Théâtre : « Le voyage de Monsieur Perrichon » d’Eugène Labiche au théâtre Artistic Athévains
Une Chronique Culture d’Alain Girodet
Il faut de tout pour faire un monde, y compris sans doute une reprise de cette pièce de Labiche qui pourrait, à priori, paraître quelque peu obsolète mais qui est ici redynamisée par une mise en scène virevoltante et une troupe d’excellents comédiens.
On connaît l’argument : monsieur Perrichon, brave bourgeois imbu de sa position sociale, carrossier de son état, part en voyage aux sports d’hiver, en Suisse, avec sa femme, Caroline, et leur fille, Henriette. Deux jeunes gens les suivent et tentent d’entrer en relation avec la famille parce que, quelques jours auparavant, ils sont tous les deux tombés en extase devant la jeune Henriette à l’occasion d’un bal. Ils vont donc rivaliser d’habileté pour obtenir la main de la jeune fille.
Labiche, on le sait, est un excellent faiseur : il sait mener une intrigue, poser ses personnages, opérer des rebondissements, et faire retomber les personnages sur leurs pieds à l’occasion d’un final astucieux. Le texte lui-même comporte quelques perles bien trouvées : « Il est sourd ? C’est donc pour cela qu’il ne répond pas à nos lettres » ou bien « La mère de glace ? Elle a donc des enfants ? ».
Mais surtout Frédérique Lazarini, la metteure en scène, a eu l’ingéniosité de distiller savamment une certaine modernité dans l’ensemble, mais sans exagération et surtout sans déformer la pièce : quelques passages chantés qui font de l’effet et dont l’anachronisme n’a rien de choquant, des gags visuels qui rafraichissent le déroulement sans gêner la compréhension, et des projections vidéo suffisamment kitch pour s’adapter parfaitement à l’univers de Labiche. Même les changements de décor, qui sont effectués à vue, le sont par les personnages eux-mêmes dans leur rôle, comme s’il allait de soi qu’ils puissent modifier la disposition des meubles et des éléments qui les entourent.
Tout cela donne un sentiment de rapidité et de joie qui est toujours à la marge de la comédie musicale, du burlesque et du dessin animé. Et, de ce fait, quels que soient les petites lourdeurs d’une époque désormais révolue, on s’intéresse néanmoins aux mésaventures des personnages. Certes, on ne vient plus demander la main d’une jeune fille à son père ; certes, on ne se provoque plus en duel pour une formule blessante rédigée sur un livre d’or d’hôtel ; certes, on ne vient plus acheter son billet au guichet de la gare avant de faire enregistrer sa valise. Mais au fond, la plupart des situations, ou plutôt des réactions humaines engendrées par les situations, sont des plus modernes. Et la pièce, telle qu’elle est mise en scène, insiste sur les obstacles majeurs que peuvent être, encore maintenant, l’avarice, les préoccupations purement matérielles et pécuniaires, le manque de générosité, l’autosatisfaction dont font preuve certains êtres, le manque de reconnaissance qui, bien souvent, succède à un service rendu. L’imbécile Perrichon est, au final, de toutes les époques : il reflète l’état d’une société dans laquelle l’appât du gain et la recherche de la renommée sont considérés comme des valeurs suprêmes.
Au final, une pièce amusante, bien menée, et qui mériterait largement d’être diffusée au plus grand nombre, y compris parmi les plus jeunes.
Distribution
avec
Cédric Colas
Emmanuelle Galabru
Hugo Givort
Arthur Guézennec
Messaline Paillet
Guillaume Veyre
scénographie François Cabanat
costumes Dominique Bourde
lumières Xavier Lazarini
musique et son François Peyrony
effets vidéo Hugo Givort
assistante à la mise en scène Lydia Nicaud
Durée : 1h25 mardi 19h mercredi 17h jeudi 19h vendredi 20h30 samedi 17h et 20h30 dimanche 15h
Théâtre Artistic Athévains – 45 bis rue Richard Lenoir 75011 Paris
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