Robert Kennedy Jr à la Santé : entre inquiétudes fondées et manichéisme politisé

Suite à l’élection récente de Donald Trump à la présidence des États-Unis, ce dernier dévoile ses nominations à venir pour constituer sa garde rapprochée. Nous avons récemment évoqué dans ces colonnes le ministère de « l’efficacité gouvernementale » confiée au milliardaire médiatique Elon Musk pour « démanteler » l’organisation administrative en place. Pour le ministère de la Santé, le président élu vient d’annoncer son choix de Robert Kennedy Junior. Ce n’est pas une surprise, mais l’annonce n’en est pas moins fracassante. L’homme, avocat de métier, est le neveu du président démocrate assassiné en 1968 John Fitzgerald Kennedy ; sa famille l’a renié pour avoir viré de bord et rejoint Trump et les Républicains. Le but de cet éditorial aujourd’hui est de prendre le contrepied des médias qui ne parlent plus que de la catastrophe que constitue cette nomination (qui devra être confirmée, comme tous les autres choix de Trump, par le Congrès) pour la science et la santé. Car Robert Kennedy Jr (RKJ) est leader de la mouvance anti-antivaccin (« antivax ») et propage généreusement des théories complotistes, dont la toxicité de certains vaccins, les mettant en cause dans la survenue de cancers ou d’autisme. En plus, s’empresse de rappeler les médias, il n’est même pas scientifique. Tout cela est vrai. Mais en France, on a bien un ministre de la Santé fraîchement nommé, Patrick Hetzel, qui a promu l’hydroxychloroquine en soutenant le professeur Raoult qui défendait son remède non éprouvé dans le Covid-19 en l’administrant de façon systématique à des patients en violation des règles éthiques et réglementaires en la matière. Il n’est pas scientifique non plus, c’est un professeur de gestion et de marketing. C’est inquiétant, mais pour autant les médias n’ont pas dit que cette nomination allait mener notre pays à la catastrophe sanitaire. On ne sait pas trop ce que Patrick Hetzel va faire de bien (ou de mal), puisqu’il n’a annoncé aucun programme avant d’être nommé. Ce n’est pas le cas de RKJ. Sorti de ses idéologies sur les vaccins et du conspirationnisme, il a quelques chevaux de bataille tout à fait respectables sur des sujets de santé publique majeurs, qui pourraient bien être bénéfiques au pays. Et à l’Europe par ricochet. Citons pêle-mêle, après s’être attaqué avec succès aux pesticides avec l’affaire Roundup (Monsanto), sa volonté farouche de lutter contre le pouvoir des grands laboratoires pharmaceutiques (la fameuse « BigPharma ») pour faire baisser les prix (ce dont nous bénéficierions aussi en conséquence), d’assainir la FDA et les CDC, organismes gouvernementaux sanitaires qu’il dirigera(it) de ses relations trop proches avec les labos pour être suffisamment indépendants, claironne RKJ, d’assouplir certaines règles pour favoriser l’accès précoce des médicaments innovants. Dans le même temps, il veut s’attaquer à l’automédication et interdire la publicité télévisée pour les médicaments. Pas forcément une mauvaise idée, chacun connaissant le contexte du scandale du fentanyl, cet opioïde qui ravage le pays. Il y a aussi son combat crucial contre la malbouffe (« junk food », sodas, aliments ulltra-transformés…). L’enjeu est effectivement crucial car on parle des facteurs clés de maladies chroniques qui sont de véritables fléaux mondiaux (obésité, diabète, maladies cardiovasculaires, …). Il compte dans ce cadre s’attaquer aux lobbys industriels concernés en les surtaxant, et éduquer la population à l’importance d’une alimentation saine, en commençant par les cantines des établissements scolaires. Des résultats en la matière serait un acte majeur de prévention en matière de santé publique. Ici notre but n’est pas de défendre RKJ coûte que coûte, mais de ne pas sombrer dans le manichéisme primaire, souvent à base de militantisme politique. Dans ses approches, il y a du (très) mauvais et du bon. Quel seront les résultats et le bilan « santé » ? Nul ne peut prédire, mais on peut s’attendre à une onde de choc.

Image d’en-tête : Robert Kennedy Junior en 2023, source Wikipédia

Cet article GRATUIT de journalisme indépendant à but non lucratif vous a intéressé ? Il a pour autant un coût ! Celui d’une rédaction qui se mobilise pour produire et diffuser des contenus de qualité. Qui paie ? vous, uniquement, pour garantir notre indépendance. Votre soutien est indispensable.

Science infuse est un service de presse en ligne agréé (n° 0329Z94873) édité par Citizen4Science, association à but non lucratif d’information et de médiation scientifique promouvant l’esprit critique.

Notre média dépend entièrement de ses lecteur pour continuer à informer, analyser, avec un angle souvent différent car farouchement indépendant. Pour nous soutenir, et soutenir la presse indépendante et sa pluralité, faites un don pour que notre section presse reste d’accès gratuit, et abonnez-vous à la newsletter gratuite également !

ou via J’aime l’Info, partenaire de la presse en ligne indépendante