Médecin du travail : un docteur qui ne prescrit ni ne soigne au rôle de prévention peu valorisé
Il est important car il intervient pour préserver la santé des travailleurs et faire de la prévention dans ce cadre ; mais ces docteurs manquent de reconnaissance par leurs pairs et par le public
Les médecins du travail ont un rôle clé dans le monde du travail, mais cette spécialité est peu ou mal connue. Il nous a semblé utile de faire un tour d’horizon de cette spécialité : comment on accède à cette profession, quels sont ses rôles.
Comment devient-on médecin du travail ?
Il faut le reconnaître, la médecine du travail n’est souvent pas une vocation. Ce qui nous permet de le dire, c’est le choix que font les étudiants en médecine au moment de leur spécialisation. Pour cela, il faut comprendre comment fonctionne le système des études médicales : les étudiants choisissent leur spécialité dans l’ordre de leur classement à un concours. Ils deviendront alors internes dans des services hospitaliers pendant quelques années avant d’obtenir leur diplôme de médecine et d’exercer. Les lauréats ont libre choix de leur spécialité, les lanternes rouges prennent ce que les autres ont laissé.
C’est comme cela que l’on a une vue précise et exacte du niveau d’attractivité des spécialités médicales. Sans grande surprise, ce qui donne à la base un bon coup de pied dans la fourmilière de l’image de la médecine « par vocation » et désintéressée : ce sont les spécialités les plus rémunératrices qui sont en tête des choix des étudiants ; dans l’ordre sur le podium : la chirurgie plastique, l’ophtalmologie et la dermatologie (suivi de la cardiologie et de la chirurgie maxillo-faciale).
En queue de peloton, les spécialités les moins prisées, comme par hasard on retrouve ce qui paie le moins en rémunération : la médecine du travail, la biologie médicale et la santé publique (suivi de la psychiatrie et de la gériatrie). Vous l’avez compris, ce sont donc les derniers au concours qui se retrouveront à coup presque sûr médecins du travail.
Si l’argent apparaît donc comme un critère de choix essentiel, avec des rémunérations qui varient couramment du simple au double entre les spécialités les plus prisées et les moins prisées des étudiants, nous avons aussi la double peine du statut pour le trio des spécialités les plus boudées.
Médecin salarié sans patientèle ni ordonnancier
La mission du médecin du travail consiste à prévenir l’atteinte à la santé des travailleurs du fait de leur travail. Pour cela il va surveiller leurs conditions d’hygiène dans l’exercice de leur travail, les risques santé auxquels ils sont exposés, et leur état de santé au moyen de consultations individuelles périodiques. Il surveille aussi les conditions de sécurité des tiers qui visitent le lieu de travail.
Il donne des conseils à l’entreprise pour améliorer les conditions de travail et diminuer les risques d’ordre professionnel. Il tient à jour une fiche de l’entreprise et de ses risques en matière d’hygiène et de santé, où il indique les risques en question et les effectifs concernés, qui est présentée au comité social et économique de l’entreprise tous les ans.
Il surveille aussi les risques de contagion sur le lieu de travail, les risques Ici, et c’est encore une différence notable avec les professionnels de santé « classiques », le médecin du travail est en général salarié de l’entreprise dans laquelle il t travaille, comme les autres employés de la société. Quand la taille de cette dernière le justifie. À défaut, il est attaché à un SPSTI ou Service de prévention et de santé au travail interentreprise.
Visites d’aptitude
Concernant les visites médicales individuelles qu’il dispense, elle s’applique aux employés en CDI, CDD, intérim, contrats d’apprentissage et de professionnalisation. Les types de visites sont les visites d’embauche (dans le jargon VIP, visite d’information et de prévention). Le médecin du travail vérifie l’état de santé de la personne, l’informe et la sensibilise sur les risques en matières d’hygiène et de santé pendant le travail. Le médecin du travail détermine alors si la personne est apte , partiellement apte ou inapte à son emploi. Cela dit cette visite a lieu après l’embauche ; sauf pour les travailleurs de nuit, mineurs, et employés exposés à certains dangers dans leur travail (certains agents biologiques, champs électromagnétiques, entre autres), et les mineurs (moins de 18 ans).
Mais le médecin du travail ne prescrit pas de médicaments, ni même d’arrêt de travail. Il peut tout au plus demander des examens spécialisés complémentaires qui seront à la charge de l’entreprise, et encore lui conseiller le cas échéant de changer la personne de poste. C’est un avis consultatif, l’employeur n’est pas obligé de le suivre bien qu’il doive justifier pourquoi.
Le médecin du travail intervient aussi en cas d’arrêt de travail supérieur à 30 jours pour maladie ou accident : c’est une visite avant la reprise (pré-reprise) ou une visite de reprise selon le cas, cette dernière ayant lieu aussi après congé maternité, absence pour maladie professionnelle, absence de plus de 60 jours pour maladie ou accident non professionnel.
Il existe quelques autres visites au médecin du travail, à 45 ans en général, et au départ à la retraite et pour les employés soumis à risques particuliers (amiante, plomb, agents cancérigènes…).
Le médecin du travail est soumis à la déontologie médicale
On pourrait penser que les limitations des prérogatives du médecin du travail ne le soumet pas aux manquements en matière de déontologie médicale. S’il est vrai qu’il est moins exposé sachant qu’il ne soigne pas et ne prescrit pas, il est lui aussi soumis à ce type de risque professionnels Celui qui semble évident est dans sa délivrance d’avis d’aptitude ou de non aptitude. Or, ce n’est que depuis 2007 que les entreprises peuvent introduire des plaintes auprès de l’Ordre des médecins visant leur médecin du travail. Pourquoi si tardivement ? parce que ces professionnels de santé étaient protégés jusque-là au nom de la sacro-sainte indépendance nécessaire des médecins du travail. Un privilège qui a donc disparu, comme beaucoup d’autres tombes pour les médecins dont le lobby pour préserver les acquis est très puissant en France auprès des politiques.
Ainsi, au début de l’année, un médecin du travail a été lourdement condamné pour manquements à la déontologie médicale, car il avait délivré des « rapports et attestations tendancieux et de complaisance » entre 2020 et 2022 dont des avis d’inaptitude au travail concernant six salariés d’une entreprise de fabrication de portes et serrures blindées. par l’Ordre des médecin, jugé trop complaisant avec les salariés ; d’autant que ce médecin du travail déclarait les salariés inaptes à tout poste dans l’entreprise. En outre, il dénigrait l’entreprise auprès de confrères, pour être « maltraitante » avec ses employés. L’entreprise avait déposé plainte à l’Ordre, estimant que le médecin du travail avait établi une quinzaine d’avis d’inaptitudes sur les deux années concernées, dont de complaisance. Le médecin en question a été condamné à un an d’interdiction d’exercer dont 6 mois en sursis.
Illustration d’en-tête : Andrea pour Science infused
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