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Cinéma : ‘Les tourmentés’ : une chasse à l’âme envoûtante dans l’abîme humain

Lucas Belvaux adapte avec succès son roman éponyme qui transforme une chasse à l’homme en une plongée envoûtante dans les abîmes de la psyché. La mise en scène hypnotique et un casting de choix nous offrent un thriller psychologique singulier et audacieux.

Synopsis : « Ça vaut quoi la vie d’un homme ? D’un homme comme lui. Un homme sans rien. Skender, ancien légionnaire, le découvrira bien assez tôt. « Madame », veuve fortunée et passionnée de chasse, s’ennuie. Elle charge alors son majordome de lui trouver un candidat pour une chasse à l’homme, moyennant un très juteux salaire. Skender est le gibier idéal. Mais rien ne se passera comme prévu… »

Dès les premières minutes du film, Lucas Belvaux installe une atmosphère lourde, presque suffocante, où chaque image semble vibrer d’une tension contenue. Adapté de son propre roman publié en 2022, « ce film franco-belge, sorti en septembre 2025, ‘Les tourmentés’ n’est pas un simple thriller : c’est une exploration fiévreuse des blessures intimes et des désirs inavoués. Belvaux, cinéaste à la sensibilité aiguë, connu pour son approche à la fois brute et introspective, signe ici une œuvre qui transcende les codes du genre. Loin de se limiter à l’idée d’une traque physique, le film scrute les âmes de chacun de ses personnages, révélant leurs failles avec une précision qui vous agrippe et ne vous lâche plus. On est frappé par sa capacité à mêler une tension palpable à une réflexion profonde sur ce qui nous pousse à survivre, à nous détruire, ou à chercher une rédemption improbable. Le récit suit Skender (Niels Schneider), un ancien légionnaire devenu SDF, ravagé par le syndrome post-traumatique et les fantômes de son passé. Contacté par Max (Ramy Bedia), son ancien sergent devenu majordome, il se voit proposer un marché aussi lucratif que terrifiant : devenir le gibier d’une chasse à l’homme orchestrée par « Madame », une veuve fortunée en quête de sensations extrêmes. En échange d’une somme conséquente, Skender accepte, espérant reconquérir son ex-femme Manon et renouer avec ses enfants. Mais ce qui semble annoncer un film du genre « survival » brutal dérape rapidement vers une méditation sur la valeur d’une vie, sur les chaînes du passé et sur les choix qui nous définissent. Lucas Belvaux détourne les attentes, transformant la chasse en une métaphore des luttes intérieures, où chaque personnage devient à la fois chasseur et proie. La mise en scène est sobre et intense à la fois, reposant sur des plans longs qui capturent l’angoisse dans les silences, les regards fuyants, les gestes avortés. La forêt, théâtre de la traque, est filmée comme un espace mental, un labyrinthe où se perdent les certitudes. La photographie de Guillaume Deffontaines, avec ses teintes froides et ses jeux d’ombres, confère au film une beauté austère, presque hypnotique. Chaque cadre semble pensé pour refléter l’état d’esprit des personnages, de l’aridité des paysages à la claustrophobie des intérieurs. Niels Schneider donne une interprétation d’une intensité brute qui le rend habité d’une humanité déchirante. Son visage, marqué par la douleur et la résignation, devient le miroir des tourments. Ramzy Bedia, dans un registre dramatique inattendu, surprend en Max, un homme tiraillé entre loyauté et remords, dont la présence impose une gravité subtile. Linh-Dan Pham, en « Madame », incarne une froideur énigmatique, mais laisse percer, par instants, une vulnérabilité qui rend son personnage insaisissable et fascinant. Déborah François, en Manon, apporte une douceur poignante, ancrant le film dans une réalité émotionnelle et subtile qui évite tout manichéisme,. Le scénario offre du suspens. Les flashbacks, distillés avec parcimonie, éclairent les motivations des personnages sans jamais tomber dans l’exposition lourde, et peuvent même instiller le doute dans l’esprit du spectateur. On pourrait reprocher au film un rythme volontairement lent dans sa première moitié, qui demande une certaine patience. Mais cette lenteur est une force : elle permet à la tension de s’installer, de croître, jusqu’à une dernière demi-heure d’une intensité viscérale, où chaque rebondissement semble inéluctable et pourtant inattendu. Les tourmentés n’est pas un film qui se donne facilement. Il exige du spectateur qu’il accepte son rythme, ses silences, ses ambiguïtés. Mais pour ceux qui se laissent immerger, il offre une expérience rare, où la violence de la chasse n’est qu’un prétexte pour explorer ce qui nous rend humains : nos regrets, nos combats, notre besoin de sens.

‘Les tourmentés de Lucas Belveaux, avec Niels Schneider, Ramzy Bedia, LinhèDan Pham, Déborah François- durée 1h53
Sortie 17 septembre 2025

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