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Fin de vie : la convention citoyenne vote largement en faveur de l’aide à mourir sur fond de tentative de confiscation du débat par un collectif de soignants

Le 19 février, la Convention citoyenne du CESE a délibéré sans ambiguité à l’issue de sa 6e session de travail, alors que le 16 février, un collectif de soignants tentait de couper court au débat sous couvert d’éthique et d’argument d’autorité

La Convention citoyenne a été formé sous la gouvernance du CESE (Conseil économique social et environnemental) afin de répondre au débat de société sut le cadre de l’accompagnement de la fin de vie, et déterminer si la législation actuelle doit évoluer.

184 citoyens sont réunis dans cette convention et 167 étaient présents ce week-end. Claire Thoury, présidente du comité de gouvernance et membre du CESE, a déclaré à l’issue du week-end : « Nous venons de passer une étape charnière de la Convention citoyenne. L’issue de la phase de délibération a permis aux citoyens de formuler une réponse à la première partie de la question de la Première ministre. Ces orientations clés désormais actées, les citoyens vont pouvoir développer leurs propositions et harmoniser leur réponse avant de procéder à des votes décisionnels. Je tiens à saluer la sérénité, le respect et la responsabilité avec laquelle les citoyens mènent leur débat jusqu’ici ».  

Un vote massif pour l’accès à l’aide active à mourir

Les votes à l’issue du week-end de travail sont sans ambigüité :

  •  « Le cadre d’accompagnement de la fin de vie répond-il aux différentes situations rencontrées ? »
    84 % ont répondu non
  • « L’accès à l’aide active à mourir doit-il être ouvert ? »
    75 % ont répondu oui
  • « L’accès à l’aide active à mourir sous la forme du suicide assisté devrait-il être ouvert ? »
    72 % ont répondu oui
  • « L’accès à l’aide active à mourir sous la forme de l’euthanasie devrait-il être ouvert… ? 
    65 % ont répondu oui

D’autres votes ont eu lieu dans une tentative de cernes les populations admissibles à ces aides actives (maladies incurables, souffrances ou douleurs réfractaires, pronostic vital, etc.).

Les trois prochaines sessions de travail de la convention citoyenne permettront de préciser, harmoniser et restituer les avis, au moyen de nouveaux débats des citoyens, de votes et la rédaction d’un rapport final remis au Gouvernement qui, indique le CESE, comprendront « toutes les nuances d’opinions qui traversent la Convention ».

Les 3 prochaines et dernières sessions de travail auront toutes lieu en mars et finaliseront 4 mois de débats.

On s’oriente donc de façon claire vers une évolution du dispositif législatif actuel en vigueur depuis 2016 avec la loi Claeys Leonetti qui se limite globalement à permettre une « sédation profonde et continue » jusqu’au décès pour certains malades.

Dans une conférence de presse ce jour, Claire Thoury a précisé : « On a bien dit aux citoyens que ce sont les politiques qui décideront à la fin, que ça n’est pas ici qu’on tranche mais qu’on éclaire la décision publique ». Elle considère qu’il « serait quand même bizarre » que le travail des citoyens réunis en convention ne soient pas pris en compte.

L’association « Mourir dans la dignité », dont la célèbre Line Renaud est marraine, s’est félicitée de ces résultats

Des soignants tentent de s’approprier autoritairement la décision

Vendredi 16 février, une douzaine d’organisations de soignants avaient tenté de confisquer le débat et la décision, clamant qu’ils représentaient 800 000 soignants. Sur le principe, on peut légitimement se poser la question de savoir si les membres de ces groupes ont été consultés pour revendiquer un tel appui.

Voici les signataires :

On voit qu’il s’agit principalement d’organisations de soins palliatifs et de groupes d’infirmiers.

Cette action est donc intervenue opportunément à la veille d’in week-end crucial. Le communiqué s’appuie sur un plaidoyer d’une trentaine de pages intitulé « Avis éthique », pour dire que l’euthanasie et le suicide ne sont pas des soins et donc que les soignants ne pourraient pas répondre à de telles demandes de patients, et d’autre part qu’il ne serait pas éthique de permettre une « fin de vie administrée ».

Les arguments peuvent surprendre : alors que la Convention citoyenne Fin de vie a pour but d’envisager de réfléchir à une évolution de la législation, ce collectif considère qu’une évolution ne serait pas confirme à la législation actuelle. Un argument nul et non avenu puisque c’est justement la problématique soulevée.

Mais c’est donc, surtout, une soi-disant atteinte à la déontologie et à l’éthique qui est mise en avant. Pourtant le droit de décider pour soi, et de mourir dans la dignité est une question éthique, et ce collectif le voit comme une « dérive éthique ».

Ce collectif met en avant le fait qu’elle côtoie la mort chaque jour, laissant entendre qu’elle en saurait bien plus que le simple citoyen ou la Convention citoyenne qui en représente un collectif. Il considère que l’impliquer dans l’exécution d’une mort programmée serait trop pénible pour la profession. Un point de vue auto-centré qui peut paraître déplacé sur le sujet.

Ce discours a pourtant plus au journal Le Figaro qui a largement relayé le communiqué et ses signataires, avec une Rédaction se positionnant clairement au moyen d’un éditorial en première page dans l’édition du 16 février, pour une problématique de fin de vie qui serait en grande partie celle des soignants, et appelant à l’esprit d’Hippocrate pour une interprétation personnelle du serment des médecins et de l’éthique faisant raccord ave celle du collectif :

Il est à noter que la journal Le Monde avait publier quelques jours plus tôt, une tribune de 500 soignants coordonnée par l’association Mourir dans la dignité, qui revendiquaient l’aide active à mourir comme étant un soin.

Une question sociétale et non médicale

On pourra s’interroger aussi sur ce faux dilemme dans la thèse de ce collectif qui est celle de préférer les soins palliatifs à la fin de vie assistée : la problématique n’est pas du tout la même, un faux dilemme ici il n’y a pas à choisir l’un ou l’autre, au niveau d’une société les deux systèmes peuvent coexister. Et enfin, n’y a-t-il pas un conflit d’intérêt, de la part d’un secteur des soins palliatifs majoritairement représenté dans ce collectif, de défendre leur secteur d’activité ? En effet ce collectif demande, en lieu et place de l’évolution de la loi Leonetti, plus de moyens pour les soins palliatifs.

En s’exprimant comme soignants, qui plus est regroupés en collectif, au lieu qu’en tant que citoyens sur une question de société, ce groupe confisque et détourne le débat pour en faire une problématique de soins et de soignants. La démarche apparaît comme très corporatiste.

L’association Citizen4Science avait déjà réagi il y a quelques jours sur l’importance de centrer correctement le débat. L’assistance à la fin de vie est un sujet de société, et d’ailleurs, des soignants eux-mêmes prônent de ne pas confondre l’objet (l’aide à la fin de vie) et le moyen (éventuellement médical).

Clause de conscience

Ajoutons qu’un médecin peut toujours s’opposer à la réalisation d’un acte relevant de ses compétences, même s’il n’est autorisé par la loi, s’il considère que c’est contraire à ses propres convictions personnelles, professionnelles ou éthiques. Ne confondons donc pas ce choix individuel avec du militantisme corporatiste.
Le Code de la santé publique dispose ainsi dans l’article R4127-47 d’une clause de conscience générale, et il en existe d’autres s’appliquant dans des cadres particuliers. Par exemple, depuis la loi Veil autorisant l’interruption volontaire de grossesse, une clause de conscience existe pour permettre à des soignants de refuser la pratique ou l’assistance à la pratique de l’IVG. On peut donc parfaitement envisager qu’une clause de conscience spécifique à l’aide active à la fin de vie soit établie dans le Code de la santé publique en cas d’inscription de cette modalité dans la loi, c’est ce que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) à préconisé l’an dernier.

Mise à jour : 21/02/2023 – ajout de la référence à la tribune Le Monde – 500 soignants

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