Cinéma : ‘L’âme idéale’ : quand le surnaturel murmure l’humain, en toute délicatesse
Alice Vial réinvente de façon pudique et lumineuse le film de fantômes. La résilience de l’héroïne fait vibrer bien au-delà du surnaturel avec humour, dérision et émotion finement dosés
Synopsis : « Elsa, 40 ans, célibataire, a renoncé aux histoires d’amour. Un don un peu spécial la garde à distance des autres : elle peut voir et parler aux morts. Pourtant un soir elle rencontre Oscar, un homme drôle et charmant, qui lui fait espérer à nouveau que tout est possible. Mais au moment où elle commence enfin à tomber amoureuse, Elsa réalise que leur histoire n’est pas aussi réelle que ce qu’elle pensait… »
Il faut parfois peu de choses pour ranimer un genre que l’on croyait balisé jusqu’à l’épuisement : une idée claire, une confiance absolue dans ses acteurs, et surtout le courage de la retenue. L’âme idéale appartient à cette catégorie rare de films qui n’élèvent jamais la voix mais dont l’écho persiste longtemps après la projection, comme un murmure intérieur. Annoncé comme une histoire de fantômes, le film prend d’emblée le contrepied des attentes : ni mélodrame lacrymal à laGhost, ni thriller horrifique à la Sixième Sensr, il s’installe dans un entre-deux délicat, presque fragile, où le surnaturel n’est qu’un prétexte pour parler des vivants, de leurs manques, de leurs maladresses et de ce qu’ils tentent, tant bien que mal, de réparer. Ce qui frappe d’abord, c’est la pudeur du regard posé sur ses personnages et sur la situation elle-même : rien n’est surligné, aucune émotion n’est forcée, et c’est précisément cette discrétion qui rend le film profondément attachant. La première scène, d’une intensité remarquable, donne le ton avec une justesse qui désarme ; chargée d’émotion, elle constitue d’emblée un sommet du film, celui où tout se noue avec une évidence presque douloureuse. La suite se fait plus douce, moins frontale, certains diront moins forte en comparaison, mais jamais elle ne retombe, préférant une progression en nuances à l’escalade dramatique. Le pari est audacieux : maintenir l’attention et l’émotion sans effets spectaculaires, sans coups de théâtre appuyés, uniquement par le jeu, l’écriture et l’atmosphère, les gros plans. Et le pari est tenu. L’humour, souvent teinté de dérision, surgit là où on ne l’attend pas, non pour désamorcer l’émotion mais pour l’accompagner, la rendre plus humaine, plus respirable. On sourit, parfois on rit, puis l’instant d’après une phrase, un regard, une absence suffisent à serrer la gorge. Ce dosage délicat entre légèreté et gravité est l’une des grandes réussites du film. Les acteurs y sont pour beaucoup, tous remarquables, habités, d’une sincérité qui ne triche jamais. L’actrice principale, québécoise, irradie littéralement l’écran ; il y a chez elle une chaleur, une douceur naturelle, une manière d’accueillir l’émotion sans l’exhiber, qui réchauffe le cœur et ancre le film dans une humanité très concrète. Jonathan Cohen, que l’on connaît surtout pour sa drôlerie, conserve ce sens du timing et de l’ironie dans un registre plus dramatique, prouvant que l’humour peut être une arme précieuse face à la douleur, et que le passage d’un ton à l’autre, lorsqu’il est maîtrisé, enrichit le personnage au lieu de le diluer. Le choix assumé de se passer d’effets spéciaux renforce encore cette impression de sincérité : ici, rien ne vient distraire de l’essentiel, la mise en scène privilégie les corps, les visages, l’environnement urbain (Le Havre) ou maritime. Enfin, il faut saluer le thème musical, véritable colonne vertébrale émotionnelle du film, à la fois lyrique et électronique, capable d’élever les images sans jamais les écraser. Aux commandes, ou plus précisément aux claviers : Olivier Marguerit, membre de l’excellent, mais bien trop rare groupe Syd Matters. L’âme idéale ne cherche pas à révolutionner le cinéma par la surenchère, mais par la justesse, et c’est sans doute pour cela qu’il touche si profondément : parce qu’il nous parle d’âmes sans bruit, et qu’il le fait avec une délicatesse rare.

‘L’âme idéale’d’Alice Vial’ avec Magalie Lépine-Blondeau, Jonathan Cohen, Florence Janas, Anne Benoît, Jean-Christophe Folly
durée 1h38
Sortie 17 décembre 2025
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