Microplastiques, nanoplastiques : le risque direct d’absorption pour la santé humaine cartographié par des chercheurs
On parle plus de leurs effets sur l’environnement et la pollution marine qu’ils génèrent ; pourtant nous en ingérons quotidiennement et de plus en plus, et c’est toxique ; une vaste étude récente donne une vue inédite du problème
Les microplastiques nous évoquent la pollution de l’environnement, en particulier au niveau marin, détruisant faune et flore. Qui n’a pas vu des images poignantes d’animaux tels que des tortues ou des oiseaux agonisants, pris au piège dans des déchets plastiques ?
Minuscules particules omniprésentes
Par microplastiques, on entend des particules de très petite taille, allant de quelques centaines de nanomètres à moins de 5 millimètres. On en trouve absolument partout : terre, ciel (air) et mer, cours d’eau… et tous les êtres vivants peuvent en absorber. Ce sont souvent des déchets provenant de la fabrication humaine de plastiques, dont beaucoup de polyéthylène, qui finissent pour 10 % d’entre eux dans les océans.
Les plastiques sont des polymères faciles à fabriquer et selon la composition, ils peuvent avoir des caractéristiques très variables, de rigides à souples, et d’autres qui varient en fonction d’additifs incorporés à leur préparation. On comprend bien le risque de toxicité potentiel des additifs, auquel s’ajoute un risque infectieux car des bactéries peuvent coloniser la surface des plastiques.
Mais les microplastiques sont partout, et pas uniquement dans l’environnement. Voyons pourquoi.
Déchets… ou non !
Les microplastiques sont donc soit des produits secondaires issus de la dégradation physico-chimique et biologique de matières en plastique de plus grosse taille. Dans les océans, par exemple, avec le temps, sous l’action mécanique des courants, les plastiques se réduisent en microplastiques. Sur la terre, on peut citer par exemple l’abrasion des pneus de voiture sur la route, qui forme Mais il existe aussi des microplastiques primaires, fabriqués intentionnellement. À quoi peuvent donc bien servir de fabriquer du plastique microscopique ? Et bien, à beaucoup de choses, et on peut citer en particulier les dentifrices, et les produits cosmétiques comme les exfoliants. Des microplastiques primaires sont aussi fabriqués, sous forme de granulés, pour servir de matière première à la fabrication de produits en plastique.
Cartographie de l’absorption humaine de microplastiques dans le monde
Une étude récente publiée en avril 2024 dans la revue scientifique Environmental Science & Technology par deux ingénieurs de l’université Cornell à New York, Lengqi You et Xiang Zhao, apporte de précieuses informations en provenance de 109 pays sur les trois décennies écoulées. Son titre est explicite : Microplastic Human Dietary Uptake from 1990 to 2018 Grew across 109 Major Developing and Industrialized Countries but Can Be Halved by Plastic Debris Removal (traduction : Entre 1990 et 2018, l’absorption alimentaire de microplastiques par l’homme a augmenté dans 109 grands pays en développement et industrialisés, mais peut être réduite de moitié grâce à l’élimination des débris de plastique).
Le danger direct pour les humains et beaucoup d’autres espèces, c’est l’ingestion et l’inhalation de microplastiques. Les auteurs donnent un aperçu de ces voies alimentaires et aériennes et des moyens de réduction de l’absorption par le contrôle de la qualité de l’eau, l’élimination des débris plastiques aquatiques.
Les auteurs fournissent la cartographie suivante sur la base de leur étude dans 109 pays. La méthodologie de l’étude s’appuie sur des modèles de calcul existants, avec la prise en compte de facteurs comme les habitudes alimentaires, la démographie, la contamination, les technologies de transformation industrielle des différents groupes d’aliments (fruits et légumes, céréales, produits laitiers, poissons, viandes, sel, sucre, épices…).
Elle présente pour chacun d’eux l’estimation de l’absorption quotidienne de microplastiques par ingestion (en haut, carte verte), et par inhalation (en bas, carte beige). Ainsi, pour la France par exemple, les auteurs ont calculé une ingestion de 60 mg/j par habitant auxquels s’ajoutent l’inhalation de microplastiques de 30 000 particules/j par habitant. On voit sur les deux cartes que l’Indonésie se distingue avec une consommation hors normes de microplastiques par ingestion et par inhalation. Il y a différents facteurs à cela, dont par exemple, le fait que le sel de cuisine en Indonésie contient 100 fois plus de microplastiques que la moyenne mondiale. Le Paraguay ressort comme le pays dont les habitants « consomment » le moins de microplastiques au quotidien.
Le constat général de l’étude est l’ingestion de microplastiques a été multiplié par près de 60 entre 1990 et 2018.
En inhalation, c’est la Chine qui arrive en tête avec plus de 2,8 millions de particules inhalés par jour par habitant. En Amérique du Nord, on inhale 3 fois moins de microplastiques qu’en France. Les pays en voie de développement en inhalent beaucoup plus que les pays développés, où la tendance est à la baisse.
Les auteurs considèrent que l’absorption de microplastiques par pays est un indicateur local clé de la pollution plastique et des risques associés en termes de santé publique. Ils espèrent que le fruit de leur travail permettra à chaque pays de prendre la mesure de cette pollution pour leurs habitants et de prendre le cas échéant les mesures nécessaires, comme l’amélioration de la qualité de l’eau et de l’air.
Effets mal connus sur la santé
Les effets des microplastiques sur la santé sont mal connus, mais le peu que l’on sait est, on s’en doute, plutôt de la nocivité. On sait que les microplastiques (et les encore plus petits nanoplastiques, dont la taille est inférieure à 0,001 millimètre)) peuvent provoquer de l’inflammation dans l’organisme. Les particules passent dans la circulation sanguine, et cela peut entraîner leur dépôt dans de multiples parties du corps. À la clé, des affections chroniques de type inflammatoire, comme celles de l’intestin. Alors si la causalité avec les microplastiques n’est pas prouvée, il y a corrélation car on a pu montrer une concentration plus importante de microplastiques dans le fécès des patients atteints de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin.
Il n’est pas non plus impossible que les nanoplastiques puissent s’accumuler dans le cerveau, et peut-être provoquer des démences comme la maladie de Parkinson.
En attendant, des millions de tonnes de plastique continuent d’être déversées dans les océans.
Image d’en-tête : dessin de de presse VHA pour Science infuse
Les autres illustrations sont du matériel issu de l’article scientifique évoqué sous licence CC-BY-NC-ND 4.0.
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