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Cinéma : ‘Vie privée’ : Jodie Foster nous entraîne du divan au dédale mental

Thriller psychologique ou comédie noire ? Zlotowski réussit les deux, et peut-être même plus. Un film multi-facettes et plein de contrastes qui peut déranger mais aussi captiver

Synopsis : « La femme la plus riche du monde : sa beauté, son intelligence, son pouvoir. Un écrivain photographe : son ambition, son insolence, sa folie. Le coup de foudre qui les emporte. Une héritière méfiante qui se bat pour être aimée. Un majordome aux aguets qui en sait plus qu’il ne dit. Des secrets de famille. Des donations astronomiques. Une guerre où tous les coups sont permis. »

Dès les premières mesures, c’est une petite claque avec une musique pop saturée et entêtante de Robin Coudert qui explose sur des images austères, plans intérieurs d’immeuble haussmanien feutré dans la pénombre. Le pacte est scellé : les genres se croisent et se mélangent, et c’est exactement ce que le film veut.Rebecca Zlotowski nous livre un film labyrinthique à la réalisation classique mais troublant. Sous couvert d’enquête policière amateur, elle orchestre un thriller intérieur, une lente dérive de la raison où la vérité psychologique finit toujours par l’emporter sur la vérité factuelle. Lilian Steiner est une psychiatre américaine qui vit à Paris de longue date et s’adonne à la psychanalyste dans son spacieux et chic cabinet à divan. Elle va voir sa maîtrise apparente se fissurer comme un vernis trop parfait. Le suicide d’une patiente devient le grain de sable qui fait basculer la machine. À partir de là, chaque indice, chaque souvenir, chaque silence devient un miroir de ses propres fragilités. Au fil de l’intrigue, la mémoire se met à vaciller, les souvenirs se réécrivent en direct, l’inconscient agit comme un filtre à la fois protecteur et déformant. Le film explore subtilement l’opposition entre parole libre et suggestion dirigée, entre écoute flottante et récit imposé. Elle se moque gentiment des pseudo-sciences comme l’hypnose ericksonienne (permissive, poétique, un peu magique) en en faisant le ressort d’une scène succulente : Lilian Steiner, un peu sceptique succombe aux pouvoirs de la thérapeute (excellente Sophie Guillemin) en cinq minutes top chrono, dans une scène drôle et libératrice ou tout l’édifice rationnel de la médecin s’effondre en une scène onirique. Il y en aura d’autres, qui prolongent et bouleversent la perception du réel jusqu’à l’implosion.
L’humour, fin, surgit partout. Le jour, Jodie Foster reçoit en français de salon, la nuit elle rêve en anglais ; quand Paris la rend folle, elle lâche des « fucking French! » et des « assholes ! » bien sonores avant de recomposer le masque. Le bilinguisme devient une arme comique absolue. Le dîner de famille avec son fils (Vincent Lacoste) où Lilian craque est mémorable, son ex-mari incarné par Daniel Auteuil, un roc tendre complice pour mener l’enquête. Mathieu Amalric, en poison jubilatoire, est parfait.
Mais le film est avant tout un face-à-face entre Rebecca Zlotowski et Jodie Foster. On ne peut que la remercier d’avoir convaincu la star américaine d’incarner pour la première fois de sa carrière en premier rôle dans un film français, ce qui est certainement une défi car malgré sa parfaite maîtrise de la langue de Molière, cela reste une langue étrangère. La caméra ne la lâche jamais : gros plans impudiques, reflets, miroirs, Paris transformé en décor mental. ‘Vie Privée’ n’explique rien, ne résout rien, et c’est sa force. Le film nous laisse dans la zone grise, là où la vérité psychique est plus vraie que les faits, là où la raison vacille mais sans jamais tomber tout à fait. On sort de la salle avec des sentiments mélangés, puis, comme si nous-même étions passé sur le divan, le voile mental s’éclaircit et on apprécie ce film drôle aux deux sens du terme et intelligent.

‘Vie Privée’ de Rebecca Zlotowski, Avec Jodie Foster, Daniel Auteuil, Mathieu Amalric, Luana Bajrami, Vincent Lacoste, Sophie Guillemin, Virginie Efira
durée 1h45
Sortie 2 novembre 2025

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