Points clés du GIEC sur les interventions humaines nécessaires à l’atténuation du changement climatique
Par Céline Guivarch, Researcher Climate Change, Associate Professor École des Ponts Paritech, CIRED UMR8568
Le 20 mars, le GIEC publiera une synthèse sur le rapport du groupe de travail III du GIEC qui fournit une évaluation mondiale actualisée des progrès et des engagements en matière d’atténuation du changement climatique et examine les sources d’émissions mondiales.
Prenons de l’avance avec Céline Guivarch qui en livre les points essentiels
Le rapport du groupe de travail III du GIEC fournit les connaissances scientifiques sur les émissions passées et les trajectoires d’émissions futures, les options de réduction des émissions, les politiques de lutte contre le changement climatique, leur financement et les innovations qu’elles requièrent. Il a été publié en avril 2022.
Voici une les points essentiels mis en avant dans ce rapport.
Les émissions anthropiques nettes totales de GES ont continué à augmenter au cours de la période 2010-2019, tout comme les émissions nettes cumulées de CO2 depuis 1850. Les émissions annuelles moyennes de GES (gaz à effet de serre) au cours de la période 2010-2019 ont été plus élevées qu’au cours de toutes les décennies précédentes, mais le taux de croissance s’est ralenti.
Les contributions régionales aux émissions mondiales de GES continuent de varier considérablement. Les variations des émissions régionales et nationales par habitant reflètent en partie les différents stades de développement, mais elles varient aussi considérablement à des niveaux de revenus similaires.
Les 10 % de ménages dont les émissions par habitant sont les plus élevées contribuent de manière disproportionnée aux émissions mondiales de GES des ménages. Au moins 18 pays ont maintenu des réductions d’émissions de GES pendant plus de 10 ans.
Les coûts unitaires de plusieurs technologies à faibles émissions n’ont cessé de baisser depuis 2010. Les politiques d’innovation ont permis de réduire ces coûts et de soutenir l’adoption de ces technologies à l’échelle mondiale.
Les émissions mondiales de GES en 2030 associées à la mise en œuvre des contributions déterminées au niveau national (CDN) annoncées avant la COP26 rendraient probable un réchauffement supérieur à 1,5°C au cours du 21e siècle. Pour limiter le réchauffement à moins de 2 °C, il faudrait alors accélérer rapidement les efforts d’atténuation après 2030. Les politiques mises en œuvre d’ici à la fin de 2020 devraient entraîner des émissions mondiales de GES plus élevées que celles prévues par les CDN. Les émissions cumulées de CO2 prévues pour la durée de vie des infrastructures de combustibles fossiles existantes et actuellement planifiées, sans réduction supplémentaire, dépassent les émissions cumulées nettes de CO2 dans les voies qui limitent le réchauffement à 1,5 °C (> 50 %) avec un dépassement nul ou limité. Elles sont à peu près égales au total des émissions nettes cumulées de CO2 dans les voies qui limitent le réchauffement à 2°C (> 67 %). Les émissions mondiales de GES devraient atteindre leur maximum entre 2020 et au plus tard avant 2025 dans les modèles mondiaux qui limitent le réchauffement à 1,5 °C (> 50 %) sans dépassement ou avec un dépassement limité, et dans ceux qui limitent le réchauffement à 2 °C (> 67 %) et qui supposent une action immédiate.
Les émissions nettes de CO2 au niveau mondial sont atteintes au début des années 2050 dans les scénarios modélisés qui limitent le réchauffement à 1,5 °C (> 50 %) avec un dépassement nul ou limité, et vers le début des années 2070 dans les scénarios modélisés qui limitent le réchauffement à 2 °C (> 67 %).
Nécessité de transitions majeures
La réduction des émissions de GES dans l’ensemble du secteur de l’énergie nécessite des transitions majeures, notamment une réduction substantielle de l’utilisation globale des combustibles fossiles, le déploiement de sources d’énergie à faibles émissions, le passage à des sources d’énergie alternatives, l’efficacité énergétique et la conservation de l’énergie.
La poursuite de l’installation d’infrastructures de combustibles fossiles sans relâche nous enfermera dans les émissions de gaz à effet de serre.
Atténuation des émissions
Il est difficile mais possible de réduire à zéro les émissions de CO2 du secteur industriel. La réduction des émissions de l’industrie nécessitera une action coordonnée tout au long des chaînes de valeur afin de promouvoir toutes les options d’atténuation, y compris la gestion de la demande, l’efficacité énergétique et des matériaux, les flux circulaires de matériaux, ainsi que les technologies de réduction et les changements transformationnels dans les processus de production.
Les zones urbaines peuvent créer des opportunités d’accroître l’efficacité des ressources et de réduire de manière significative les émissions de gaz à effet de serre grâce à la transition systémique des infrastructures et de la forme urbaine vers des voies de développement à faible taux d’émission, en vue d’atteindre des émissions nettes nulles.
Dans les scénarios mondiaux modélisés, les bâtiments existants, s’ils sont modernisés, et les bâtiments à construire, devraient approcher des émissions nettes de GES de zéro en 2050 si des ensembles de mesures, qui combinent des mesures ambitieuses en matière de suffisance, d’efficacité et d’énergie renouvelable, sont effectivement mis en œuvre et si les obstacles à la décarbonation sont levés.
Les options axées sur la demande et les technologies à faibles émissions de GES peuvent réduire les émissions du secteur des transports dans les pays développés et limiter la croissance des émissions dans les pays en développement.
Les options d’atténuation de l’AFOLU [agroferesterie = association d’arbres et de cultures ou d’animaux sur une même parcelle, ndlr], lorsqu’elles sont mises en œuvre de manière durable, peuvent permettre de réduire les émissions de GES à grande échelle et d’améliorer l’absorption, mais elles ne peuvent pas compenser entièrement les retards pris dans d’autres secteurs.
En outre, les produits agricoles et forestiers issus de l’agriculture durable peuvent être utilisés à la place de produits à plus forte intensité de GES dans d’autres secteurs.
Atténuation de la demande
L’atténuation du côté de la demande englobe les changements dans l’utilisation des infrastructures, l’adoption de technologies pour l’utilisation finale et les changements socioculturels et comportementaux.
Les mesures axées sur la demande et les nouveaux modes de fourniture de services d’utilisation finale peuvent réduire les émissions mondiales de GES dans les secteurs d’utilisation finale de 40 à 70 % d’ici à 2050 par rapport aux scénarios de référence, alors que certaines régions et certains groupes socio-économiques ont besoin d’énergie et de ressources supplémentaires.
Les options de réponse à l’atténuation de la demande sont compatibles avec l’amélioration du bien-être de base pour tous.
Le déploiement de l’élimination du dioxyde de carbone pour contrebalancer les émissions résiduelles difficiles à supprimer est inévitable si l’on veut parvenir à des émissions nettes de CO2 ou de GES nulles. Les options d’atténuation dont le coût est inférieur ou égal à 100 tCO2-eq-1 pourraient réduire les émissions mondiales de GES d’au moins la moitié du niveau de 2019 d’ici à 2030.
Dans la plupart des publications évaluées, l’avantage économique global d’une limitation du réchauffement à 2 °C dépasserait le coût de l’atténuation.
Besoin de gouvernance
Le renforcement des mesures d’atténuation et une action plus large visant à réorienter les voies de développement vers la durabilité auront des conséquences en termes de répartition à l’intérieur des pays et entre eux. L’attention portée à l’équité et à la participation large et significative de tous les acteurs concernés dans la prise de décision à toutes les échelles peut renforcer la confiance sociale, ainsi qu’approfondir et élargir le soutien aux changements transformateurs.
Les flux financiers recensés sont inférieurs aux niveaux nécessaires pour atteindre les objectifs d’atténuation dans tous les secteurs et toutes les régions.
L’accélération de la coopération financière internationale est un catalyseur essentiel des transitions justes et à faibles émissions de gaz à effet de serre, et peut remédier aux inégalités en matière d’accès au financement ainsi qu’aux coûts des impacts du changement climatique et à la vulnérabilité à ces impacts.
La gouvernance climatique est plus efficace lorsqu’elle s’intègre dans de multiples domaines politiques, qu’elle aide à réaliser des synergies et à minimiser les compromis, et qu’elle relie les niveaux d’élaboration des politiques nationales et infranationales.
Cet article GRATUIT de journalisme indépendant à but non lucratif vous a intéressé ? Il a pour autant un coût ! Celui d’une rédaction qui se mobilise pour produire et diffuser des contenus de qualité. Qui paie ? vous, uniquement, pour garantir notre ultra-indépendance. Votre soutien est indispensable.
Science infuse est un service de presse en ligne agréé (n° 0324 x 94873) piloté par Citizen4Science, association à but non lucratif d’information et de médiation scientifique.
Notre média dépend entièrement de ses lecteur pour continuer à informer, analyser, avec un angle souvent différent car farouchement indépendant. Pour nous soutenir, et soutenir la presse indépendante et sa pluralité, faites un don pour que notre section presse reste d’accès gratuit, et abonnez-vous à la newsletter gratuite également !