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Chronique estivale irlandaise (7/9) : MoLI, musée de la littérature irlandaise

Les Irlandais ne sont pas qu’un peuple de pêcheurs roux et d’impénitents buveurs de Guinness, loin s’en faut, il sont également un peuple d’écrivains et de lecteurs. Il suffit pour s’en convaincre d’évoquer les quatre prix Nobels de littérature qui font la fierté des cinq millions d’Irlandais. Les Croates, eux, sont un million de plus et ils enfantent des footballeurs ; les Irlandais ont enfanté James Joyce.

De prime abord,  le cadre déjà du MOLI est enchanteur. Passé le seuil de la demeure paisibles aux allures de bourgeoise repue, on pénètre dans un domaine magique : le lieu est vaste, moderne, fonctionnel et confortable. Tout y a été conçu pour le plaisir des mots : ici, on lit, on dit, on récite, on clame, on manifeste l’amour du verbe et de la langue.

Une première salle, un peu généraliste, dresse le panorama du nombre impressionnant de scripteurs d’origine irlandaise : Georges Bernard Shaw, Samuel Beckett, James Joyce, Bram Stocker, Oscar Wilde, Seamus Heaney, Jonathan Swift, Colum Mc Cann, Conor Mc Pherson et bien d’autres encore. On est ensuite introduit dans l’univers si particulier de celui qui est devenu la gloire nationale, James Joyce : l’un des plus grands romanciers, conteurs, inventeurs de langage, explorateurs d’idées du XXème siècle, voire le plus grand. Ce n’était pourtant pas gagné pour ce natif de Dublin, peu à l’aise avec ses origines et très vite exilé, à Paris d’abord, puis en Italie, pour causes de guerres, de troubles et de misère. Nul ne voulait publier son Dubliners et, par la suite, son Ulysse conservera longtemps une réputation sulfureuse d’escroquerie de la pensée. Sur un grand écran est projeté un documentaire à partir d’extraits de Joyce lus par des comédiens : même sans exceller dans la compréhension de la langue anglaise, on ne peut que se sentir happé par ce flux de poésie directement ouvert sur la nature, les êtres, la création, la vérité…

Les deux étages supérieurs tentent d’expliquer comment et pourquoi un si petit pays a pu produire une si grande littérature nationale. Les huit millions d’habitant que comptait l’Irlande au début du XIXème siècle furent décimés par les grandes famines de 1845-1851, par l’émigration aux Etats-Unis (40 millions d’américains actuels sont d’origine irlandaise), par l’occupation esclavagiste des Anglais et par la rudesse des luttes menées pour conquérir l’indépendance. Il fallait aux Irlandais créer / recréer un vif sentiment national, muer la misère en fierté : c’est à travers la poésie, le chant, l’art, la littérature, dans la grande tradition celtique, qu’ils y sont parvenus.

Pour finir, deux salles sont consacrées à une réelle interaction avec le visiteur : ici, pas de gadget technologique, pas de réalité virtuelle assistée par ordinateur, pas de casque clownesque, mais des mots, des phrases, des vers, de quoi lire et de quoi écrire. Dans l’une des salles, sur quatre pupitres en bois, sont proposés quatre petits ouvrages aux feuillets détachables et, sur les feuillets, des extraits d’œuvres irlandaises célèbres, allant de la comptine populaire à l’écriture la plus contemporaine et la plus pointue. Tandis que des voix enregistrées disent les textes en question, le visiteur est convié à choisir le texte (ou les textes) qui lui plait (plaisent) et   à  en détacher le feuillet pour se l’approprier.

Dans l’autre salle, on propose au visiteur des débuts de romans irlandais, comme autant d’incipit ouverts sur les possibles, et, sur des carnets mis à disposition, on lui suggère de composer, à son tour, son propre incipit de roman.

L’art semble ainsi offert à tous dans ce pays, l’Irlande, où, de fait, on voit fréquemment des gens occupés à lire : dans le tramway, dans la rue, sur les bancs, dans les parcs, dans les pubs… La culture n’est jamais une affaire de hasard, ni en Irlande ni ailleurs.

Image d’en-tête : manuscrit Ulysses, moLI Dublin

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