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Vaccin expérimental contre le cancer de Moderna : pour le traitement et non la prévention du mélanome

par Mark R. O’Brian, Professor and Chair of Biochemistry, Jacobs School of Medicine and Biomedical Sciences, University at Buffalo, États-Unis

Des médias variés ont fait état des résultats encourageants des essais cliniques d’un nouveau vaccin expérimental mis au point par la société de biotechnologie Moderna pour traiter le mélanome, un type agressif de cancer la peau .

Bien qu’il s’agisse potentiellement d’une très bonne nouvelle, il m’est apparu que les titres pouvaient être involontairement trompeurs. Les vaccins que la plupart des gens connaissent préviennent la maladie, alors que ce nouveau vaccin expérimental contre le cancer de la peau traite uniquement les patients déjà malades. Pourquoi l’appelle-t-on un vaccin s’il ne prévient pas le cancer ?

Je suis biochimiste et biologiste moléculaire et j’étudie les rôles que jouent les microbes dans la santé et les maladies. J’enseigne également la génétique du cancer aux étudiants en médecine et je m’intéresse à la manière dont le public comprend la science. Bien que les vaccins préventifs et thérapeutiques soient administrés dans un but différent, ils entraînent tous deux le système immunitaire à reconnaître et à combattre un agent pathogène spécifique à l’origine de la maladie.

Mélanome – Source Wikipédia

Comment fonctionnent les vaccins préventifs ?

La plupart des vaccins sont administrés à des personnes en bonne santé avant qu’elles ne tombent malades afin de prévenir les maladies causées par des virus ou des bactéries. Il s’agit notamment des vaccins qui préviennent la polio, la rougeole, le COVID-19 et de nombreuses autres maladies. Les chercheurs ont également développé des vaccins pour prévenir certains types de cancers causés par des virus tels que les papillomavirus humains et le virus d’Epstein-Barr.

Le système immunitaire reconnaît des entités tels que certains microbes et allergènes qui n’ont pas leur place dans votre organisme et déclenche une série d’événements cellulaires pour les attaquer et les détruire. Ainsi, un virus ou une bactérie qui pénètre dans l’organisme est reconnu comme un élément étranger et déclenche une réponse immunitaire pour combattre l’envahisseur microbien. Il en résulte une mémoire cellulaire qui suscitera une réponse immunitaire encore plus rapide lors de la prochaine intrusion du même microbe.

Le problème est que, parfois, l’infection initiale provoque une maladie grave avant que le système immunitaire ne puisse organiser une réponse contre elle. Même si on est mieux protégé contre une deuxième infection, on a subi les conséquences potentiellement dommageables de la première.

C’est là qu’interviennent les vaccins préventifs. En présentant une version inoffensive ou une partie du microbe au système immunitaire, l’organisme peut apprendre à organiser une réponse efficace contre lui sans provoquer la maladie.

Par exemple, le vaccin Gardasil protège contre le virus du papillome humain, ou VPH, qui provoque le cancer du col de l’utérus. Il contient des composants protéiques présents dans le virus qui ne peuvent pas causer de maladie mais qui provoquent une réponse immunitaire qui protège contre une future infection par le VPH, prévenant ainsi le cancer du col de l’utérus.

Le vaccin contre le VPH (virus du papillome humain) peut prévenir le cancer du col de l’utérus

Comment fonctionne le vaccin contre le cancer de Moderna ?

Contrairement au cancer du col de l’utérus, le mélanome de la peau n’est pas causé par une infection virale, selon les dernières données disponibles. Le vaccin expérimental de Moderna ne prévient pas non plus le cancer comme le fait le vaccin Gardasil-9.

Le vaccin Moderna entraîne le système immunitaire à combattre un envahisseur de la même manière que les vaccins préventifs que la plupart des personnes connaissent. Toutefois, dans ce cas, l’envahisseur est une tumeur, une version aberrante de cellules normales qui abrite des protéines anormales que le système immunitaire peut reconnaître comme étrangères et attaquer.

Quelles sont ces protéines anormales et d’où viennent-elles ?

Toutes les cellules sont constituées de protéines et d’autres molécules biologiques telles que les glucides, les lipides et les acides nucléiques. Le cancer est causé par des mutations dans les régions du matériel génétique, ou ADN, qui codent les instructions sur les protéines à fabriquer. Les gènes mutés produisent des protéines anormales, appelées néoantigènes, que l’organisme reconnaît comme étrangères. Cela peut déclencher une réponse immunitaire pour combattre une tumeur naissante. Cependant, il arrive que la réponse immunitaire ne parvienne pas à maîtriser les cellules cancéreuses, soit parce que le système immunitaire est incapable d’organiser une réponse suffisamment forte, soit parce que les cellules cancéreuses ont trouvé un moyen de contourner les défenses du système immunitaire.

Le vaccin expérimental de Moderna contre le mélanome contient des informations génétiques qui codent pour des parties des néoantigènes de la tumeur. Cette information génétique se présente sous forme d’ARNm, la même forme que celle utilisée dans les vaccins contre le Covid-19 de Moderna et Pfizer-BioNtech. Il est important de noter que le vaccin ne peut pas provoquer de cancer, car il ne code que pour de petites parties non fonctionnelles de la protéine. Lorsque les informations génétiques sont traduites en ces morceaux de protéines dans l’organisme, elles déclenchent une attaque du système immunitaire contre la tumeur. Idéalement, cette réponse immunitaire entraînera le rétrécissement et la disparition de la tumeur.

De façon remarquable, le vaccin Moderna contre le mélanome est conçu sur mesure pour chaque patient. Chaque tumeur est unique, et le vaccin doit donc l’être aussi. Pour personnaliser les vaccins, les chercheurs effectuent d’abord une biopsie de la tumeur du patient afin de déterminer les néoantigènes présents. Le fabricant du vaccin conçoit ensuite des molécules d’ARNm spécifiques qui codent pour ces néoantigènes. Lorsque ce vaccin ARNm personnalisé est administré, l’organisme traduit le matériel génétique en protéines spécifiques de la tumeur du patient, ce qui entraîne une réponse immunitaire contre la tumeur.

L’identification des néoantigènes d’une tumeur peut aider les chercheurs à personnaliser les vaccins contre le cancer

Combiner la vaccination et l’immunothérapie

Les vaccins sont une forme d’immunothérapie, car ils traitent les maladies en exploitant le système immunitaire. Cependant, d’autres médicaments anticancéreux d’immunothérapie ne sont pas des vaccins, car s’ils stimulent également le système immunitaire, ils ne ciblent pas de néoantigènes spécifiques.

En fait, le vaccin de Moderna est administré conjointement avec le médicament d’immunothérapie pembrolizumab, commercialisé sous le nom de Keytruda. Pourquoi deux médicaments sont-ils nécessaires ?

Certaines cellules immunitaires appelées lymphocytes T possèdent des composants moléculaires d’accélération et de freinage qui servent de points de contrôle pour s’assurer qu’elles ne sont activées qu’en présence d’un envahisseur étranger tel qu’une tumeur. Cependant, il arrive que les cellules tumorales trouvent le moyen de maintenir l’action de freinage des lymphocytes T et de supprimer la réponse immunitaire. Dans ces cas, le vaccin de Moderna identifie correctement la tumeur, mais les lymphocytes T ne peuvent pas y répondre.

Le pembrolizumab, en revanche, peut se lier directement à un composant du frein sur le lymphocyte T, désactivant le système de freinage et permettant aux cellules immunitaires d’attaquer la tumeur.

Ce n’est pas un vaccin préventif contre le cancer

Alors pourquoi le vaccin Moderna ne peut-il pas être administré à des personnes en bonne santé pour prévenir le mélanome avant qu’il ne se déclare ?

Les cancers sont très variables d’une personne à l’autre. Chaque mélanome présente un profil néoantigène différent qui ne peut être prédit à l’avance. Par conséquent, il est impossible de mettre au point un vaccin avant l’apparition de la maladie.

Le vaccin à ARNm expérimental contre le mélanome, qui en est encore aux premiers stades des essais cliniques, est un exemple de la nouvelle frontière de la médecine personnalisée. En comprenant la base moléculaire des maladies, les chercheurs peuvent explorer comment leurs causes sous-jacentes varient d’une personne à l’autre et proposer des options thérapeutiques personnalisées contre ces maladies.

Pour aller plus loin

Texte paru initialement en anglais dans The Conversation, traduit par la Rédaction. La traduction étant protégée par les droits d’auteur, ce article traduit n’est pas libre de droits. Nous autorisons la reproduction avec les crédits appropriés : « Citizen4Science/Science infuse » pour la version française avec un lien vers la présente page.

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