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Hépatites, adénovirus, covid et… infodémie conspirationniste sur les réseaux sociaux

Chercher à développer sa notoriété sur les réseaux sociaux est une quête banale, malheureusement ce n’est pas toujours compatible avec la science, qui en fait les frais. Étude de cas.

Une épidémie d’hépatite aiguë infantile d’origine inconnue sévit actuellement touchant différents pays à traves le monde mais très principalement l’Europe et particulièrement la Grande-Bretagne. Près de 200 cas ont été répertoriés à ce jour chez des enfants jeunes avec un tableau inaugural à type de syndrome digestif. Nous insistons là-dessus : d’origine inconnue. Les autorités sanitaires font des recherches à ce sujet et pour l’instant, n’ont jamais établi un quelconque lien de causalité, avec un adénovirus ou le SARS-Cov2.

Pourquoi parle-t-on de ces 2 virus ? parce qu’on les retrouve souvent chez chez les enfants atteints.

La théorie complotiste

Les autorités sanitaires tentent d’incriminer des adénovirus et en particulier l’adénovirus 41 (les adénovirus sont une famille) pour cacher le fait que c’est le SARS-Cov2, le virus qui donne le Covid, qui est la cause de ces hépatites.

Malheureusement, ce ne sont pas seulement des complotistes peu férus de science ou ignorants du fonctionnement de la recherche qui diffusent cette ravageuse théorie auprès du public.

Un thread posté hier sur Twitter a eu beaucoup de succès. Il est totalement complotiste, et même diffamatoire envers des autorités sanitaires :

L’auteur est un médecin interniste américain.

Traduction : « Les médias et les organismes scientifiques ont accordé une importance excessive à l’infection à l’adénovirus comme principal responsable de ces cas d’insuffisance hépatique. Voyons si cette affirmation tient la route [réponse courte : non !]

Ce post introductif n’accuse pas clairement, mais le très long thread, lui, ne laisse pas planer le doute : les autorités agissent malicieusement pour détourner l’attention du public en tentant d’incriminer – à tort – un adénovirus, avec une chute allant vers la mise en cause du SARS-CoV2.

L’exposé se veut un cours – intéressant d’ailleurs sur les adénovirus, mais très très long. Sur le fond scientifique et pour le message à retenir il peut de résumer en une phrase : les adénovirus peuvent persister dans l’organisme, il n’est donc pas forcément anormal de le retrouver chez des enfants victimes de l’épidémie d’hépatite, ce n’est pas pour cela que cet adénovirus est en cause.

Oui, personne n’a jamais dit le contraire, du moins chez les instances accusées par ce monsieur.

Alors, quel était l’objectif de ce jeune médecin : a-t-il lu de travers les travaux des autorités sanitaires ou cherche-t-il à surfer sur la vague de cette épidémie d’hépatites sur base de complotisme ?

L’icône en bas à droite que nous avons marqué d’une flèche rouge est un signal d’alarme. Il donne l’indication de l’état d’esprit qui anime l’auteur de ce thread : Cette icône indique qu’une réponse à son thread a été cachée volontairement par l’auteur.

Voyons ce qui a été masqué :

Muge Cevik n’est pas n’importe qui : elle est spécialiste en maladies infectieuses et en virologie, experte de santé publique au Royaume-Uni…. e’auteur du rapport que l’interniste met en cause.

Traduction : Je suis désolée de vous dire que vous avez mal lu le rapport de l’UKHSA. Les experts de l’équipe chargée de l’enquête sur l’épidémie sont parfaitement au courant de l’hépatite à adénovirus et personne ne prétend que l’adénovirus en est la seule cause. Partager des théories conspirationnistes selon lesquelles des organismes respectés cacheraient des informations est de la désinformation délibérée.

Nous nous permettrons de compléter : et cacher cette réponse est un facteur aggravant à type de super-désinformation. Et très très loin de l’esprit de la science à laquelle devrait être attaché un scientifique tel qu’un médecin : la critique doit toujours être respectée, qui plus est quand il s’agit de rectifier des affirmations erronées, trompeuses ou diffamatoires.

Nous nous accorderons donc à penser, comme Muge Cevik, que la désinformation de ce thread est délibérée.

Une quête de buzz et de notoriété, sans aucune ambiguïté, de la part du médecin auteur du thread conspi.

D’ailleurs, en cas de doute, il suffit de lire cette autre accusation de sa part sur un article du CDC américain, plus loin dans son thread-fleuve :

Il commence par reprocher le titre de l’article : « hépatite aiguë et infection par adénovirus chez l’enfant »

C’est parfaitement ridicule, quand on étudie le rapport entre des événements X et Y, un article scientifique à ce sujet commence souvent par « X et Y : …. » pour introduire la thématique d’une étude entre X et Y On est dans le complotisme exacerbé ici.

Cerise sur le gâteau : notre interniste va conclure son thread avec un « Tiens tiens, le SARS-CoV2 donne exactement ce genre de chose… » (on ne va pas rentrer dans les détails de sa trouvaille de Sherlock Holmes, mais ceci valide qu’il est bel et bien dans une théorie complotiste avec un raisonnement de type « comme par hasard, j’ai fait mes propres recherches et j’ai trouvé ça ». Cela frise la caricature.

La science avance en testant des hypothèses

Au-delà de cette triste histoire de recherche de notoriété en exploitant les théories du complot (on nous cache des choses et/ou on essaie de détourner notre attention sur quelque chose de gênant), toujours vendeuses, sur le fond, ce thread, outre accuser de façon dommageable et injuste les autorités sanitaires ce qui ne peut aggraver la défiance envers les science et les institutions, induit également le public en erreur sur le fonctionnement de la recherche scientifique.

La recherche consiste à tester des hypothèses. Et sur la base de ces hypothèses, les chercheurs font des investigations en espérant que l’une ou plusieurs d’entre elles pourront être vérifiées.

Il s’agit d’hypothèses de travail, celui de la recherche. Faire des hypothèses N’EST PAS faire des affirmations pour prouver une causalité.

En cela, le rapport de l’agence de santé britannique UKHSA injustement mis en cause est très clair à ce propos, et ne laisse pas le moindre doute :

Comme on peut le voir, de multiples hypothèses sont envisagées : adénovirus existant ou nouveau, infection SARS-CoV2 antérieure ou co-infection, variant particulier voire nouveau variant et….. d’autres possibilités : médicaments, toxines, exposition environnementale, nouveau pathogène.

En résumé : les accusations sont totalement infondée et donc de mauvaise foi, et en plus, sèment la confusion sur la façon dont fonctionne la recherche et comment avance la science.

Opération de recherche notoriété réussie…. immédiatement exploitée et amplifiée

Les réseaux sociaux sont une plaie pour la valorisation de la démarche scientifique, et une aubaine pour la désinformation et les théories du complot.
La recherche de notoriété, exploitée par les plateformes de réseaux sociaux avec leurs algorithmes qui les met en avant, fait que de nombreux internautes cèdent à l’appel des sirènes.

Ainsi, le thread complotiste de l’interne en médecine a été immédiatement exploité par un « Twitter med » en en faisant une traduction (très littérale malheureusement et non sans conséquences. La traduction, qui plus est scientifique est un métier. Mais ce n’est pas notre sujet ici).

Post initial « traduit », qui enfonce le clou accusatoire en lui faisant dire ce qu’il ne dit pas, exacerbé par l’artifice de l’usage de guillemets tel une citation. Voir la traduction professionnelle de la Rédaction au début de l’article

Post de conclusion, juste avant celui affirmant une probable causalité SARS-CoV2 (dissonance cognitive)
Du complotisme en toute décontraction.

Et on poke les amis « Twitter med » pour propager ce thread complotiste, en quête de buzz, avec succès d’ailleurs… et en incluant un ou deux experts académiques infectiologues spécialistes de santé publique (il fallait oser !).

Le débat scientifique n’a pas lieu sur les réseaux sociaux

Le public a tendance a prendre les discussions sur les réseaux sociaux comme du débat scientifique. Ce débat a lieu entre experts et par les experts dans les laboratoires, les salles de réunion et et non sur la voie publique des réseaux sociaux, où viennent donner leur avis des scientifiques plus ou moins experts (ou pas experts du tout) du domaine, des complotistes et des « inflluenceurs » ‘quel que soit leur pedigree) en quête de buzz.

Mise à jour : 2/5/2022

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