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‘La soirée avait si bien commencé’ au théâtre de Passy

Nous sommes chez les bourgeois bohêmes de la rue de Passy qui causent finances, aiment l’art moderne et mangent bio : tout est chic et discret. Pour fêter dignement les quarante ans de son mari Paul-Antoine, Agnès lui organise une soirée surprise en invitant leurs meilleurs amis, le couple Alexandre et Claire.

Agnès est influenceuse sur le web, spécialisée dans les créations culinaires invraisemblables et parfaitement indigestes. Les deux hommes, eux, sont collègues dans une agence de pub, et, tandis que Paul-Antoine est passionné par les voitures de luxe, Alexandre le serait plutôt par les jeunes mannequins stagiaires qui défilent à l’occasion des castings, ce dont Claire n’est pas totalement dupe. Agnès savoure à l’avance de profiter de cette soirée pour annoncer à son mari qu’à quarante-deux ans, et contre toute attente, elle est enceinte. Pour l’aider à garder son calme, elle s’est offert une montre connectée sur une application, Petit Bouddha, qui lui rabâche des conseils de zénitude parfaitement ridicules et, de surcroit, avec un accent suisse des plus marqués. Le dîner est, comme d’habitude, mauvais, mais il y a du champagne, et Alexandre et Claire ont amené un excellent caviar, ce qui devrait sauver le tout à condition qu’Agnès ne lui ajoute pas de la mayonnaise…

Si, comme le titre l’indique, la soirée avait bien commencé, elle est rapidement gâchée par une suite invraisemblable de révélations, tromperies, coïncidences et autres quiproquos.

On patauge ainsi, allègrement, dans une comédie de boulevard assez conventionnelle avec maîtresse cachée, goujaterie masculine et portes qui claquent  à tout va. C’est de la comédie française des plus traditionnelles qui fera sans doute l’objet d’une captation pour TF1 ou M6. Même si les auteurs ont vaguement tenté de vaporiser quelques éléments de l’époque contemporaine en intégrant la présence envahissante des smartphones, les logiciels de surveillance à distance, les références constantes à Internet et les gags involontaires des correcteurs automatiques. Pour autant l’univers évoqué demeure profondément vieillot : les hommes sont tous les mêmes, machos et égoïstes, tandis que les femmes sont nettement plus finaudes mais tout de même bien superficielles et parfois si naïves. On dirait que Me too n’a jamais existé pour ces personnages, ou bien que, s’il a existé, il ne dérange pas outre mesure les habitudes relationnelles de la bourgeoisie du XVIe arrondissement parisien.

Et si la pièce ne manque pas de rythme, celui-ci est en permanence le même, au point d’en devenir monotone. C’est à peine si, en plein milieu, les auteurs se sont donné la peine de tenter une brève excursion dans l’humour noir et la comédie plus trash : on reprend bien vite l’allure précédente. On est décidément dans le potache et le bon enfant. Et l’allusion discrète au « tableau blanc sur fond blanc » qui fit jadis l’objet d’une si belle pièce consacrée aux réactions amicales face à l’art contemporain ne sauve pas la teneur laborieuse de l’ensemble : n’est pas Yasmina Reza qui veut…

Par ailleurs, les comédiens font preuve d’une bonne humeur communicative même si l’on peine quelque peu à s’intéresser aux déboires de leurs personnages fades. La soirée avait bien commencé mais elle se finit tout de même bien, comme si, au fond, rien n’était jamais vraiment grave sous le soleil de Passy.

Auteurs Sophie Depooter et Thibaut de Lussy
Mise en scène Guillaume Mélanie
Avec Enora Malgré, Thibaut de Lussy, Charlotte Gouillon, Nicolas AudebaudLegrasEmilien RaineauDrys
Lumière Adrien Ribat
Décor Caroline Lowenbach
Costumes Flora Gihr

Durée 1h30 Du mercredi au samedi à 21h | Dimanche à 17h30Relâche du 13 au 17 août 2025

Théâtre de Passy, 95 rue de Passy – 75016 Paris

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