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Musée d’Orsay : « Un soir avec les impressionnistes Paris 1874 » : une immersion virtuelle saisissante

Ambiances, couleurs et émotions sont au rendez-vous au cœur de la première exposition impressionniste en compagnie de ses peintres pionniers du mouvement. Courez-y.

L’expérience est tout d’abord assez déroutante et surprenante, surtout dans le cadre d’une première expérience en réalité virtuelle, car on est littéralement plongé dans un autre univers d’un clic de l’opérateur des casques de réalité virtuelle arrimés à nos têtes. On ne voit plus la réalité du monde qui nous entoure, puisqu’elle est comme effacée pour être réinventée, avec un introduction notre téléportation instantanée dans une rue de Paris fin XIX siècle riche en couleurs et animations. Ce n’est pas simplement des éléments imaginaires ajoutés à un décor existant, c’est une construction totale d’une nouvelle réalité via le virtuel.

Vivre un événement historique, guidé par un personnage fictif à nos côtés

C’est aussi une histoire à laquelle nous prenons part, dont le scénario vraie se déroule (ou plutôt, se joue à nouveau) à Paris, en 1874, devant nos yeux émerveillés. En effet, nous sommes en fait invités à suivre son cours comme si nous avions utilisé le « retourneur de temps » d’Harry Potter, nous transformant à la fois en spectateurs et acteurs de l’ombre pour explorer le passé.

Nous ne sommes cependant pas tout à fait invisibles, puisqu’un personnage fictif d’époque ou « PNJ » comme on pourrait les appeler en faisant un parallèle logique avec les jeux vidéo, une femme élégante vêtue d’une robe bleue, d’un chapeau et d’une ombrelle, mène la visite et nous parle directement, donnant l’impression d’un tête-à-tête troublant, intimité suggérée par des impressions de regards qui ne semblent dédiées qu’à nous et sur le ton de la confidence. Elle nous entraîne sur ses pas, aidée de temps à autre par des marquages lumineux éphémères de périmètres au sol, tout au long de cette aventure qui s’apparente à une agréable promenade très riche en émotions Car nous sommes bien en mouvement, nous marchons individuellement et librement ou presque, nous retournons, avançons attirés par tel ou tel détail du décor virtuel, explorons les lieux virtuels, acteurs de nos déplacements. Cette liberté octroyée intensifie la magie du moment.

Dans les rue de Paris, 15 avril 1874 – @2024, Excurio GEDEON Experiences- Au centre, notre guide de visite virtuelle

Techniques de cohabitation des réalités physique et virtuelle

L’expérience a lieu sous forme de sessions d’une vingtaine de personnes, que nous ne verrons que brièvement au moment de la distribution réelles autour de nous, elles sont désormais représentées par des silhouettes fantomatiques, des sortes de bonhommes blancs-clones qui renforcent l’impression d’être ailleurs, plongé dans un univers parallèle. La seule façon de reconnaître ses proches : lire le nom indiqué au-dessus de leur tête, noms soigneusement collectés par les organisateurs lors de la distribution des casques. Ces noms sont en fait, avec les murs réels qui si on s’y cogne, apparaissent comme un grillage lumineux, le seul élément qui nous rattache à la réalité, nous rassurant face à cette petite voix dans notre tête qui peut potentiellement nous rappeler qu’en fait, nous n’avons aucune idée d’où nous nous trouvons dans l’espace réel de l’exposition: en effet nous n’avons même pas vu la salle dans laquelle se déroule l’expérience.

Malgré quelques incidents (risque de collision avec d’autres personnes possible, à très faible vitesse car nous ne faisons que marcher lentement et stationner, alternativement), l’organisation des déplacements est solide, permettant une immersion quasi-totale. On s’imagine d’ailleurs à un lieu pour cette expérience relativement grand au vu de la liberté de mouvements que nous avons malgré la taille du groupe présent qui n’est pas moindre, et la durée de 45 minutes de la session où nous ne cessons de nous déplacer.

L’expérience virtuelle à 100 % sans la distraction du réel

Tout est question de perception et on se concentre alors sur sa vue et sur son ouïe, sens qui sont comme amplifiés du fait que l’on n’a plus accès aux autres, et surtout puisqu’aucune distraction n’est désormais possible (on ne voit même pas sa propre main donc une utilisation du téléphone ou de tout autre chose serait encore moins envisageable). À l’ère où tout est question de s’organiser pour capturer un moment plaisant (concert, voyage, visite…), ce qui nous distrait malgré nous, on est ici invité à profiter pleinement du moment présent qui n’existe que « dans nos yeux » grâce à la technologie et cet instant avec soi-même. Il ne reste alors qu’à observer et ressentir sans aucune autre préoccupation.

Le cerveau est bel et bien dupé par cette construction de la réalité, ce que l’on constate lorsqu’il y a par exemple une marche de ponton à descendre : cela provoque une sorte de « bug » interne, car étant sur un terrain plat dans la réalité, on se met alors à être réticent à l’idée de descendre cette marche, qui n’existe pourtant pas (ou encore, quand nous montons les toits étriqués de Paris et n’osons pas poser le pied sur une zone de « vide »).

Décors à explorer

On est transporté dans différents décors très diversifiés de l’ancien Paris typique de la fin du 19e siècle (cadre intimiste dans un appartement-atelier d’artiste – celui du peintre Bazille, luxueux pour la 1ère exposition impressionniste, musée, ou encore sous le soleil en plein milieu d’une place animée de passants et de calèches tirées par des chevaux…) – mais aussi ailleurs : à une guinguette, en bord de mer (Le Havre), sur une falaise (Étretat), sur une île (La Grenouillère) dans une ambiance toujours dynamique, emplie de charme et de détails. Nous l’avons compris, ou reconnu en fonction du degré de notre érudition en matière d’œuvres impressionnistes : cette immersion virtuelle nous plonge au cœur de célèbres tableaux aux couleurs chatoyantes, et cela nous transperce littéralement.

Émotions et Histoire

L’expression « en avoir plein la vue » prend ici tout son sens : les paysages sont de toute beauté, presque oniriques, avec des couleurs et lumières magnifiques sur lesquelles les créateurs du concept semblent jouer pour ajouter une dimension poétique à l’histoire, nous plongeant dans les codes de l’impressionnisme même). On se retrouve aussi bien en pleine journée (par exemple, moment avec les baigneurs sur une île dans une ambiance champêtre) qu’en pleine golden hour sous un impressionnant lever de soleil en bord de mer. Et la « scène » finale qui clôt l’expédition en apothéose se déroule dans la douceur nocturne parisienne, sur ses toits devant un spectacle coloré (pour ne pas spoiler).

Au-delà de l’aspect visuel, la portée historique est riche, nous permettant de découvrir via des reconstructions sans doute très authentiques, les lieux ayant marqué les débuts de l’impressionnisme ainsi que les figures les plus emblématiques du mouvement, telles que Renoir, Monet, Cézanne, ou Bazille. Le scénario nous embarque dans la genèse de sa création par les artistes qui l’ont bouleversé, et que nous pouvons alors en quelque sorte rencontrer (au début, dans l’atelier avec une exposition à l’ambiance de fête), puis dont nous pouvons suivre les aventures et leurs riches conversations dans des lieux qu’ils affectionnaient particulièrement, allant jusqu’à les peindre en direct devant nous afin que nous puissions (re)découvrir leurs œuvres marquantes, si tant est que nous ne les avons pas reconnues en s’y promenant virtuellement et en 3D. Dans tous les cas, on en ressort bouleversé.

La VR, must éducatif

Ainsi, la technologie nous permet (presque) d’oublier qu’elle est là. La puissance de l’esthétique est mise au service d’une documentation admirable. Nous pouvons, individuellement, nous déplacer dans les recoins d’intérêt du décor virtuel, nous éloigner de notre accompagnatrice fictive, dévisager les peintres et suivre leurs conversations ou préférer jeter un coup d’œil par les fenêtres virtuelles qui nous plongent dans le Paris d’antan.
On peut donc dire que le cocktail original « Histoire de l’Art et réalité virtuelle » au service du Beau (dans les sens artistique et esthétique du terme) est réussi. Malgré un « graphisme » qui reste encore perfectible concernant surtout les personnages et leurs visages, il est tout de même intéressant de noter à quel point la technologie parvient à tromper le cerveau et à créer des réactions physiques, comme la réticence à descendre une marche virtuelle. On en ressort avec une meilleure compréhension de l’impressionnisme, et plein d’émotions grâce à l’expérience immersive : la VR, c’est comme le luxe de l’éducation à l’Histoire de l’Art !

Alors, prêts à abandonner la toile pour vous engouffrer dans les toiles des maîtres impressionnistes ? Une expérience de machine virtuelle à remonter le temps aussi instructive que chargée d’art et d’émotion. On n’en ressort pas indemne… À ne pas rater !

Frédéric Bazille, peinture de Pierre Auguste Renoir – Huile sur toile, 1867 – Musée d’Orsay (photo de l’auteur)

Musée d’Orsay, Paris, jusqu’au 11 août 2024

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