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Réseau social X : Une lettre menaçante de Thierry Breton à Elon Musk a entraîné une réaction vive de ce dernier et le désavœu de la Commission européenne et du Congrès américain

Le commissaire européen voulait notamment dissuader le patron de X de réaliser son entretien en direct avec Donald Trump sur X, invoquant, à nouveau, une violation des dispositions du Digital Service Act (DSA)

C’est un bras de fer musclé engagé par le commissaire européen Thierry Breton avec Elon Musk contre le réseau social X (anciennement Twitter). Nous vous en relatons régulièrement les péripéties dans ces colonnes. Ce dernier a l’habitude de publier des rappels à l’ordre et menaces de sanction contre X. Son patron a l’habitude d’y réagir publiquement sans délai. La coutume n’a pas failli cette semaine, L’enjeu, c’est le respect de la réglementation nouvelle depuis 2022 qui encadre les réseaux sociaux en termes de modération de contenu. En la matière, l’Union européenne est pionnière pour instaurer des requis de luttecontre la désinformation imposée aux plateformes par le DSA (Digital Service Act). Cette réglementation l’autorise à prononcer des sanctions aux contrevenants, avec des amendes pouvant aller jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires mondial des plateformes concernées.

La lettre répétitive et insistante de Thierry Breton

La lettre publiée par le commissaire européen français est longue, répétitive, et d’un style pour le moins lourd et insistant. Il l’a publiée sur X avec ce mot introductif pour la résumer : « Une grande audience implique une plus grande responsabilité DSA. Comme il existe un risque d’amplification de contenus potentiellement nuisibles en Europe en lien avec des événements à forte audience dans le monde entier, j’ai envoyé cette lettre à Elon Musk »

Sur le fond, les griefs et menaces sont toujours les mêmes : libre cours à la désinformation, manque de modération, et en conséquence violation du DSA et menaces de sanctions. Mais cette fois-ci, le patron de X est attaqué à titre personnel puisque Thierry Breton évoque « les diffusions en live » et le rôle d’influenceur d’Elon Musk en tant « qu’utilisateur ayant 190 millions de followers« . L’interview de Donald Trump est ainsi clairement sur la selette.
Il faut dire qu’Elon Musk défend le « free speech« , c’est-à-dire la liberté d’expression quasi-totale, s’attaque à la presse « mainstream ». Il la considère comme instrument de propagande et propose son remplacement par du « citizen journalism« , c’est-à-dire du journalisme collaboratif par les citoyens. Sa plateforme est censé en être le théâtre, et d’une façon générale la plus grande agora du monde pour communiquer en toute liberté. Son positionnement politique est par ailleurs clair désormais avec son soutien pour Donald Trump intronisé pour les présidentielles 2024.
Dans ce contexte, la Commission européenne a lancé une enquête sur X au titre du respect du DSA en 2023, dont les résultats ne devraient pas tarder à tomber. Thierry Breton avait d’ailleurs sommé publiquement de fournir des informations et procédures internes à X à ce titre.

La réaction coup de poing d’Elon Musk

Le patron de X a répondu à la lettre de M. Breton par un mème tiré du film américain Tonnerre sous les tropiques (2008), l’introduisant ainsi : « Pour être honnête, je voulais vraiment répondre avec ce mème de Tonnerre sous les tropiques, mais je ne ferais JAMAIS quelque chose d’aussi grossier et irresponsable !« 

On y voit un personnage s’énerver contre un interlocuteur radio en lui criant les mots : « Take a big step back, and literally, fuck your own face! » que l’on peut traduire approximativement, s’agissant d’une insulte en argot : « Fais un grand pas en arrière et, littéralement, va te faire mettre ! »

Copie d’écran réseau social X


La prise de distance de la Commission européenne sur la lettre de son commissaire

Mardi 13 août, la Commission se désolidarise clairement de la lettre de Thierry Breton. On apprend que les autres commissaires et la présidente de la Commission Ursula van der Leyen n’ont validé ce courrier « ni sur le timing ni sur le ton », ce qui révèle la correspondance comme une initiative personnelle du Français. La Commission indique ne pas être en accord ni avec le moment ni avec le ton de ce courrier.

Dans un article publié le même jour, le Financial Time affirme que « Bruxelles a accusé son commissaire au marché intérieur d’avoir agi de manière déloyale en envoyant une lettre à Elon Musk, le menaçant de sanctions si le contenu publié sur le site de médias sociaux X s’avérait exposer les citoyens de l’UE à un risque de « préjudice grave ». »

Il est clair que les élections présidentielles sont un sujet délicat. Si l’enjeu en matière de désinformation et de propagande est important, le fait de viser particulièrement l’interview de Trump par Musk et de façon préventive par Thierry Breton a de quoi mettre mal à l’aise la Commission européenne qui ne veut évidemment pas être mêlée aux élections américaines.

Le Congrès des États-Unis écrit un courrier virulent à Thierry Breton

Le 15 août, c’est la Chambre des représentants, l’un des deux organes du pouvoir législatif aux États-Unis qui prend la plume, lui adressant une courte missive accompagnées de textes de référence :

« La commission judiciaire et la sous-commission sur l’armement du gouvernement fédéral de la Chambre des représentants des États-Unis contrôlent de quelle façon et dans quelle mesure l’exécutif du gouvernement américain a contraint des entreprises et d’autres intermédiaires à censurer des propos licites, ou s’est entendu avec eux par collusion. Dans le cadre de sa mission de surveillance, la sous-commission a reçu des témoignages sur la manière dont des fonctionnaires d’autres gouvernements, y compris vous-même et d’autres fonctionnaires de l’UE, ont cherché à censurer le discours en ligne, y compris le discours politique. À la lumière de vos récentes menaces de représailles à l’encontre de X Corp., une société américaine, pour avoir facilité le discours politique aux États-Unis, nous vous écrivons pour vous demander de cesser toute tentative d’intimidation des personnes ou entités engagées dans le discours politique aux États-Unis et de ne prendre aucune mesure pour interférer autrement dans le processus démocratique américain. »

Ce courrier est posté sur le réseau social X avec le commentaire: « Voici ce que nous vous adressons. La liberté arrive !« 

L’entretien d’Elon Musk avec Donald Trump

Elon Musk avait annoncé cet entretien en direct pour marquer le grand retour du président américain sur le réseau social, car il avait été banni par Twitter à l’époque des événements du Capitole en janvier 2021.

Il a bien eu lieu le 13 août, durant plus d’une heure. Il a rassemblé 1 million d’auditeurs sur X. Il est disponible en réécoute sur X mais aussi sur YouTube,

Néanmoins, l’entretien a démarré avec 40 minutes de retard, en raison selon Musk d’une cyberattaque « massive » sur le réseau social, annonçant que les équipes techniques travaillaient à sa résolution et que cela pouvait entraîner la réduction du nombre d’auditeurs.

Copie d’écran réseau social X

Évidemment, Elon Musk n’a pas tari d’éloges envers Donald Trump, et réciproquement. Le patron de X a expliqué voir Trump comme le sauveur pour aller « dans le bon chemin » dans une période qu’il considère comme décisive pour l’humanité. La tentative d’assassinat, l’immigration, l’adversaire démocrate Kamala Harris, ont été abordés parmi d’autres thèmes de campagne. Elon Musk est allé jusqu’à proposer ses services dans le futur gouvernement de Donald Trump, le cas échéant, pour une commission visant au bon usage de l’argent des contribuables.

Image d’en-tête : dessin de presse Milleray pour Science infuse

Mise à jour 16/08/2024 : ajout du paragraphe relatif au courrier de la Chambre des représentants adressée à Thierry Breton, et complément du titre de l’article à ce sujet

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