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Critique série télévisée : ‘Les papillons noirs’

À l’occasion de sa diffusion actuelle sur Netflix (initialement Arte), nous avons visionné cette mini-série à la mode ‘Serial Killers‘ qui ne tient pas ses promesses. Attention spoiler ! Ne lisez pas cet article qui dévoile l’intrigue et les ficelles de l’œuvre.

Le thème à de quoi séduire actuellement : l’épopée sanglante d’un couple de tueurs en série qui sévit dans la France des années 70 et 80. Cette histoire est imbriquée dans une autre, celle d’un écrivain contemporain qui se fait raconter cette épopée par un vieux monsieur qui l’a sollicité pour écrire son histoire.

Le procédé narratif est l’alternance entre le le présent et des flash-back dans le passé au gré des confidences du vieux monsieur.

Éléments de scénario

Adrien, quarantenaire écrivain, est contacté par Albert, un vieil homme mal en point physiquement qui veut publier ses mémoires.
L’écrivain est une sorte d’ex bad boy, il a été emprisonné en Thaïlande suite à bagarres, drogue et combats de boxe clandestins. C’est Nora, sa compagne, qui l’a sauvé au sortir de ces problèmes. Adrien ne connaît pas son père belge qui est décédé quand il était enfant mais sa mère, retraitée, vit à proximité du couple.

Adrien rend visite régulièrement à Adrien qui vit seul dans une grande demeure à colombages dans le Nord. Le vieil homme lui raconte ses souvenirs, Adrien prend des notes écrites et vocales et se met rapidement à écrire son livre sur la base des confidences d’Albert. Les souvenirs sont des flash-backs et nous découvrons l’histoire d’Albert et de Solange sa compagne, qui se rencontrent enfants à la fin des années 1950, chacun isolé socialement. Solange est la fille d’une femme qui a eu une relation avec un allemand pendant la guerre, elle a été tondue à la Libération est vit dans une maison de façon isolée avec sa fille. Albert vit dans un orphelinat. Les deux enfants se trouvent, Albert prenant Solange sous sa protection. Nait un amour et une relation fusionnelle. Au fur et à mesure des visites d’Adrien à Albert, on découvre de façon chronologique l’histoire de Solange et Albert, sur la base des flash-backs d’événements marquants. À l’adolescence, alors que le jeune couple est sur une plage et qu’ils rencontrent deux frères avec qui ils jouent au ballon, on découvre un premier meurtre par Solange avec un tire-bouchon de l’un des frères qui tentent de la violer. Albert réagira en tuant à son tour le témoin, le frère de la première victime.

Albert et Solange dans les années 70 – Copie d’écran Netflix

Les flash-backs se succèdent, au fil des années, tout au long des 1970 et 1980, dans différentes régions de France, principalement pendant les vacances d’été, dans le Sud d’ouest en est en passant par la Corse. Reconnaissons qu’il y a de belles images, vêtements, des voitures de l’époque qui circulent, des tons sépia qui peuvent ravir les nostalgiques de l’époque. Au-delà de cette esthétique « vintage » affriolante, on voit le couple mettre en scène Solange pour attirer des hommes, le tout finissant par un meurtre perpétré par Albert hors de lui à l’arme blanche alors que la proie masculine de Solange est prête à passer à l’acte avec une Solange qui s’offre à lui.
Ces scènes de meurtre, parfois longuement décrites dans la mise en œuvre, s’enchaînent ensuite à l’écran à débit rapide pour nous montrer cet effet de tueurs en série. Le couple machiavélique prend visiblement un plaisir pervers à leurs tueries organisées, d’autant qu’ils font l’amour immédiatement après la scène sanguinolante à côté de la victime. Berk.

Mais on vit aussi dans les années 2020 :

Histoire 1 : Adrien l’écrivain et sa femme, Adrien et son père disparu et sa famille belge côté père disparu qui le rejette de façon incompréhensible, Adrien et sa rencontre amoureuse avec une jeune amie d’Albert.

Adrien et Albert – Copie d’écran Netflix

Histoire 2 : en parallèle, et sans que l’on sache pourquoi, on découvre Carel, un policier qui fait des recherches dans son garage, une carte de France avec des lieux où sont placardées des dates, de nombreuses photos et coupures de journaux.

Voilà, on ne va pas aller plus loin dans la description de l’histoire, on a assez d’éléments pour formuler notre critique. À vrai dire, ça comment avec plein de promesses, une ambiance surtout dans les retours dans le passé, puis ça devient un peu loufoque quand on revient de nos jours, partant un peu dans tous les sens. A posteriori, on se dit que les scénaristes ont fabriqué l’histoire à l’envers pour constuire quelque chose de finalement bien invraisemblable. Et à l’aide d’un petit tour de passe-passe pour leurrer le spectateur.

Convergence des histoires et escroquerie intellectuelle

L’histoire du policier Carel sur une affaire dans son garage ? On comprend assez vite qu’il s’agit de notre couple de tueurs en série. Le recoupement est fourni avec un indice visuel : Carel a les yeux vairons. Or le couple de tueurs récupère dans les années 1970 un bébé aux yeux vairons dont ils ont tué le père, qu’ils abandonneront très vite. Finalement ce policier recherche les tueurs de son père, donc Albert. Bien.
Il finira d’ailleurs par trouver Albert et se rendra chez lui. Albert l’enfermera dans une cave et il y trépassera car Albert meurt entretemps. Houla.

L’histoire d’amour d’Adrien avec une jeune femme amie d’Albert ? On apprend au cours d’un flash-back qu’elle est également la fille de victimes du couple de tueurs en série. Mais tués dans d’autres circonstances que les proies sexuelles habituelles du couple. L’homme de ce couple victime est père de Solange, l’allemand avec qui sa mère avait eu une histoire pendant l’Occupation. Dans le flas- back, on voit Albert le tuer pour le mal quil a fait à Solange en l’abandonnant elle et sa mère, Donc on comprend qu’Adrien a une histoire d’amour avec la demi-sœur de Solange. Bien.

Maintenant la grosse arnaque de cette série : les flash-back mettent en scènes Solange et Albert jeunes, quand Albert vieux expose ses souvenirs. Et bien il ne faut pas se fier à ceux qu’on voit. Car en réalité, Solange est la mère…….d’Adrien l’écrivain ! Oui c’est rocambolesque. mais c’est surtout particulièrement peu « fair-play » pour les spectateurs. Car on nous a montré un couple de tueurs, Albert et Solange. Solange apparaît comme une rousse vénitienne aux cheveux bouclés et aux yeux clairs. Albert est blond aux yeux bleus, tout à fait compatible avec Albert vieux.
Et bien le problème c’est Solange. Parce qu’en fait, Solange est brune aux yeux marrons. Comme la mère d’Adrien. Oui, Solange est la mère d’Adrien ! On l’apprend après avoir appris qu’Albert est le père d’Adrien. Le vieil homme lui a avoué après qu’Adrien l’ait vu se faire une injection d’insuline…. or Adrien est diabétique aussi – un diabète héréditaire. Alors Adrien s’interroge et Albert confirme qu’il est son père. Bien, bien bien.

On nous a donc induit en erreur, nous spectateurs, sur les flash-back : Albert jeune était bien Albert jeune mais Solange jeune était une figurante pour les besoins de l’arnaque vis-à-vis du spectateur dont le physique est à l’opposé de la vraie Solange. Bon. C’est particulièrement énervant quand on apprend la vérité. On l’apprend parce que la demi-soeur de Solange, qui petite fille a assisté au meurtre de ses parents par les serial killers, a vu la scène du double meurtre et en fait le flash-back montre que c’est Solange qui a commis les meurtres.
Les scénaristes sont capables de déployer des trésors de stratagèmes pour induire en erreur les spectateurs et les entraîner sur une fausse piste. Mais là, ce n’est pas très honnête comme procédé, non ?
L’autre arnaque des flash-backs c’est que pendant tout le film jusqu’à la révélation que Solange est la mère d’Adrien, et bien on voit Adrien commettre les crimes. En réalité, c’est Solange la tueuse compulsive. On peut l’accepter cela dit parce que c’est Adrien qui raconte. Et il veut protéger jusqu’au bout Solange. Soit.

Résumons-nous : Albert est le père de l’écrivain Adrien dont la mère était la compagne de ce tueur en série et Adrien est sorti avec la demi-soeur de sa mère la prenant pour une amie de sa relation de travail Albert. Mais finalement, tout ce petit monde est une famille éclatée. Bon !

Et l’humour et la psychologie ?

Poruquoi une histoire dramatique demanderait-elle une dose d’humour ? Oui en effet, pourquoi ? C’est un drame, ce n’est pas nécessaire. Oui, mais dans ce cas on aurait voulu voir de la psychologie. Que se passe-t-il réellement dans le tête du couple de tueurs machiavéliques ? On peut le deviner, le contexte, leur histoire, est bien expliquée. Mais on ne saura jamais pourquoi Solange tue frénétiquement. On voit juste qu’Adrien la protège, avec sa relation exclusive, son amour inaltérable.
Que se passe-t-il dans la tête d’un tueur en série ? Quels sont les mobiles profonds ? La question est lancinante ; peut-être est-on influencé dans cette quête par la littérature, séries et films américains sur le thème des tueurs en série, et là, il se trouve qu’on n’est pas déçu : Hannibal Lester, Seven, plus récemment les séries Dahmer ou You : la psychologie est maître d’œuvre. N’est-ce pas ce que l’on cherche à comprendre, en tant que spectateur ? Dans Les Papillons Noirs, tout tourne autour des rebondissements de scénarios sur les liens familiaux entre les personnages. Cela aurait peut être été suffisant si la mécanique utilisée n’avait pas été loufoque et les ficelles utilisées moins exagérées.

Une série qui traîne en longueur

Ce scénario paraît grotesque, mais ne soyons pas trop sévère : la série dure des heures et les révélations sont amenées progressivement. Heureusement mais en même temps, ça traîne réellement en longueur, peut-être à cause des invraisemblances qui s’enchaînes et une écriture au final maladroite. Les sous histoires contemporaines sont très moyennes, on aurait préféré une histoire totalement chronologique; C’est donc mal ficelé. Un film de 2 heures ou 2h30 aurait suffit. J’admets aussi que l’arnaque de « l’échange de Solange » pour placer la mère d’Adrien, j’ai dû mal à digérer. Je me sens vraiment abusée.

Des jeux d’acteur variables

Les acteurs, ça compte. Cela peut compenser un scénario moyen. Ici le héros de la série est Adrien. Il est joué par Nicolas Duvauchelle, dont je ne connais pas l’historique. Je ne suis pas convaincue. Je n’arrive à l’identifier à son personnage d’ex bad-boy violent reconverti en sage écrivain. Il y a bien des tatouages et une consommation frénétique de cigarettes, ce n’est pas suffisant.
Albert en vieil homme, c’est Niels Arestrup. Rien à redire, son jeu est confondant de naturel. Solange âgée, la mère d’Adrien, est également très bien. Et finalement les autres acteurs sont crédibles. Mais malheureusement, Adrien je trouve que ça ne passe pas or c’est le personnage central.

Allez, cette série est quand même une expérience intéressante. D’autant que cela nous met encore plus dans l’attente de la saison 4 de You qui sera mise en ligne dans quelques jours, également sur Netflix. Une série qui nous met littéralement dans la tête du serial killer. Vivement.

Pour aller plus loin

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