ActivismeCommunicationHumourMarquesOpinionParodiePropriété intellectuelleRéseaux sociauxSciences comportementalesSciences de l'information et de la communication

« Comptes parodiques » épisode 2 – La tentation de la censure par confusion avec le cyberharcèlement

Un article récent de Numerama regrette qu’un compte parodique n’ait pas été censuré par Twitter. Il procède d’une assimilation pure et simple de la parodie à du harcèlement ciblé.

Il y a peu de temps, nous avions pointé un compte Twitter qui se dit parodique mais ne l’est pas du tout, usurpant le logo officiel du gouvernement réservé à la communication de ses ministères.
À cette occasion, nous avions passé en revue les règles de la plateforme et outre l’usurpation d’une marque d’État et démontré que ce compte induisait le public en erreur sur l’identité du compte particulièrement sur smartphone.

Mais ce n’est pas notre sujet du jour.

C’est ce thread Twitter de Marie Turcan, rédactrice en chef et auteur de l’article dont nous allons parler, qui a attiré l’attention de Citizen4Science,

Citizen4Science avait réagi :

Qu’est-ce que la parodie ?

Dans le dictionnaire le Robert, on trouve les définitions suivantes :

  1. Imitation burlesque (d’une œuvre sérieuse)
  2. Contrefaçon grotesque

    Synonyme : caricature

Dans le Larousse :

(bas latin parodia, du grec parôdia, imitation)

  • 1. Imitation satirique d’un ouvrage sérieux dont on transpose comiquement le sujet ou les procédés d’expression.Synonymes : charge – pastiche
  • 2. Contrefaçon, imitation burlesque de quelque chose de respectable : La parodie d’un acteur. Synonymes :caricature – singerie
  • 3. Adaptation d’un texte littéraire à une mélodie ou à une pièce musicale déjà connue.

Allons faire un tour sur Wikipédia :

Source : Wikipédia

La parodie, un exercice ancestral

Il y a fort longtemps que l’exercice de la parodie existe dans la littérature ou le théâtre. D’ailleurs, le mot vient du grec parodia : imitation bouffonne d’un chant poétique, initialement comme miroir comique à la tragédie.

On retrouve la parodie et la satire dans la presse écrite et en ligne comme avec L’hebdomadaire Le Canard enchaîné ou Le Gorafi, à la télévision Les Guignols de l’info, ainsi que dans la musique. N’oublions pas non plus les humoristes imitateurs, comme feu Thierry Le Luron, Laurent Gerra ou Nicolas Canteloup.

La parodie sur réseaux sociaux

On ne va pas faire un tour complet des nombreux comptes parodiques de personnalités, comme celui de Sardine Ruisseau objet de l’article de Numerama.

Le titre de l’article est : « Non, le compte Sardine Ruisseau n’a pas été censuré par Twitter (et c’est regrettable)« 

Sous-titre : « Le cyberharcèlement sous couvert de parodie »

On peut d’emblée se poser la question : y a-t-il intention de harceler quand on fait de la parodie ? Où le harcèlement est-il une conséquence de la parodie, particulièrement sur réseaux sociaux ?

Car finalement, la configuration est bien particulière avec la parodie sur les réseaux sociaux dans le sens où la « matière parodique » est rediffusable et amplifiable à l’infini, et les comptes d’origine visés sont souvent au milieu du feu.

Marie Turcan parle ainsi du compte parodique de la politique Sandrine Rousseau : « « Sardine Ruisseau », un compte qui s’affirmait parodique et détournait l’image de la députée écolo Sandrine Rousseau pour moquer ses prises de position.« 

Et bien c’est une bonne définition d’un compte parodique, le détournement d’image pour se moquer. Celui de Sardine Ruisseau, comptant 57 000 abonnés, ayant été désactivé la semaine dernière, plus précisément le 22 juillet, par son propriétaire.
Marie Turcan regrette que Twitter ne l’ait pas supprimé avant.

Sandrine Ruisseau s’en est satisfaite et l’a même confié à BFM TV.

Concernant l’article de Numerama, nous avons vu cette remarque parlant d’indignation à géométrie variable, selon la cible du compte parodique….

Quelques comptes parodiques récents du « Twitter médical »

On peut citer, mais il doit y en avoir bien d’autres, à titre d’exemple des comptes parodiques que l’on nous signalés, créés ce mois-ci Ils sont discrets et ne font pas beaucoup de bruit car ils ne parodient pas de personnalités. Leur mention pourra néanmoins intéresser ceux qui « baignent » dans le microcosme de ce Twitter « médical ».

À gauche le compte parodique, à droite le compte original :

Ce compte de type « activiste » est en mode attaque. Bien sûr de l’association « Verity France » de Marc Doyer mais aussi les acteurs Twitter de la « sphère antivax » et complotiste, et de façon nourrie, avec captures d’écran et affichage intensif des cibles.
En passant : Il adopte un « tic de langage », transformant tous les « é » en « ay » (comme pour « Veritay ») un peu agaçant à la lecture (les plaisanteries les plus courtes….). Ceci est accessoire et de pure forme. Sur le fond, s’agit-il d’un compte parodique ? Car l’on dépasse largement la satire ou la moquerie.

Ce compte essaie d’imiter sa cible, un compte anonyme de médecin qui parle surtout de médecins et de médecine dans la crise sanitaire et se plaint de façon récurrente de harcèlement.

Le compte parodique est « gentillet », et sort peu du rôle d’imitation « poussive ». Il semble agir conjointement avec le 3e compte que nous vous présentons ci-dessous.

Nous avons remarqué ce sondage par ce compte en lien avec notre sujet d’article :

On voit combien les personnes sont partagées, même si ce genre de sondage sur réseau social n’est aucunement fiable;

Ce compte semble donc être en duo avec le précédent, souvent à s’interpeller, à se répondre mutuellement et à se retweeter. Le compte parodique est de la même veine que le précédent, se moquant gentiment de son modèle qui semble faire étalage d’omniscience.

En conclusion

La parodie est un art littéraire à l’origine reconnu et apprécié; elle revêt de multiples formes, de l’imitation simple à la moquerie ou à la satire et la caricature. Evidemment, pour les cibles, c’est souvent fort désagréable de se voir railler. Mais quand on est un personnage public, cela ne fait-il pas partie du jeu de recevoir la critique, ici sur un mode humoristique ? La qualité de l’humour est aussi très subjectif et l’on est plus ou moins réceptif, surtout quand on est la cible.

La parodie sur réseaux sociaux est sensible car l’amplification peut décupler l’impact. Pour autant, l’assimiler à du cyberharcèlement paraît particulièrement dangereux, car c’est la porte ouverte à la censure. Sur les réseaux sociaux, dans les groupes qui se créent des bulles cognitives et informationnelles où l’on rit entre nous et parfois protégés des moqueries extérieures, la parodie est un exercice qui peut être difficile à accepter, Alors faisons des efforts et gardons une dose d’autodérision.

Quant à Sardine Ruisseau, qui sait si elle n’a pas désactivé son compte pour les vacances ? Réponse au plus tard le 22 août, car les comptes désactivés par leurs titulaires disposent d’un délai de 30 jours pour les réactiver avant suppression définitive.
À moins que ce nouveau compte soit le sien en replacement. Créé il y a quelques jours, il part déjà très fort .

Image d’en-tête : image tirée du film « Le Dictateur » de Charlie Chaplin

Science infuse est un service de presse en ligne agréé (n° 0324 x 94873) piloté par Citizen4Science, association à but non lucratif d’information et de médiation scientifique doté d’une Rédaction avec journalistes professionnels. Nous défendons farouchement notre indépendance. Nous existons grâce à vous, lecteurs. Pour nous soutenir, faites un don ponctuel ou mensuel.

Propulsé par HelloAsso

ou via J’aime l’Info, partenaire de la presse en ligne indépendante

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Résoudre : *
25 − 15 =