‘Petites misères de la vie conjugale’ d’Honoré de Balzac, au théâtre de Poche Montparnasse
On sait avec quelle gourmande passion Balzac s’ingénia, sa courte vie durant, à étudier les mœurs de ses contemporains. Tel Buffon (son modèle absolu) classifiant les espèces animales, Balzac plaçait les humains sous le microscope puissant de son acuité intellectuelle et de son cynisme. Il va de soi que le mariage, ce pilier fondamental de la société occidentale bourgeoise, ne pouvait qu’attirer son attention.
« Le mariage est une institution nécessaire au maintien des sociétés…mais contraire aux lois de la nature ».
Le mariage est considéré comme fondamental parce qu’il permet de perpétuer l’espèce mais aussi, bien entendu, de sauvegarder le patrimoine, et, si possible, d’accroître les fortunes. Compter ses biens en toute impunité avec qui nous ressemble, les additionner à ceux d’un partenaire de même classe sociale et assurer l’avenir. Mais le paradoxe des paradoxes, « la comédie des comédies » (ainsi le nomme Balzac lui-même) c’est que le mariage adopte, en même temps, les apparences de l’apothéose amoureuse, les vertus idéales de l’alliance de deux cœurs, le manteau de l’amour pur. Autant jouer au banquier d’affaires en se prétendant poète parnassien !
Balzac s’intéresse au sujet une première fois, au tout début de sa carrière littéraire, en 1829, sous la forme d’un essai cocasse intitulé Physiologie du mariage. L’ouvrage paraît sans nom d’auteur mais va constituer, de par son aspect scandaleux, l’un des premiers succès éditoriaux de l’auteur de la Comédie humaine. Puis, il renouvelle, en 1846, quinze ans plus tard, en publiant Petites misères de la vie conjugale, qui possède, lui, une forme plus narrative, mettant en scène un homme et une femme, Adolphe et Caroline, stéréotypes des jeunes mariés de la tradition la plus classique. Elle est belle, il ne l’est pas, il est juge d’instruction, elle n’est rien du tout, ils se connaissent à peine, il demande sa main, ils s’épousent, font un enfant, s’aiment, ne s’aiment plus, se détestent, se déchirent, s’ennuient et se trompent. Et tout ceci, Balzac dixit, c’est le mariage !
On comprend tout à fait ce qui a pu amuser et retenir l’attention de Pierre-Olivier Mornas, tout à la fois adaptateur de l’œuvre originale, metteur en scène et interprète du rôle masculin. Certes, le texte est superbement troussé, les répliques cinglantes font mouche, la réflexion est habile et les traits d’esprit sont efficaces. Mais, une fois passé le premier quart d’heure de découverte, une fois salués les premiers brillants « bouts de ficelle transcendés » de la mise en scène (le lien de cuir qui se métamorphose en rênes de la calèche, le pot de bégonia qui symbolise la présence de la belle-mère, etc), on finit par s’ennuyer de cette perpétuelle répétition des mêmes constats : le mariage est amusant durant trois mois et mortel durant dix ans.
Reste aussi que le traitement fait par Balzac des deux protagonistes n’est pas tout à fait le même. Certes, les hommes ont des défauts : ils sont volontiers menteurs, dissimulateurs et quelque peu volages. Mais comme les femmes les battent dans ce domaine. Caroline est capricieuse, superficielle, coquette, naïve, irréfléchie, écervelée, minaudière, jalouse, intrusive, dépensière, inculte. Et l’on plaint au final le pauvre Adolphe de tout ce qu’il doit subir. D’ailleurs, au tout début de la pièce, ne dit-on pas : « En amour, la femme est comme une lyre qui ne livre ses secrets qu’à celui qui en sait bien jouer » ? Autrement dit, pauvres hommes qui ont la charge délicate de tout gérer.
Même si cette charge au vitriol contre l’institution du mariage ne manque pas de piment, on ne saurait oublier qu’elle est l’œuvre d’un misogyne forcené : Balzac lui-même était bien trop occupé à voler de jupon en jupon pour se préoccuper de mariage. Il ne le fit que fort tard, à quelques années à peine de son décès.
Crédit photos : Sébastien Toubon
D’après Petites misères de la vie conjugale et Physiologie du mariage d’Honoré de BALZAC
Mise en scène et adaptation Pierre-Olivier MORNAS
Avec Alice D’ARCEAUX
et Pierre-Olivier MORNAS
Assistante mise en scène : Émilie CHEVRILLON
Lumières : Alireza KISHIPOUR
Théâtre de Poche Montparnasse, 75 boulevard du Montparnasse – 75006 Paris
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