Éditorial : Duplomb dans l’aile et de la Science aux forceps
23/07/2025
La loi Duplomb, avec ses presque 1,8 millions de signatures (au moment de la publication de ce billet) contre elle à ce jour, vole sur une aile vacillante, secouée par une pétition au succès historique qui va bien au-delà de la question de savoir si l’acétamipride est un insecticide dangereux. Elle fustige également l’élevage intensif, les méga-bassines et une démocratie qui tousse.
Dans ce ciel médiatique, la science, parce qu’elle est trop lacunaire sur des aspects clés du débat, est instrumentalisée aux forceps pour servir des causes bien terrestres et particulièrement politiques, qu’il s’agisse de défendre sa mouvance, son parti, sa visibilité ou son ego. Pour protéger la loi Duplomb, on parle au nom de la science et pour éviter l’embarras, on évite de parler des sujets gênants comme l’élevage intensif que la loi réautorise aussi ; on préfère se focaliser sur le seul pesticide en brandissant des données sur sa faible toxicité. On balaie du revers les incertitudes scientifiques qui restent à trancher, avec un rictus qui traite les signataires de novices égarés, mais on titre son article pro-Duplomb avec aplomb : « Que dit VRAIMENT la science ? ». Des plumes acérées préfèrent ricaner ou déplorer une foule sous influence de voix peu recommandables car mal éduquée en science, plutôt que d’écouter ses craintes légitimes sur la pollution ou la biodiversité, comme le confirment des études sérieuses ; la science, quoi.
Et que dire des contre-pétitions qui fleurissent, censées défendre la raison ? Parmi elles, heureusement anecdotique en popularité, l’idée saugrenue d’interdire le tabac s’impose comme la pire initiative en impact négatif, flirtant entre hygiénisme et velléités liberticides. Or c’est exactement ce qui a fait fortement chuter la confiance en la science pendant la pandémie de Covid. Se parant du manteau de la science et de la lutte contre la désinformation, les mêmes auteurs de telles initiatives se vautrent pourtant dans l’antiscience en succombant à des fake news éculées pour soutenir leur thèse : la populace « anti-Duplomb » ne saurait même pas qu’elle renifle de l’acétamipride à longueur de journée car ils les colliers anti-puces de leurs animaux de compagnie contiendraient de l’acétamipride ! Une fable démentie récemment sans ambages par l’Anses. Cette condescendance mal informée, déguisée en défense de la raison, est d’une antiscientificité criante : elle polarise, sectarise, méprise, et claque la porte au dialogue, oubliant que, pour la seule question de l’acétamipride, 78 % d’alternatives viables existent selon des recherches solides. D’ailleurs, une solution presque fine prête est de basculer intégralement ou en combinaison vers des produits répulsifs, beaucoup moins toxique pour l’environnement et les personnes. Autant ne pas attendre qu’il soit trop tard et forcer le changement.
À la fin, les habits sobres et discrets de la science, se trouvent de plus en plus portés avec ostentation par des personnes qui leur ont ajouté des ornements prétentieux d’autorité pseudo-experte, de strass et de paillettes pour attirer les projecteurs sur ces sachants bien plus sûrs d’eux que les données de la science ne le sont. Elles se révèlent être les plus insidieux ennemis. Car la réalité est que le vide scientifique (ici relatif à l’acétamipride) les encombre, amenant à la science du vide. Alors méfions-nous plus que jamais des étiquettes.
Image d’en-tête : extrait site Assemblée Nationale – Pétition « Non à la loi Duplomb » – capture 23 juillet 2025
Cet article GRATUIT de journalisme indépendant à but non lucratif vous a intéressé ? Il a pour autant un coût ! Celui d’une rédaction qui se mobilise pour produire et diffuser des contenus de qualité. Qui paie ? vous, uniquement, pour garantir notre indépendance. Votre soutien est indispensable.
Science infuse est un service de presse en ligne agréé (n° 0329Z94873) édité par Citizen4Science, association à but non lucratif d’information et de médiation scientifique promouvant l’esprit critique.
Notre média dépend entièrement de ses lecteur pour continuer à informer, analyser, avec un angle souvent différent car farouchement indépendant. Pour nous soutenir, et soutenir la presse indépendante et sa pluralité, faites un don pour que notre section presse reste d’accès gratuit, et abonnez-vous à la newsletter gratuite également !
ou via J’aime l’Info, partenaire de la presse en ligne indépendante


