ce que la société contemporaine pouvait produire de pire, la lie de la pensée, l’excrément de la psyché humaine. Eût-il vécu de nos jours, Flaubert aurait inscrit son Bouvard sur X et Instagram, il aurait fait de son Pécuchet un notoire complotiste, et il aurait présenté ces deux-là comme des admirateurs patentés de Donald Trump.
Ainsi Flaubert avait-il conçu un roman aussi monstrueux que tortueux sur les pérégrinations absurdes de deux imbéciles notoires, représentatifs, dans l’esprit du vieil ermite anarchiste de Croisset, de ce que la société contemporaine pouvait produire de pire, la lie de la pensée, l’excrément de la psyché humaine. Eût-il vécu de nos jours, Flaubert aurait inscrit son Bouvard sur X et Instagram, il aurait fait de son Pécuchet un notoire complotiste, et il aurait présenté ces deux-là comme des admirateurs patentés de Donald Trump.
C’est à la tout fin de sa vie que Flaubert s’attelle à cette tâche épuisante qui consiste à raconter l’histoire de la bêtise humaine. Mais, si cette dernière, la bêtise humaine est inépuisable, en revanche les forces de Flaubert, elles, l’étaient, épuisables. Et Bouvard et Pécuchet dévorèrent leur auteur, phagocytèrent son énergie, cancérisèrent sa foi, et Flaubert, le grand Flaubert, laissa son œuvre à jamais inachevée sur les premières notes du dictionnaire rédigé par les deux crétins : « le dictionnaire des idées reçues »…
Dans cette adaptation théâtrale drôlatique, les deux protagonistes, magnifiquement campés par Marc Chouppart et Jean-Paul Farré, sont d’emblée (par le biais déjà des inserts vidéo-projetés) du côté du burlesque cinématographique : ils sont, sous nos yeux, Laurel et Hardy, Chaplin et Buster Keaton, deux des Marx brothers. Ils sont aussi personnages de comics ou clochards célestes façon Samuel Beckett : Jerry et Mitsou autant que Vladimir et Estragon. « Bouvard et Pécuchet’, sur la scène du Poche Montparnasse, est, sans conteste, une bien belle adaptation, mise en scène par Géraud Bénéch, de l’un des textes les plus engagés, les plus fous, les plus mordants de l’auteur de Madame Bovary.
À partir du 11 novembre 2025
Mardis, mercredis et jeudis à 19h
‘BOUVARD et PECUCHET’ de Gustave FLAUBERT
Mise en scène Géraud BÉNECH
Adaptation Marc CHOUPPART et Géraud BÉNECH
Avec Jean-Paul FARRÉ et Marc CHOUPPART
Théâtre Poche Montparnasse, 75 boulevard du Montparnasse- 75006 Paris
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