François Bayrou nommé Premier Ministre par Emmanuel Macron, en remplacement de Michel Barnier censuré
Le président avait promis de choisir rapidement, il a tenu promesse. Leader du Modem, on ne peut pas qualifier Bayrou de très polarisé ou sectaire, en conséquence, certains le qualifient de traître. Saura-t-il éloigner les blocages pour relancer l’action du gouvernement pour qu’il devienne « d’intérêt général », et en premier lieu, pourra-t-il éviter la censure ? Les premières réactions des partis politiques sont déjà vives
Mardi, après quelques entrevues de politiques à l’Elysée, il avait garanti que le nouveau Premier Ministre serait annoncé d’ici vendredi. Il ne s’est donc passé que _ jours depuis la censure historique du gouvernement Barnier le 4 décembre. Qui est Bayrou et quelles sont les premières réactions politiques ?
Vieux baroudeur politique
Né dans les Pyrénées Atlantique de parents exploitants agricoles, actuel maire de Pau, François Bayrou a en commun avec son prédécesseur Michel Barnier l’âge (73 ans), et une longue vie de vieux routier en politique. Professeur, il a été ministre de l’Éducation et participé à plusieurs gouvernements. Il a fondé le Modem, un parti politique centriste, sur fond d’ambitions présidentielles avec plusieurs courses à l’Élysée à son actif. En 2017 il a été un soutien essentiel d’Emmanuel Macron, ce qui lui vaut d’être vu aujourd’hui comme son allié persistant. Il est à noter qu’à l’instar de Marine Le Pen dont le procès a été retentissant et don on attend le verdict, François Bayrou a été poursuivi pour détournement de fonds publics. S’il a été relaxé, le recours du Parquet est actuellement en cours.
Le roman prophétique de Houellebecq
Paris-Match a publié un article intéressant hier midi, car le journal a retrouvé dans ‘Soumission’, le roman politique de Michel Houellebecq paru en 2015 (avant la tuerie du Bataclan), dans lequel il anticipait les résultats de l’élection présidentielle de 2022, où un candidat islamiste la remporte et nomme François Bayrou Premier Ministre « Surexcités, les journalistes des chaînes info se relayèrent toute l’après-midi afin d’essayer d’en savoir un peu plus sur les conditions de l’accord et la répartition des ministères, s’attirant à chaque fois la même réponse sur la vanité des considérations politiciennes, l’urgence de l’unité nationale et de panser les plaies d’un pays divisé, etc. Tout cela était parfaitement attendu, prévisible ; ce qui l’était moins, c’était le retour de François Bayrou au premier plan de la scène politique. Il avait en effet accepté un ticket avec Mohammed Ben Abbes : celui-ci s’était engagé à le nommer Premier ministre s’il sortait victorieux de l’élection présidentielle. »
Premières réactions politiques
Elles sont plutôt vives, parfois cordiales ou bien radicales.
Valérie Pécresse, présidente de la Région Île-de-France, LR, a été, comme souvent, l’une des premières à réagir hier, sur le réseau social X (ex-Twitter), incluant dans son commentaire une touche de philosophie : « Mes félicitations à François Bayrou pour sa nomination comme Premier ministre. Je lui souhaite de s’attaquer résolument aux immenses défis auxquels la France est confrontée. L’intérêt général doit être notre boussole. L’urgence est de remettre de l’ordre dans nos finances et dans notre République. Pour cela, notre région prendra sa part de responsabilité. Durer au pouvoir ne suffit pas, il faut oser réformer. Comme le disait Periclès : « Si on veut obtenir quelque chose que l’on n’a jamais eu, il faut tenter quelque chose que l’on n’a jamais fait. » »
Michel Barnier, sur le même réseau, a félicité son successeur dans un message très protocolaire mais amical : « Félicitations à François Bayrou dont je connais les qualités et l’engagement au service des Français. Dans cette période grave pour la France et pour l’Europe, tous mes vœux personnels et amicaux pour son action à la tête du gouvernement.«
Marine Le Pen, décisionnaire dans la censure du gouvernement Barnier, n’a pas tardé non plus hier soir à réagir sur X: « Après de longues tergiversations, le président de la République a décidé de nommer François Bayrou à Matignon. Soucieux de l’impérieuse nécessité de protéger les Français, nous lui demandons d’entreprendre ce que son prédécesseur n’a pas voulu faire : entendre et écouter les oppositions pour construire un budget raisonnable et réfléchi. Toute autre politique qui ne serait que le prolongement du macronisme, rejeté par deux fois dans les urnes, ne pourrait mener qu’à l’impasse et à l’échec.«
Jordan Bardella a quant à lui indiqué qu’il n’y aurait « pas de censure a priori » du gouvernement Bayrou.
Le Parti socialiste (PS) s’est fendu d’un courrier adressé hier soir au nouveau Premier Ministre, aux airs de chantage : il lui est sommé de renoncer à l’usage du 49.3 pour ne pas être censuré. Le PS annonce en outre qu’il ne participera pas au gouvernement Bayrou et demeurera ainsi dans l’opposition au Parlement. Enfin, il demande une garantie que « le gouvernement ne se placera pas sous la dépendance du Rassemblement national, ni ne reprendra à son compte son programme xénophobe ».
La France Insoumise (LFI) a d’ores et déjà annoncé qu’elle proposerait et voterait une censure. Il est reproché comme par d’autres mécontents du choix, la proximité trop évidente entre Macron et Bayrou, voire un retour d’ascenseur du président en l’installant locataire de Matignon. Cependant selon le journal Marianne, c’est Sébastien Lecornu (entré au gouvernement en 2017 dans le gouvernement Edouard Philippe et actuellement ministre des Armées) que Macron voulait nommer, mais l’ire de Bayrou de ne pas être choisi aurait changé la donne.
Du côté de Les Républicains (LR), François-Xavier Bellamy a annoncé aujourd’hui que son parti était « prêt à participer au nouveau gouvernement » mais qu’il « ne se reniera pas » pour autant.
Passation de pouvoir
La passation de pouvoir entre Michel Barnier et François Bayrou a eu lieu hier soir 13 décembre à 17h sur le perron de Matignon. Le nouveau Premier Ministre a notamment déclaré, s’adressant d’abord à son prédécesseur : « Votre message sur la gravité de la situation, je le reçois, et je le partage. C’est pourquoi, devant une situation d’une telle gravité, ma ligne de conduite sera de ne rien cacher, de ne rien négliger, et de ne rien laisser de côté. » Par la suite, il va finement jouer en mettant la situation actuelle sur le compte de l’héritage de « décennies entières » de gestion politique qui n’a pas su rechercher les « équilibres » nécessaires. Il a ajouté que « ces dernières années, l’accumulation de crises ». Il évoque ensuite ses « deux obsessions » : « le mur de verre qui s’est construit entre les citoyens et les pouvoirs ». Pour cela il explique vouloir débarrasser des débats « les paroles artificielles ». Il évoque aussi une promesse du président élu Macron de 2017, à savoir d’être soumis à un destin qu’on ne maîtrise pas, dans lequel « on n’a aucune chance de progression ». Lucide, il affirme qu’il « n’ignore rien de l’Himalaya qui se dresse devant nous ». Il évoque pour cela un « chemin inédit » fait de « réconciliation ». Souhaitons-lui donc, et pour le pays, les moyens d’une bonne ascension alors qu’il a reçu Bruno Retailleau ce matin et s’apprête à rencontrer cet après-midi Yaël Braun-Pivert et Gérard Larcher, et alors que l’agence Moody vient, à nouveau, de dégrader la note de la France avec une vision de perspectives défavorables qui se prolongent.
Image d’en-tête : Passation de pouvoir entre Michel Barnier et François Bayrou à Matignon le 13 décembre 2024 (capture écran retransmission télévisée)
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