« Gérer vos bien immobiliers » sur le site des impôts : un goût de fiasco au démarrage qui a coûté 1,3 milliard d’euros à l’État
La Cour des comptes vient d’épingler les débuts ratés de ce service d’usage obligatoire pour les contribuables arrivé en 2023 et que nous avions présenté à l’époque dans nos colonnes
Le rapport est paru le 23 janvier, et il ne mâche pas ses mots, évoquant « une campagne 2023 chaotique et aux conséquences financières très lourdes pour l’État. »
Nous avions rapporté dès sa disponibilité sa sa structure et son mode d’emploi abrégé, qui concerne tous les propriétaires de biens immobiliers.
Contexte
L’application, mise en service au niveau de l’administration fiscale dès 2021, visait a moderniser la déclaration de leurs biens par les propriétaires et leur gestion des impôts associés, taxe foncière et taxes d’urbanisme. Il s’agissait aussi de profiter de la suppression de la taxe d’habitation, réalisée progressivement de 2018 à 2023, pour remettre à jour les données disponibles et les fiabiliser.
Mise en service bâclée
En 2023, l’application est ouverte au public et d’utilisation obligatoire sous peine d’amendes. Les propriétaires sont invités à consulter la description de leurs biens recensés sur le service et à compléter ou corriger toute information manquante ou erronée concernant la description et l’usage des biens ainsi que d’identifier leurs occupants. Les propriétaires auraient mal vécu la menace d’amendes alors que la taxe d’habitant avait été supprimée. Autre réticence : la dématérialisation complète alors que les assujettis sont plutôt âgés en moyenne donc moins à l’aise avec le « tout internet ». De nombreuses demandes y compris via visites aux centres des impôts auraient eu lieu, avec pour conséquence un direction des impôts (DGFIP) débordée.
un million de contribuables imposés à tort
La Cour des comptes a constaté que les cas spécifiques n’avaient pas été anticipés, citant celui des 3 400 multi-propriétaires bailleurs sociaux disposant de plus de 200 biens. Le rapport de la Cour des comptes révèle que plus d’un million de contribuables ont été soumis à la taxe d’habitation ou à la taxe sur les logements vacants à tort. En conséquence, l’État a dû effectuer des dégrèvements pour un montant massif, soit plus de 1,3 million d’euros.
En outre, le nouveau service n’est pas parvenu à ses fins de recensement des biens à l’issue de la campagne puisque près de 25 % d’entre eux manquaient pour un total estimé à 71,4 millions de locaux. Coût de la seule campagne 2023 rapporté par la Cour des comptes : pas moins de 56,4 millions d’euros de son élaboration jusqu’à son déploiement, auxquels s’ajoutent les dégrèvements massifs de 1,3 milliard d’euros.
Campagne 2024 toujours entachée d’erreurs
Vu l’ampleur des problèmes et des coûts, l’administration fiscale n’a pas pu complètement rectifier le tir pour la seconde année fiscale d’existence du service, soit l’an dernier. Des erreurs de taxation perdurent. La dérive du système a néanmoins continué de générer des coûts pour rectifier erreurs et améliorer le pilotage. La Cour des comptes évoque trois outils informatiques : le foncier, l’occupation des locaux et la relation avec les particuliers, dotés d’une gouvernance différente pour chacun. L’externalisation du développement non harmonisée a joué un rôle. En octobre 2024, le plan de remédiation de l’outil aurait déjà coûté plus de 37 millions d’euros. Ce n’est jamais que près de trois fois le coût initial envisagé de 12,7 millions d’euros !
Image d’en-tête : illustration Andrea pour Science infused
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