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Cinéma : « Soudains seuls », ou toujours seuls ?

On a vu le film de qui réunit Mélanie Thierry et Gilles Lellouche, dans l’éternel remake de la lutte pour la survie sur une île déserte. Un défi aux résultats mitigés

Il est important de préciser d’emblée que ce film est l’adaptation d’un roman éponyme : ‘Soudain, seuls’ de la navigatrice Isabelle Autissier. On ne recherchera donc pas une réflexion pure du réalisateur sur la façon de créer une histoire de toute pièce qui pourrait revisiter complètement le mythe littéraire et cinématographique des aventures de Robinson Crusoé.

L’intrigue : un couple dans la force de l’âge et marié depuis quelques années naviguent en solitaire sur un voilier pour un tour du monde. Dans l’hémisphère sud, du côté de l’Antarctique ils décident de faire une virée sur une île qu’ils partent explorer à pied. En fin de journée, la tempête arrive et stupeur : leur bateau stationnant un peu au large alors qu’ils ont emprunté l’annexe (bateau gonflable à moteur) pour gagner l’île, a disparu. Seuls sur l’île hostile et isolée, comment vont-ils s’en sortir ?

Les histoires de « survival », c’est un classique de la littérature et du cinéma, en particulier en mer et sur une île déserte. Nos références immédiates de cinquantenaires bien sonnés : Les romans Robinson Crusoé de William Dafoe (publié en 1719 !) et L’île mystérieuse de Jules Verne, y compris son adaptation télévisée des années en 1973 avec Omar Sharif et Philippe Nicaud (musique de générique L’île bleue, inoubliable), magnifique mini-série (« feuilleton » pour parler le langage de l’époque). Mais aussi, plus proche, Seul au monde de Robert Zemeckis avec le magistral Tom Hanks.

Renouveler le genre avec un cadre insolite et une histoire de couple

Là est la question. Comment se renouveler sur ces thèmes sans tomber dans le déjà vu ? Cette question, on se la pose d’emblée quand le film commence. Le couple est alors à bord de son voilier. Cela ne va vraiment pas durer longtemps vu qu’ils mettent le cap d’emblée sur l’île déserte, et on y sera au bout de quelques minutes. Ceux qui espèrent voir des scènes de nautisme s’abstiendront ; allez plutôt voir Flo.

Le renouvellement du genre, on peut le voir de par deux aspects au moins : tout d’abord le cadre. Ici, on n’a pas le cliché de l’île déserte plus ou moins tropicale, oscillant entre végétation luxuriante pleine de surprises et d’animaux en tous genres, et rivages de rêves dans des eaux limpides et autres lagons qui nous permettront de voir le héros s’initier à la pêche en toute transparence. Pas non plus de tribus cachées qui surgiront hostiles, pour mettre de l’animation. L’île déserte est censée se situer en Antarctique, en fait le tournage a eu lieu en Islande. On n’est pas étonné : terres volcaniques aux pierres sombres dépourvue de toute végétation, montagnes enneigées, le tout bordé d’icebergs aux formes fantasmagoriques. Concernant la faune : on ne verra qu’une colonie de manchots (qui s’avèrera vitale) et des vols d’oiseaux marins.

ici nul héros solitaire ou groupe, au profit d’un couple. Il va être mis à l’épreuve de l’adversité, révéler ses fragilités.

Histoire du casting et performances des acteurs

Pour l’histoire, le projet de Thomas Bidegain avait une ambition véritablement internationale : le titre devait être ‘Suddenly’ et la paire de héros un couple anglophone américano-britannique avec Jake Gyllenhaal (Le secret de Brokeback Mountain, Zodiac) et Vanessa Kirby (Mission Impossible, Fast and Furious, et l’excellent Pieces of a Woman, les deux derniers sont visibles sur Netflix).Mais apparemment cela s’est mal passé entre Jake Gyllenhaal et le réalisateur, d’où changement de cap (sic) avec un couple franco-français. Pour la petite histoire, il paraît que l’acteur américain lorgne sur les droits d’auteurs. Mélo US en vue ?

C’est la première fois que Gilles Lellouche et Mélanie Thierry sont réunis à l’écran. Lui, impossible de ne pas le connaître, il est omniprésent, à l’affiche de nombreux films dont les plus populaires. Certainement excellent acteur, mais quand même assez monolithique dans ses prestations, dans le sens pas vraiment caméléon ou rôles de composition. Soudain seuls ne dépareille pas. c’est du Lellouche, donc du bon Lellouche. Mais sans surprise. Et finalement, cela sert surtout sa partenaire à l’écran. Mais attention, cette appréciation ne vise surtout pas à minimiser la performance de Mélanie Thierry, qui n’a besoin de personne pour nous proposer une interprétation impressionnante de justesse et d’émotions. Oui, Mélanie Thierry est impressionnante dans la palette large qu’impose son rôle. C’est elle l’héroïne, contre toute attente dans les circonstances face à un Lellouche physiquement massif dont on aurait pensé que le moteur, dans les circonstances ce serait lui. Elle nous fait vivre.

Faire survivre le couple dans l’épreuve de survie

Le couple passe par la surprise, la peur, l’espoir, la rancune, le désespoir. Les actes désespéré, l’ingéniosité aussi, pour survivre. Le drame qui touche le couple mettra à mal le couple, ou tout du moins le questionnera. Les moments de soutien mutuel, de liens affectifs et physiques alternent avec des scènes de ménage. Dans ces moments-là, on peut se demander si leur relation va résister à l’épreuve révélatrice de fragilités. L’épreuve les soude, aussi. Le couple aurait-il survécu sans l’épreuve ? Beaucoup de questionnements finalement, sur des relations humaines, leur origine, leurs ressorts. Qu’est-ce qui entretient la flamme, finalement ? Par moments, l’île déserte semble plus un prétexte, d’autant qu’à part la pêche aux moules peu impressionnante et le matraquage violent et mortel de quelques malheureux spécimens de manchots inoffensifs au sein d’une colonie que l’île n’abritera que de façon éphémère (conséquence de l’attaque subie ?), on reste un peu sur notre faim quand aux moyens de survie de notre couple échoué. En même temps, l’île est particulièrement austère faite de roches et de glace.

Quelques longueurs puis une dernière partie forte portée par Mélanie Thierry

Si l’arrivée sur l’île et la perte du bateau est bien soudaine et quasi immédiate dans le film, il y a quelques longueurs dans la première partie. Il y a un point de basculement quand la femme décide de partir à l’aventure sur l’île, seul espoir de s’en sortir. L’épreuve est physique, pour lui blessé, et pour elle qui affronte le froid et la neige pour les sauver. Les scènes sont fortes : la fatigue, la peur, à la limite de l’abandon du combat tant physiquement que psychologiquement, dans un décor somptueusement glacial (tourné en Islande). La façon dont elle en réchappera, sa vie quelques jours seules, pour récupérer, son voyage de retour pour sauver son mari, sont très réalistes et on partage réellement les émotions de l’héroïne.

« Soudain seuls », un film de Thomas Bidegain avec Mélanie Thierry et Gilles Lellouche – Durée : 1h50
Sortie : 6 décembre 2023

Couverture du livre dont le film est l’adaptation

« Le temps d’aimer », un film de Katell Quillevéré avec Anaïs Demoustier, Vincent Lacoste, Morgan Bailey, Paul Beaurepaire – Durée : 2h05

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