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La vertu, le complotisme et l’innovation pharmaceutique

La posture anti BigPharma : de l’ignorance, de la perméabilité au complotisme, et du surf de vague opportuniste qui n’épargne aucune communauté

La défiance des Français envers l’innovation et les industries qui la portent n’a rien de nouveau, on leur reconnaît une certaine aversion au risque, et ce sentiment que ce qui est technologique et d’origine industrielle s’oppose au naturel vertueux et inoffensif. La crise sanitaire a exacerbé cette posture et étendu son emprise, faisant émerger des attitudes irrationnelles voire complotistes au sein des groupes pourtant censés porter la rationalité.
 

Adeptes de la pseudoscience, gourous nature et santé, charlatans, antivax, pratiquants du populisme scientifique profitent de la situation sur le terreau propice de la pandémie, du climat en péril et des promesses d’exode vers les campagnes permises par l’essor du télétravail. On a envie de revenir au “monde d’avant” et même d’antan, comme un appel de la nature.

Cette soif d’authentique et de naturel désigne une cible antinomique facile qui cristallise toutes les angoisses et opportunismes de la crise : l’industrie pharmaceutique.


Cette cible n’est pas née de la pandémie, surtout en France où elle est culturelle, permise par une ignorance répandue du fonctionnement du secteur de la pharmacie, associé à l’essor de la pensée complotiste. C’est sur les réseaux sociaux, que convergent dangereusement des tenants des théories du complot étiquetés comme tels au rayon pseudoscience et désinformation et des chevaliers de la science. Le tout baigne dans une perfusion chronique de militantisme anti-pharma administrée de longue date par certains médias.


La méconnaissance des rouages de l’industrie pharma est entretenue dans une nébuleuse d’assertions accusatrices systématiques tous azimuts. La mécanique du “bashing Pharma” est enclenchée. En guise d’illustration, voici pêle-mêle quelques affirmations assénées ces derniers mois par des scientifiques sur Twitter ou par des rédactions Science de médias « mainstream » :

  • Les fabricants de vaccins sont responsable de la fracture vaccinale Nord-Sud faute d’approvisionnement suffisant en doses.
    Le développement des vaccins ARNm n’est pas du fait de l’industrie qui n’a fait que récupérer le travail de chercheurs académiques.
  • Les études cliniques mondiales vaccin ARNm Pfizer ne sont que de la vulgaire sous-traitance commandée par le “cerveau” scientifique Biontech
  • La recherche clinique par l’industrie n’est ni de qualité ni éthique, exploitant un marché de “traite de corps humains”.
  • Les labos font de la “science réglementaire” “aux antipode” de bonnes pratiques d’évaluation des médicaments  puisque des protocoles sont “coconstruits avec l’industrie”.
  • Les labos cachent les données à l’appui de leurs communiqués de résultats pour faire monter les cours de bourse sur du vent.

Ce panaché démontre une méconnaissance de l’industrie pharma qui génère interprétations et jugements loin de la réalité et du terrain, que l’on refuse de fouler accompagné d’experts de l’industrie car ils ne sont pas fréquentables et forcément des instruments de communication des labos.

Et puis ils sont dangereux ! ils pourraient remettre en cause le storytelling du noir dessein de l’industrie qui se doit d’être gangrénée à tous les échelons.

Du vrai complotisme y compris ce discrédit jeté sur les experts qui pourraient mettre en lumière une réalité non binaire. On vit cela sur les réseaux sociaux, ou le code en vigueur est de porter noblement la science en se pliant à la doxa du bashing BigPharma, sous peine d’être taxé d’être à sa solde. De même, les médias interrogent peu les spécialistes terrain de l’industrie, ouvrant la porte aux articles à charge.

Pourtant les scientifiques experts de l’industrie peuvent apporter la nuance. Faisons écho aux affirmations précédentes :

  • La  pénurie de vaccin à 1 an ne repose pas sur les épaules seules des fabricants, l’impréparation est globale outre le défi scientifique du virus inconnu.
  • Les travaux académique sur l’ARNm ne suffisent pas à faire des vaccins.
  • Un développement clinique mondial est de la R&D de haut niveau par un partenaire stratégique et non un vulgaire sous-traitant.
  • Les standards de qualité de la recherche sur les médicaments, l’industrie en est à la pointe, et développe des systèmes d’assurance qualité pour les respecter. La violation de l’éthique et de la loi comme à l’IHU Marseille sont la triste illustration d’un système dont la dérive chronique n’aurait pas été pas possible chez BigPharma.
  • Les modèles de protocoles sont co-construits depuis des décennies avec les autorités, client des dossiers d’AMM selon le principe Qualité d’inclusion du client dans la conception.
  • Communiquer les résultats de recherche significatifs est une obligation légale pour un labo coté avant communication des données à l’appui, afin de prévenir les délits d’initié.

Si 60 millions de covidologues” ont débarqué dans la crise sanitaire, l’expérience montre que le danger vient surtout d’experts d’un domaine s’affichant comme expert d’un autre, oubliant qu’ils ont dénoncé cette attitude chez un célèbre microbiologiste chasseur de microbes à la paillasse du laboratoire, qui s’est parachuté spécialiste en recherche clinique et santé publique. La recherche de notoriété emboîte le pas sur la clairvoyance : combattre BigPharma en mode Robin des Bois de la santé en mode indigné est plus populaire que d’expliquer cette industrie très technique.
Or dans la pharma comme dans toute industrie, il y a des erreurs, des scandales, du lobbying, de la délocalisation douloureuse, de l’optimisation fiscale ; combattons-les dans un esprit constructif plutôt qu’en mode vade retro satanas, car le partenariat public/privé est clé pour la recherche, l’innovation pharmaceutique et le progrès médical, et pour reconstruire la confiance en la science.

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